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Lettre ouverte aux seuls démocrates
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 07 - 2011


Par Raouf el fatmi
De tous les combats politiques qui se profilent au sein du très jeune processus de démocratisation de la société tunisienne, il en est un qui, par sa portée, se situe bien au-dessus de la mêlée, et mériterait de ce fait d'être traité en priorité absolue : le combat pour un régime religieux ou laïc.
Il s'agit là d'un combat qui n'admet ni compromis ni demi-mesures parce qu'il oppose deux concepts antinomiques. En clair, soit la loi est étrangère à la religion soit elle ne l'est pas ; un point c'est tout !
Aucune contorsion sémantique ne pourrait venir troubler cette simple précision.
Si les tenants politiques des deux bords font mine d'occulter cette question là, bien qu'ils en admettent la primauté en leur for intérieur, c'est que les uns et les autres sont animés par un même calcul politique non-dit, sinon qu'il révèle deux stratégies différentes.
Les pro-religieux ont adopté, par défaut et nécessité, la meilleure stratégie qui soit.
Ayant fait le constat que durant la période d'insurrection qui a provoqué la révolution, la rue n'a produit aucun slogan religieux, fut-il simple cri de ralliement, ils ont mis au placard leur doctrine repoussoir avec une étonnante célérité et ont revêtu sur le champ les habits de la démocratie, en prenant tout de même la précaution de marteler que la Constitution ne saurait se défaire de son article 1er, en référence à "… sa religion est l'Islam …".
Bien entendu, leur objectif est d'être en mesure d'imposer – par le poids du nombre – leur écriture de la Constitution, et leur stratégie de conquête est de chanter à tue-tête les vertus de la démocratie en taisant celles de la Chariâ, sans manquer de travailler à travestir le sens de la laïcité auprès du corps social, afin qu'elle paraisse être la menace suprême de l'identité nationale.
Quant aux démocrates, ils ont – pour l'heure et probablement par immaturité politique – adopté une piètre stratégie. D'autant plus mauvaise qu'ils la croient pertinente, alors qu'elle dessine par elle-même la voie assurée de l'échec.
Inquiets de la préservation des acquis modernistes de la société tunisienne, ils se sont enfermés dans une logique de leur seule défense au lieu de passer à l'offensive qu'offre une révolution qui a eu la bonne grâce de leur sourire, pour parcourir la faible distance qui les séparent, aujourd'hui, de l'émergence historique d'un véritable Etat de droit. En affirmant leur attachement à l'intégrité de l'article 1er de la Constitution 59, ils pensent ainsi contenter abusivement les islamiques (comme un os à ronger que l'on jette à un intrus, pour avoir la paix) sans prêter attention au fait qu'ils concèdent ainsi à leurs adversaires, gratuitement, inutilement et dangereusement, la seule exigence qu'ils ont jugé utile de dévoiler publiquement.
Devinez après ça, qui a piégé l'autre ? La seule identité de vue sur un point aussi capital entre adversaires irréductibles aurait dû pourtant les alerter sur la fragilité et la faiblesse de leur position.
Le piège de l'article 1er
Si on retient seulement quatre points, à savoir : 1) que la Constitution est la Loi fondamentale ; 2) que toute loi est obligatoirement "contrainte"; 3) que toute religion est "législation"; 4) que seule la laïcité proclame la liberté de culte ; il est un élément qui montre clairement que le maintient en l'état de l'article 1er est un piège fatal pour les laïcs et par extension pour les démocrates (en ce qu'il ne peut y avoir de démocratie sans laïcité) : c'est le principe de constitutionnalité de la loi, qui – on peut l'espérer pour cette fois – devra être pleinement respecté.
Ce principe veut que si la Constitution, c'est-à-dire la Loi fondamentale, fait référence à une religion, les lois qui en découlent, appelées à régir la vie en société des citoyens potentiels devenus d'abord des "croyants", soient conformes aux prescriptions religieuses. Autrement dit, la constitutionnalité induite du 1er article maintenu tel quel doit impérativement conduire à l'instauration de la Chariâ. Non seulement nous aurons droit, entre autres inquisition et obscurantisme pluridisciplinaire, à la flagellation publique, à l'ablation des membres et à la lapidation, mais il faudra aussi, afin que le respect de la loi ne soit pas une simple vue de l'esprit, créer une police religieuse en charge du respect des " réjouissances quotidiennes " auxquelles sont tenus les citoyens-croyants devenus mineurs et esclaves : prière à l'heure pour tous, jeûne obligatoire, et tenue de bal masqué de rigueur.
On ne peut avoir une Loi fondamentale faisant explicitement référence à une religion, et qui proclame, en même temps, la liberté de culte par séparation du politique et du religieux.
Toutes les religions sont – en vérité – " législatives " par nature, quoiqu'en disent " les éclairés ". La religion est éminemment politique dans le sens où elle s'arroge le pouvoir de régir non seulement la coexistence des individus mais en plus et surtout l'existence de chacun d'eux par une somme inflationniste de dispositions étendues à tous les aspects de la vie, du berceau au tombeau.
C'est que la politique est à la religion ce que le moteur est à l'automobile !
Et c'est bien parce que la proclamation de la laïcité signifie la stérilisation politique de toute religion (par l'interdiction qui leur est faite d'édicter la loi) que son annonce constitue une menace mortelle pour les ambitions politiques qui tiennent l'exploitation du sentiment religieux pour une providentielle rampe d'accès à l'exercice assuré du pouvoir.
Quant à la volonté de certains d'interpréter le texte des lois coraniques dans le sens d'une modernité qui ressemble furieusement à la laïcité, elle s'oppose frontalement au caractère sacré du texte religieux. Ne s'agit-il de la parole de Dieu ? Comment commettre le blasphème de vouloir l'amender voire la contredire ? La parole de Dieu, devenue texte pour la soustraire à la volatilité de la tradition orale, évoque-t-elle la temporalité ? Non? Alors il s'agit d'une vérité immuable valable en tous temps ! C'est même là le signe distinctif de la sacralité. Et si l'interprétation est possible, qui pourrait prétendre être plus à même de la conduire ? Et puis l'interprétation, à quelle fin ? Si c'est pour rendre plus clémente la vie des croyants, nous pourrions inverser le processus de la question pour mieux la satisfaire : la bonne interprétation est donc celle qui permet la vie la plus clémente ! Et l'on aboutit invariablement au cadre juridique que seule la laïcité offre : la liberté de tous dans le respect du libre exercice de toutes les libertés de chacun, à commencer par la liberté de conscience et donc celle du culte et de sa libre pratique.
Combattre, ici et maintenant !
La seule façon de faire valoir la constitutionnalité de lois laïques, est de les arrimer à une Loi fondamentale (la Constitution) qui stipule formellement la laïcité de l'Etat, de manière précise et claire, sans prêter flanc à interprétation. Si nous voulons que nos existences soient$" administrées "uniquement par des lois laïques: il nous faut une Constitution qui le formule expressément, et nous serions bien avisés de comprendre cette disposition-là comme une exigence première, une urgence citoyenne, un impératif démocratique, et donc une nécessité politique.
La laïcité est au pluralisme, synonyme de démocratie, ce que la religion d'Etat, synonyme de parti unique, est à la dictature.
Cela dit, sommes-nous en mesure d'inscrire la laïcité de l'Etat sur le fronton de la Constitution ?
Je veux dire, avec force, que la chose est parfaitement possible, car l'élément déterminant ici est que la grande majorité de nos compatriotes sont laïcs de fait. Dans la pratique de leur culte, ils sont laïcs ; dans leur attachement à leur identité, ils sont laïcs ; dans leur sociabilité, ils sont laïcs ; dans leur rapport à l'autre, ils sont laïcs ; dans leur quotidien, ils sont laïcs … sinon qu'ils ne le savent pas, en ces termes-là.
Nous sommes pour la plupart des Monsieur Jourdain en puissance qui pratiquons la laïcité avec la même assiduité que le personnage de Molière dans son usage de la prose.
Alors certes, le concept de laïcité est non seulement méconnu dans notre espace, mais en plus et faute de pédagogie dédiée, il charrie une somme vertigineuse de contre-vérités et de clichés tenaces, où les relents de néo-colonialisme, d'impérialisme judéo-chrétien, de complot maçonnique, d'athéisme insultant et d'immoralité perverse, se bousculent dans un tourbillon de menaces aussi virtuelles et informes qu'inconsistantes, mais dont la résultante ne manque pas de provoquer un rejet aussi gratuit qu'irrationnel.
Sont-ce ces malheureux clichés qui devraient nous inquiéter jusqu'à nous amener à éviter l'usage du terme laïcité ? Sommes-nous contraints de rechercher vainement des équivalences à un mot qui ne possède pas de synonyme ? Devenons-nous baisser les bras et abandonner aux adversaires-des-libertés l'espace du discours à l'endroit de la laïcité, faute d'avoir repérer les arguments porteurs?
Ce serait un comble que des pratiquants de la laïcité venaient à s'opposer farouchement à son instauration constitutionnelle, pour ne pas avoir été éclairés sur le caractère singulier de leur démarche ! Un comble d'autant plus rageant qu'il existe quantité d'arguments à même d'évacuer la crainte fantasmée attenante à la notion de laïcité, et ce, de manière simple et convaincante, pour peu que nous sachions le dire :
- c'est la laïcité qui protège le croyant de l'inquisition érigée en force de loi.
- c'est la laïcité qui protège le croyant de toute immixtion dans son rapport au divin.
- c'est la laïcité qui offre au croyant la quiétude d'une religiosité publiquement assumée.
- c'est la laïcité qui fait de chaque croyant un être libre de ses choix, et respecté pour cela.
- c'est la laïcité qui respecte la dignité du croyant, dans la libre pratique de son culte.
- c'est la laïcité qui refuse de considérer le croyant comme un mineur et un égaré.
- c'est la laïcité qui confère aux libertés civiles et publiques toute leur plénitude.
- c'est la laïcité qui fonde la véritable démocratie et la renforce.
- c'est la laïcité qui insuffle à l'Etat de droit la vertu de sa puissance publique.
- c'est la laïcité qui offre à chacun la capacité d'exercer une citoyenneté souveraine.
Ainsi, qu'il s'agisse de la liberté, de la démocratie ou de l'Etat de droit, la laïcité leur est nécessaire pour pouvoir exister. Si donc la laïcité est vitale à ces valeurs premières dont nous voulons l'instauration avec empressement, pourquoi diable devrions-nous éviter de nommer les choses par leur nom ? Il nous faut, au contraire, nous saisir de la question et la traiter correctement : de manière directe, décomplexée et sans biaiserie aucune.
Il s'agit, pour nous, de comprendre et d'admettre la nécessité du combat politique dans son principe même, afin de l'accepter et de le conduire au lieu de paraître l'esquiver. Mieux, nous gagnerions à l'initier et à ramener tout débat politique sur quelque sujet que ce soit à la question de la laïcité, en ce qu'elle est la matrice des libertés, pour bien montrer la primauté de cette question-là, et là où les adversaires-des-libertés n'oseraient s'aventurer sans prendre le risque assuré d'y laisser leur chemise.
Laïcité en tête, et laïcité pour seul mot d'ordre, nous devons d'abord lever les contre-vérités et les empoisonnantes ambiguïtés qu'elle colporte indûment, puis nous appliquer à montrer ses vertus, en termes de consolidation des droits fondamentaux, de protection des libertés et de déploiement de citoyenneté souveraine, au cœur d'une démocratie devenue perfectible et d'un Etat de droit protecteur et égalitaire.
L'heure nous commande de faire preuve d'intelligence collective, pour unir nos efforts et les orienter prioritairement sur un objectif central : l'instauration d'une laïcité constitutionnelle. Pour cela, nous devons veiller à répandre – à profusion – au cœur de la société tunisienne, le discours intelligible de l'exigence laïque et de ses vertus civilisatrices ; sans violence, sans frénésie mais sans répit.
Nous le devons à notre exigence de dignité, à notre soif de liberté, et au devenir des enfants de la Révolution.


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