Avec les élections municipales et régionales, les Tunisiens pourront enfin choisir réellement et pour la première fois leurs représentants municipaux et régionaux. La décadence enclenchée au lendemain du tremblement de terre du 14-Janvier pourra-t-elle enfin être stoppée pour que le citoyen puisse marcher de nouveau dans des rues propres ? Hier, 3 avril 2017, l'ISIE a tranché après des années de tergiversations. Les élections municipales auront lieu le dimanche 17 décembre 2017, elles seront suivies, deux mois plus tard, par les régionales. Cette bonne nouvelle n'a pourtant pas été accueillie comme telle par de nombreuses organisations d'observateurs dont les représentants sont même arrivés à prononcer le mot qui fait peur : boycott !
Adoptée par une forte majorité d'élus, le 26 janvier 2014, la nouvelle constitution tunisienne, contient en son sein les germes de ce que le monde moderne appelle décentralisation. Il s'agit d'une délégation ou d'un transfert de pouvoir de l'Etat central vers une entité locale, au bénéfice d'agents élus par les citoyens et regroupés dans des collectivités locales. Une démocratie « très » directe ! Appuié par l'Union Européenne et par toutes les organisations financières qui soutiennent aujourd'hui le pays, ce programme ambitieux vise le renforcement des pouvoirs locaux. Théoriquement, une fois appliqué pleinement, il permettra d'amplifier le pouvoir des collectivités locales sans pour autant affaiblir l'Etat qui exercera un certain contrôle sur ces structures nouvellement constituées.
Pratiquement, depuis le vote de la Constitution en 2014, deux gouvernements se sont succédé et aucune des deux formations politiques prédominantes n'a eu la volonté d'affronter un tel processus, jusqu'à « hier ». Si nous devions nous en tenir aux dires des représentants de ces deux partis, ces élections municipales devaient avoir lieu il y a plus d'un an ! Avec le vote de la loi électorale le 31 janvier 2017, il semble que les tergiversations touchent à leur fin, un énorme travail reste à faire pourtant. Faire passer le projet du code des collectivités locales devant l'Assemblée des représentants du peuple et obtenir la bénédiction des élus pour les 397 articles qui le constituent, et dissoudre dans la foulée les 107 délégations spéciales mises sur pied lors des dernières élections. Une prouesse qui s'avère impossible, compte tenu de l'historique de l'ARP.
En réalité, la solution à ce problème a déjà été trouvée par la classe dirigeante en œuvre. Lors de la Matinale de Shems FM du lundi 3 avril, le président de l'organisation ATIDE (Association Tunisienne pour l'Intégrité et la Démocratie des Elections), Moez Bouraoui, dévoile à quelle sauce seront préparées ses élections et révèle qu' « au moment de voter la loi permettant aux sécuritaires de participer aux élections élections, les élus ont glissé l'article 173 qui dit, en gros, qu'il est possible d'organiser des élections municipales même dans le cas où il n'y a pas de code ! Selon l'article en question il sera possible d'utiliser la loi de 1975 et dans ce cas rien ne changera car tout le pouvoir sera entre les mains du gouverneur, comme c'est déjà le cas ! ». Le vice-président du réseau Mourakiboun, présent lui aussi sur le plateau, fait savoir que sans un code des collectivités locales, il est inutile d'organiser des élections. Il propose ensuite : « si nous ne pouvons pas voter ce code, nous devons au moins en créer un pour les municipalités. Une fois fait, il nous faudra également un code pour les régions ! ». Les deux hommes rappellent également que lors de la réunion du 14 mars, avec l'ISIE, ils ont convenu avec Al Bawsala et l'association Awfiya que si le code des collectivités locales n'est pas voté, il faudrait recourir ni plus ni moins au boycott des élections. Maya Jribi a elle expliqué sur Diwan FM ce mardi 4, que la ratification du code des collectivités locales et la mise en place d'une démocratie régionale et décentralisée, devra précéder la priorité de fixer une date pour les élections municipales. « Je crains, et ça en a tout l'air, que ce soit encore une réplique du passé et le fruit d'un accord entre les deux partis au pourvoir, dans ce cas l'issue serait dramatique » avait-elle dit ce matin.
La certitude maintenant est que, le dimanche 17 décembre prochain, les Tunisiens seront appelés aux urnes pour choisir leurs élus municipaux dans 365 communes. Ce scrutin de proximité censé permettre un redressement et une amélioration de l'environnement des citoyens, touché par le relâchement généralisé des services, les constructions anarchiques et les saletés qui jonchent les rues, part très en retard sur le gong ! En France, les collectivités locales s'administrent librement dans les conditions prévues par la loi. Elles ne possèdent que des compétences administratives, ce qui leur interdit de disposer de compétences étatiques, comme édicter des lois ou des règlements autonomes, bénéficier d'attributions juridictionnelles ou de compétences propres dans la conduite de relations internationales. Leur gestion est, elle, assurée par des conseils ou assemblées délibérantes élus de manière directe. Ce système a été mis en place il y a des décennies et a prouvé son bon fonctionnement. Il permet aux régions une certaine autonomie financière et donc l'autogestion, ou presque. Qu'en sera-t-il en Tunisie ? Nous l'ignorons encore…