L'encours de la dette atteindra vraisemblablement 72,7% du PIB et non pas 71,4% en 2018 contre 68,1% en 2017 et 61,9% en 2016. Il faut franchement l'avouer. Le bilan budgétaire 2017 du gouvernement est proprement alarmant. Ce n'est que la résultante des marchandages et des compromis ayant accouché d'une loi de finances 2017 totalement étriquée, sans vision ni cap. La loi de finances 2017 a généré un déficit budgétaire de 6,1%, identique à celui de 2016 alors que l'on prévoyait un recul à 5,4% du PIB et un montant record de dépenses au titre du remboursement du service de la dette de plus de 7 milliards de dinars qui n' a pu être satisfaite qu'au prix d'un endettement supplémentaire ayant fait grimper le taux d'endettement à près de 70%. Voilà à quoi on aboutit lorsqu'on freine l'effort de réforme fiscale La bronca des professions libérales refusant toute réforme de leurs fiscalités vers une meilleure équité et une irréprochable transparence est une illustration. La menace de l'UGTT d'un tsunami social si le gouvernement n'inscrit pas dans les dépenses du budget les augmentations de salaires au titre de 2017 en est une autre. Le gouvernement paie, aujourd'hui, cash ses reculs. Rarement la situation des finances publiques n'a aussi fragile dans un contexte aussi préoccupant avec un rythme de croissance poussif, un déficit de la balance commerciale effrayant et un matelas de réserves en devises du pays totalement effiloché.
Le projet de loi de finances 2018 est la dernière occasion qui se présente à Youssef Chahed pour remettre le pays sur les rails. Car l'exercice budgétaire 2019 coïncide avec une échéance majeure que sont les élections législatives et présidentielle à la faveur desquelles les pressions politiques vont être encore plus pesantes afin d'amener le gouvernement à lâcher quelque peu du lest et accorder des cadeaux à tout va. Faire adopter le projet de loi de finances dans sa mouture actuelle sera loin d'une sinécure. Au contraire, cela s'apparentera à un insoutenable chemin de croix. Youssef Chahed saura-t-il porter jusqu'au bout son projet de loi de finances et de budget général de l'Etat ? La bronca de l'UTICA contre le projet de loi de finances est à prendre au sérieux. La ferme position de Wided Bouchamaoui contre le projet de loi de finances du gouvernement n'est pas aussi sans logique politique. A moins d'un an du congrès de l'organisation patronale, sa présidente a besoin de présenter à sa base un bilan honorable de son mandat. Pour l'heure, il est ténu et risque de le devenir davantage. Pour Wided Bouchamaoui, ce n'est pas tant l'effort que devront encore consentir les chefs d'entreprise qui importe mais le sentiment d'être les seuls à porter cette lourde charge. En même temps, le vis-à-vis syndical se frotte les mains, se préparant même à engager un nouveau bras de fer avec le gouvernement pour des augmentations de salaires en 2018 et refusant catégoriquement par ailleurs toute idée de privatisation ou de cession d'actifs publics alors qu'elles constituent la seule voie actuellement envisageable de desserrer l'étau de la pression fiscale et d'alléger la charge de l'endettement. C'est cette démarche que prône Wided Bouchamoui et l'UTICA et que Youssef Chahed n'a pas pu suivre par crainte d'une violente réaction de l'UGTT. En effet, le projet de budget 2018 ne prévoit aucune opération de privatisation se contentant simplement d'envisager de renflouer les caisses de l'Etat par des dons extérieurs et de cessions de biens confisqués à hauteur de 865 MD en 2018. Un objectif difficilement réalisable compte tenu du fait qu'on a prévu pour 2017 un montant de 450 MD sous ces deux rubriques et qu'à la fin du mois d'août 2017, les ressources budgétaires provenant des dons et des cessions d'actifs confisqués dépassaient à peine 33 MD. Manifestement, on est loin du compte pour 2017 et le risque de l'être en 2018 est encore plus fort, ne permettant d'autre issue que celle d'un endettement supplémentaire.
Or, c'est là où le bât blesse le plus dangereusement. D'autant que le gouvernement ne semble pas vouloir faire preuve de transparence en matière de dette. A preuve. Selon le gouvernement, les ressources d'emprunt ont été fixées à 9.536 MD en 2018 contre 10.330 MD en 2017, soit une baisse de 7,7%. Ainsi, la charge d'emprunt par rapport au total des ressources du budget ne devrait être que 26,5% contre 30% en 2017. Or, la réalité est tout autre. Car, sur les ressources d'emprunt de 2017, on a retenu une enveloppe de 1.418 MD qui serait utilisé, le cas échéant, en 2018. Cela change manifestement la donne dans la mesure où, en réalité, les ressources d'emprunt du budget 2018 seraient de l'ordre de 10.954 MD contre 8.912 MD en 2017, et représenteraient donc une hausse de près de 23%, augmentant en conséquence à 30,5% la part des ressources d'emprunts par rapport au total des ressources du budget contre seulement 25,8% pour le budget 2017. C'est l'inverse que présente le gouvernement. Du coup, l'incidence sur l'encours de la dette devient autre puisque celle-ci atteindrait 72,7% du PIB en 2018 et non 71,4% tandis que l'encours de la dette en 2017 ne serait que de 68,1% du PIB et non pas 69,6%. Il serait d'ailleurs étonnant que ce tripatouillage ne soit pas décelé par les équipes du FMI chargés du dossier de la Tunisie. En tout cas, cela ne fleure pas la transparence.
Tout gouvernement a légitimement le droit d'être optimiste dans l'élaboration de ses prévisions de croissance et de budget, mais là, on est en présence d'un travail d'illusionniste.