Recentrons le débat. Le sens de cette réforme n'est pas d'accorder à la femme tunisienne le droit d'épouser un non-musulman. L'interpréter dans ce sens est un raccourci et une étroitesse de l'esprit. La Tunisie est un pays qui vit sous le régime républicain. Ce régime se base sur quelques composantes reconnues, dont la plus importante est le citoyen qui se place au cœur de tout système républicain. Qu'est-ce qui définit donc un citoyen? Un ensemble de droits et d'obligation. L'égalité dans et devant la justice. Le respect de l'état. L'appartenance à la nation. La citoyenneté est bien ce qui différencie le régime républicain des autres régimes politiques. Elle annule toute supériorité d'une classe d'individus sur une autre par un droit de naissance ou autre. Elle établit l'état de droit contre l'arbitraire. Elle établit la justice et l'équité entre les personnes. Elle ordonne le respect des personnes et leurs droits par l'administration et l'état.
Alors cette circulaire 73? Historiquement, il s'agit d'un texte infâme établi par un individu pour empêcher une femme de choisir son mari. Le caprice d'un homme qui refusait de reconnaître la liberté individuelle d'une femme de sa famille s'est ainsi abattu sur des générations de femmes. Un homme avait décidé d'instrumentaliser la justice pour imposer sa volonté personnelle. L'arbitraire même.
Cette réforme met donc fin au règne de cet arbitraire. Le droit ne peut être qu'absolu et objectif. La citoyenneté aussi. Annuler la circulaire 73, affirme la citoyenneté absolue et lève la tutelle imposée aux femmes par une hypocrisie sociale. Il serait risible d'imaginer que l'état puisse imposer aux citoyens un code vestimentaire, un choix de carrière, un régime alimentaire, un lieu de résidence. Pourquoi ? Cela relève de choix personnels faits par des individus libres et responsables. L'état ne peut mettre ses citoyens sous tutelle. Les citoyens sont libres de leurs opinions et de leurs mouvements, dans le respect de la loi qui établit l'ordre entre eux et les protège de l'injustice. L'état en est garant. La logique le dicte. La démocratie l'impose.
* Directrice exécutive de l'Institut des Politiques Publiques de Machrou3 Tounes (MPT)