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Eloge de la laïcité
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 03 - 2011


Par Ridha BOURKHIS *
LA laïcité, c' est «la non-religion», «la chasse au religieux» ou encore «l'athéisme d'Etat» !
Telles sont les «définitions» délibérément perverties et trompeuses, que certaines personnes ou groupes, décidément malintentionnés, propagent insidieusement afin de diaboliser l'Etat laïc et moderne qui, pour beaucoup parmi nous, et même pour des éminents connaisseurs du texte coranique et du «Hadith» du Prophète Mohamed — comme par exemple le très respectable penseur tunisien de notoriété Mohamed Talbi (Ecchourouk du 9 février 2011, pp. 18-19) — devrait être en Tunisie l'aboutissement normal d'une révolution démocratique dont la motivation principale, par-delà le chômage et la misère, est surtout le rejet, aujourd'hui radical, du totalitarisme et de l'arbitraire d'où qu'ils viennent.
La Révolution pour abolir la tyrannie
C'est faire injure à notre vaillante jeunesse tunisienne que d'essayer de prêter un quelconque horizon religieux à sa révolution contre le despotisme de notre ancien dictateur ou de chercher à en récupérer l'innocente passion ou l'élan généreux pour justifier l'obstiné discours démagogique, vieux de plusieurs siècles, en faveur de «l'Etat musulman», c'est-à-dire, franchement, de cet Etat qui ne pourrait être logiquement que partisan et sectaire et où le citoyen ne jouirait d' aucune vraie indépendance par rapport à l'autorité religieuse, d'aucune liberté de conscience, et aurait à lui rendre des comptes sur sa foi, sa confession religieuse, sa croyance en Dieu ou son athéisme. Un Etat qui, à la tyrannie des systèmes policiers «profanes», substituerait la tyrannie du «Sacré» et de ses gardiens redoutables, «investis» de l'implacable volonté divine ! Et c'est là — l'histoire des pays musulmans ne cesse de le démontrer — la pire de toutes les tyrannies qui puissent frapper un peuple ! Car que pourrait faire le citoyen, ou plutôt le sujet, face à l'Etat quand celui-ci tire sa légitimité et sa force d'une religion unique et se construit sur une unique vision du monde qui basculerait vite dans le dogmatisme et l'arbitraire ?
L'interview qu'a donnée le 11 mars dernier à l'hebdomadaire tunisien de langue arabe Hakaïk (Réalités), le porte-parole du parti islamiste appelé, comme par ironie, «Ettahrir» (libération !) et où celui-ci promet à ses fidèles de combattre pour l'instauration du Califat ainsi que pour le rétablissement de la polygamie, donne des sueurs froides. On dirait que les perfides détracteurs de la Révolution et de la liberté l'avaient recruté pour nous promettre l'enfer et essayer ainsi de nous faire regretter notre ancien dictateur et prétendu «protecteur», à sa façon, contre l'obscurantisme religieux et le noir extrémisme ! Que de propos suintant la haine et annonçant la barbarie qui devraient susciter encore plus de vigilance par rapport à ce genre de parti donnant de l'Islam une image passéiste et négative, on ne peut plus repoussante !
Dans les multiples entretiens qu'il a accordés à différents médias, Monsieur Rached Ghannouchi, président du mouvement islamique «Ennahdha», tout en affichant une nouvelle bonne façade «démocratique» qu'il veut «apaisante», s'attaque au modèle laïc occidental que le leader tunisien Bourguiba a repris, d'après lui, au colonialisme, et lui préfère clairement un Etat islamique où l'Islam, dit-il, «peut non seulement coexister avec la modernité, mais servir de cadre qui permet aux musulmans de connaître le progrès scientifique et technique, la démocratie, la justice sociale…Tout cela peut se faire dans le cadre de l'Islam» (La Presse , 18 février 2011, p.7), c'est-à-dire, — en termes plus clairs que Monsieur Rached Ghannouchi semble avoir évités à dessein — «dans le cadre d'un Etat religieux» qui, loin de séparer le civil du religieux, confondra dangereusement le pouvoir temporel avec l'autorité spirituelle, la République (du latin «res publica», signifiant «chose publique») avec la chose privée, l'intime, ce qui procède d'une relation privée de l'être avec Dieu.
La laïcité pour la liberté des consciences
Dans leur obstination, ces adversaires de la laïcité — qu'il faudrait maintenant cesser d'amalgamer, malhonnêtement, avec le mépris de la religion ou avec l'athéisme et qui n'est que le principe politique de séparation de l'Etat et de l'idéologie religieuse («laïc», du latin «laicus», signifiant «commun», «du peuple», «profane») — semblent oublier vite que c'est bien dans des pays occidentaux où l'autorité politique est exercée au nom des lois et non au nom de Dieu, qu'ils ont pu trouver l'asile politique, la paix et la protection, quand ils étaient pourchassés par la dictature et chassés de leur pays. C'est bien la laïcité qui les a accueillis, a toléré leur différence religieuse et les a traités en fonction des lois et droits établis par les hommes, indépendamment de toute appartenance confessionnelle.
Oublieux de l'histoire, ils essayent de nous faire oublier les abus, voire les crimes, de l'Etat religieux qui pourrait réduire à une citoyenneté de seconde zone ou même à un effacement total tout citoyen ayant une croyance différente de la religion sur laquelle se fonde officiellement l'Etat — qui serait, pour les Islamistes, l'Islam selon leur propre lecture — et qui, «faisant de sa raison loi et de ses pratiques vertu», institutionnalisée, transformée en dogmes, sacralisée, constituerait une entrave certaine à la liberté d'opinion et risquerait même de légitimer une chasse aux esprits libres et une persécution des opposants politiques au nom de la religion ou des mœurs qui lui sont relatives.
Dans leur obstination, dans leur promesse d'un Etat islamique «juste» et «tolérant», ces adversaires de la laïcité, essayent de nous cacher la violence extrême, l'horreur et la terreur perpétrées au nom de Dieu et de la religion ayant douloureusement marqué l'histoire de plusieurs Etats islamiques et dont étaient victimes mêmes les Apôtres (Essahabah) musulmans. De nos jours aussi, les Etats islamiques, dans les pays du Golfe comme au Soudan ou en Iran, sont loin d'être des modèles de justice et de tolérance ! Rien que de l'embrigadement des consciences et de l'exclusion au nom du «sacré» !
Pour protéger l'une des composantes majeures de la démocratie et qui est la liberté de penser, de s'exprimer et de s'épanouir, il est temps de croire que la laïcité, étroitement liée à cette liberté-là, est nécessaire. C'est le plus sûr garant du respect par le pouvoir politique de la conscience individuelle souveraine et de sa neutralité par rapport à ceux qui choisissent, librement, de croire au ciel ou de ne pas y croire. Comme la couleur de la peau, l'option idéologique, le choix politique ou encore l'appartenance syndicale, la croyance religieuse ne constituera pas pour l'Etat laïc un facteur de distinction entre les citoyens, tous unis en vertu seulement de leur citoyenneté pacifique et constructive et non en vertu de leur foi ou pratique religieuse.
La laïcité pour défendre la religion, les religions
Défendre ce principe de laïcité, c'est aussi défendre la religion elle-même, quelle qu'elle soit, contre les manipulateurs du «sacré» qui chercheraient à s'interposer entre Dieu et les humains et imposer leur lecture monosémique, sans nuances ni subtilités, tendancieuse, ou même quelquefois frauduleuse, de ce qui est censé être la seule parole de Dieu, la parole du Dieu seul, polysémique par essence, ouverte, et s'élevant naturellement au-dessus du temporel et des petits calculs politiques des idéologues du despotisme théocratique.
Dans la neutralité religieuse de l'Etat, il y a l'assurance que celui-ci n'imposera aux citoyens aucune religion particulière, aucun courant, obédience ou interprétation religieux, mais aucun athéisme, non plus. C'est en observant cette neutralité que l'Etat permet à toute religion, majoritaire ou minoritaire, de s'affirmer en tant que système philosophique, représentation du monde et pratique spirituelle; de s'affirmer dans le respect et la dignité, mais sans chercher à s'imposer à tous ou à gouverner les consciences. Devant cette neutralité religieuse de l'Etat, toutes les croyances spirituelles se valent et toutes méritent d'être défendues, par ce même Etat laïc, quand elles sont victimes de persécution ou d'agression.
Disons pour conclure que s'il est vrai qu'en Tunisie nous sommes majoritairement musulmans, il n'en est pas moins vrai que nous n'avons pas tous le même rapport à l'Islam ni toujours la même lecture du Coran. Parmi nous il y a des sunnites, majoritaires certes, mais il y a aussi des chiîtes. Il y a des juifs, il y a des chrétiens, mais des agnostiques aussi et des citoyens, tout à fait dignes et respectables, qui choisissent de ne pas croire en Dieu ou qui n'éprouvent pas ce besoin-là. Mais, tous, nous appartenons à ce beau pays et son Etat est notre bien commun, l'incarnation de notre volonté à tous. Alors qu'il reste au-dessus des croyances spirituelles qui, politisées, risquent de nous séparer dans la douleur !


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