Dans une interview au mensuel Leaders qui vient de paraître, le président de la République a déclaré, concernant la gauche : "Notre pays doit être foncièrement contre. Notre société est très attachée à la modération du centre, regroupant les diverses expressions. N'oublions pas les dispositions de la Constitution qui proclament que l'Etat est civil pour un peuple musulman" !!! Avouons que c'est confus. Lier la gauche à l'Islam et insinuer en quelque sorte qu'elle est antimusulmane est, à notre avis, une mauvaise interprétation de la chose politique.
On fréquente beaucoup de gens foncièrement de gauche, mais qui se disent également musulmans et fiers de l'être. Et qu'on se le dise une fois pour toute, cela n'est nullement contradictoire. Sauf dans les esprits malsains. Ce qui nous parait incompris par le Président ou peut-être voulu pour des raisons purement tactiques dont il a le secret, c'est que la majorité de ces gens de gauche est laïque. Et c'est là l'amalgame.
Monsieur le Président, contrairement à ce que disent vos alliés les islamistes et à leur tête Ghannouchi pour rajouter à la confusion, être laïc c'est faire de sa religion une affaire strictement privée, ce n'est pas être antimusulman. Les Tunisiens et Tunisiennes, à qui on ne peut pas mentir tout le temps, savent de plus en plus (beaucoup reste à faire dans ce domaine) qu'être laïc, c'est aussi être au-dessus de toutes les religions, ne pas mélanger religion et politique, respecter le droit de chacun de croire ou de ne pas croire (liberté de conscience inscrite dans la Constitution), c'est respecter également, même si notre pays est à majorité musulmane, que d'autres religions tunisiennes ancestrales existent aussi, telles que les religions juives et chrétiennes et qui doivent elles aussi être respectées et avoir des droits aussi égaux que ceux des musulmans tunisiens et tunisiennes. C'est cela l'Etat de droit !
Monsieur le Président, faire l'amalgame en disant qu'être de gauche c'est être antimusulman, est très démagogique et revient à faire le jeu de ceux qui ont fait de la lutte violente des "identités meurtrières" leur seul fond de commerce. Les Tunisiens et Tunisiennes savent désormais que l'extrémisme quel qu'il soit, n'est pas une opinion, mais un crime !
Etre de gauche, Monsieur le Président c'est d'abord et au final être pour l'égalité, pour la justice et pour le respect des droits humains. Faire étalage de sa religiosité est désormais une question totalement dépassée chez la gauche... la vraie.
On vous l'assure, Monsieur le Président, une grande majorité de Tunisiens et de Tunisiennes, n'est pas contre la gauche. Elle l'est, sans s'en rendre compte pour l'instant. Et forcément, un jour viendra ou aussi, ces deux parallèles se rencontreront !