A l'heure des regroupements supranationaux dotés de véritables pouvoirs législatif et exécutifs, de la mondialisation et de la transformation de l'humanité en une seule entité ou corps physique grâce à l'Internet et aux autres applications de la révolution numérique, qu'en est-il de la place des notions de citoyenneté, de nation et d'Etat national, à nos jours. Le concept de ‘'nationalisme'' et "nationaliste" est devenu un terme péjoratif, dégageant souvent des relents racistes et xénophobes. Toutes ces questions d'actualité brûlante ont constitué le thème du premier Colloque organisé le mardi et le mercredi 29 et 30 septembre sous le titre " citoyenneté et valeurs républiques, aujourd'hui'', à l'initiative de la jeune revue tunisienne de langue arabe ‘' Roâ'' (Regards) dont le premier numéro a paru en janvier de cette année 2009 et qui se présente comme un espace d'édification et de modernisation sociale et politique dans le cadre de l'attachement aux acquis et principes du changement. Plusieurs figures et noms connus du monde politique, universitaire et médiatique ont participé à l'animation de la première session, mardi matin 29 septembre, dont on signale notamment MM. Béchir Tekkari, ministre de la justice et des droits de l'homme, Chedli Klibi, ancien ministre, ancien secrétaire général de la ligue arabe et membre de la Chambre des Conseillers, Sodok Châabane, président du Conseil économique et social, Fethi Triki, universitaire, titulaire de la Chaire de philosophie de l'Unesco, à l'Université tunisienne et autres éminents conférenciers. L'assistance nombreuse et de même qualité a su, de son côté, leur donner la réplique, à travers des interventions pertinentes et intelligentes.
Accès à tous les droits Les conférenciers et les intervenants aux débats se sont largement inspirés de la riche expérience accumulée par la Tunisie, dans ce domaine, durant sa longue histoire, et en particulier, au cours de son histoire contemporaine jalonnée d'évènements et d'épisodes marquants qui ont favorisé l'apparition et le développement du sens de citoyenneté et d'appartenance nationale chez les tunisiens, dans son acception moderne, savoir le combat de libération nationale, l'édification de l'Etat tunisien moderne et l'œuvre de reconstruction politique, économique, sociale et culturelle du pays et de la société tunisienne moderne. Tous ces évènements et épisodes marquants de l'histoire contemporaine de la Tunisie ont permis au tunisien de devenir le citoyen libre d'une nation tunisienne homogène, indépendante, et mondialement reconnue en tant que telle.
"Libre et indépendant" A cet égard, Mr Béchir Tekkari a souligné que la citoyenneté, c'est-à-dire le fait d'être citoyen d'une nation libre et d'un pays indépendant, confère au citoyen des droits plus riches et plus diversifiés que les droits naturels auxquels peut prétendre, dans un Etat moderne, une simple personne, en tant qu'homme et individu, soit les droits appelés anciennement ‘'droits des gens'', c'est-à-dire les droits des étrangers. Ainsi, un citoyen peut se déplacer librement à l'intérieur du pays auquel il appartient, alors que ce déplacement est conditionné pour les personnes étrangères. L'élection des représentants de la nation est réservée uniquement aux citoyens. Cependant, comme l'a fait remarquer Mr Sadok Châabane, la notion de citoyenneté et les valeurs républicaines évoluent et changent de contenu. .Les étrangers peuvent avoir droit aux élections de certains représentants, comme les élus locaux. Dans ce contexte, le ministre de la justice et des droits de l'homme a mis l'accent sur le caractère progressiste de la Constitution tunisienne et des lois fondamentales tunisiennes qui tiennent compte, souvent, de cette dimension universelle. Ainsi, en Tunisie, il est interdit de fonder des partis politiques qui se réclament de la religion, de la race et de la langue, de sorte que la citoyenneté n'exclut pas la différence et la liberté de confession. Le gouvernement israélien actuel est critiqué de toutes parts parce qu'il veut confondre ‘'citoyenneté, ‘' nationalité'' et ‘'confession juive ou israélite'', à l'image des Espagnols, lors de l'Inquisition, après la reconquête de l'Andalousie arabe, au 16ème siècle, qui ont obligé les arabes musulmans d'Andalousie à choisir entre l'exil ou la reconversion au christianisme pour rester en Andalousie.
Supranationalité et progrès C'est dans cette optique que Mr Chedli Klibi s'est attaché à dégager les aspects constructifs de la citoyenneté, à travers l'éducation des jeunes sur des bases qui contribuent à enraciner en eux le sentiment de l'identité nationale, car, a-t-il noté, la citoyenneté n'est pas quelque chose de donné, mais elle s'apprend et se forge par l'éducation au sein de la famille, de l'école et de l'Université. Il a salué la décision présidentielle relative à l'élaboration d'un dictionnaire arabe adapté au nouveau contexte et d'une encyclopédie historique et géographique de la Tunisie, en vue de mieux préserver l'usage juste de langue arabe et faire connaître aux jeunes l'histoire et la géographie de leur pays, de ses villes et villages. Comme beaucoup l'ont relevé, l'universel et le particulier ne s'excluent pas mais se complètent de sorte que l'attachement à l'identité renforce l'autonomie des peuples et accroît leur créativité pour le bien de la civilisation universelle. L'expérience tunisienne en la matière s'est distinguée aussi par l'établissement d'une relation étroite entre la citoyenneté et le régime républicain, quoique la citoyenneté n'implique pas nécessairement le régime républicain. Le régime républicain mis en place en Tunisie, au lendemain de l'indépendance, à la faveur de l'âpre lutte de libération nationale, et consolidé après le changement par des réformes avancées, a été une source d'enrichissement continu pour la notion et la pratique de la citoyenneté en Tunisie, en conférant le caractère de constitutionnalité aux principes de pluralisme, de démocratie, de droits de l'homme et de solidarité. D'autres législations tunisiennes évoluées garantissant les droits politiques, économiques et sociaux des citoyens, et consacrent l'égalité absolue des citoyens, en particulier entre l'homme et la femme. Ainsi, portée à l'échelle nationale d'un pays comme la Tunisie, la consécration de la citoyenneté est une étape fondamentale pour l'accès de l'homme à ses droits fondamentaux, dans l'égalité , en attendant de passer au niveau supranational qui pourrait constituer un progrès s'il réussit à étendre le champ de l'égalité. La création de l'Organisation des Nations Unies est considérée comme un énorme progrès accompli par l'humanité.