Les fuites des enregistrements font couler de l'encre. Entre ceux qui estiment qu'il y a de la manipulation politique évidente, que ce n'est pas fortuit que ces enregistrements soient diffusés en ce moment et ceux qui pensent que les journalistes sont à la solde d'on ne sait quelle antichambre, il y a l'embarras du choix. Le top (pour le moment) a été atteint hier à l'émission de Moez Ben Gharbia Attessiaa sur la chaîne éponyme avec les deux députés de Nidaa : Sabrine Ghoubantini et Sofiène Toubel. La première estime que c'est totalement immoral que l'on fasse fuiter et diffuser les contenus des réunions. La bonne dame semble avoir beaucoup de leçons de moralité à donner. Quant au second, il a déclaré que Business News a reçu des consignes (taalimet) pour diffuser ces enregistrements et trouve louche que l'on ne diffuse que ces passages de ces enregistrements montés et incomplets. Il témoigne que l'un de ses amis a appelé « Nizar » le directeur de Business News et que ce dernier lui aurait répondu que c'est plus fort que lui et qu'il a reçu des consignes. Ce à quoi Moez Ben Gharbia a répondu « Je connais très bien les gens de Business News et je sais qu'ils sont des gens qui font leur travail ». Sofiène Toubel insiste pour dire que Nizar a bien reçu un coup de fil d'un ami qui lui a demandé de ne pas relayer l'enregistrement, mais que Nizar a insisté pour le diffuser car c'est plus fort que lui et que ce sont des consignes. Il s'interroge dans la foulée pourquoi l'on a diffusé que ces parties et non d'autres.
En réponse à cela, une bonne leçon de journalisme politique en matière de fuites s'impose. Des fuites de réunions politiques et même de conseils ministériels, cela existe partout dans le monde. Dans les démocraties du moins. L'hebdomadaire « Le Canard Enchaîné » en a fait sa spécialité. La page 2 du Palmipède regorge de ce type de fuites chaque semaine. Tant qu'il ne s'agit pas d'affaires privées et personnelles, tant que ce n'est pas immoral. Ce sont les ministres qui font fuiter aux journalistes certaines informations et même le président de la République, comme on a pu l'apprendre dans un récent ouvrage sur François Hollande. Ce même hebdomadaire a créé un véritable séisme dans la campagne présidentielle actuelle grâce à des fuites et des scoops. Les politiques peuvent dénigrer le Canard autant qu'ils veulent et remettre en doute son intégrité morale, cela n'empêchera pas pour autant ses journalistes de faire leur travail. Ils le font correctement et nous essaierons de faire pareil, toutes proportions gardées.
Quant au « coup de fil » évoqué par Sofiène Toubel, nous confirmons les propos du député. Le directeur du journal a bien reçu un coup de fil d'un haut responsable de l'Etat l'informant que M. Toubel est dans tous ses états parce qu'il a appris que ses propos enregistrés à son insu vont être diffusés sur Business News. Pensant pouvoir agir en amont et censurer l'article, en cours de préparation, le député a contacté ce haut responsable « ami » pour nous dissuader de diffuser l'enregistrement sonore. Et c'est vrai que le directeur de BN a refusé en déclarant : « Je ne peux pas censurer mes journalistes, c'est plus fort que moi ! Et il ne s'agit pas de secrets d'Etat ou d'atteinte à la sécurité nationale! ». Que Sofiène Toubel comprenne que « plus fort que moi » est synonyme de « consignes », c'est son affaire. Qu'il pense pouvoir appeler de hauts responsables de l'Etat pour censurer des articles de presse, c'est également son affaire. Le fait est que Business News n'a pas cédé à ces pressions « amicales » et a accompli son devoir journalistique, comme l'aurait fait n'importe quel autre journaliste respectant sa profession d'autant plus que les décisions, à Business News, se prennent de manière collégiale au niveau des rédacteurs en chef et non à celui de la direction.
Par ailleurs, Business News a en sa possession d'autres enregistrements de cette réunion. La rédaction a choisi de ne pas les diffuser car il n'y est pas question de l'intérêt public et elle a estimé qu'ils ne sont pas d'un apport conséquent au débat.
Pour finir, quand on est membre d'un parti dont les réunions sont enregistrées et fuitées, la sagesse impose de ne pas s'en prendre aux journaux qui relayent ces informations, en leur donnant des leçons de morale en plus.