La planète Tunisie a été abasourdie vendredi 22 décembre 2017 par la décision inattendue et discriminante des autorités émiraties d'interdire aux Tunisiennes l'entrée aux Emirats Arabes Unis, quelque soit leur âge ou leur provenance/destination, même pour un transit. Retour sur la polémique qui a secoué le pays. Dr Boutheïna Chihi Ezzine est l'une des Tunisiennes qui devaient prendre un vol Emirates vendredi dernier à partir de l'aéroport Tunis-Carthage. Elle a été surprise d'apprendre que son fils de 10 ans pouvait prendre l'avion alors qu'elle, était refoulée ! Face à cette discrimination, Mme Chihi Ezzine a décidé d'annuler sa réservation et de recourir à la justice. Elle réclame des excuses officielles surtout après les rumeurs ayant circulé sur les raisons de cette interdiction temporaire. Rumeurs qui entachent la réputation des Tunisiennes avec des ragots de réseaux de prostitution. Boutheïna Chihi Ezzine appelle, dans ce contexte, les autres Tunisiennes, qui ont été interdites d'embarquement sur Emirates, à se joindre à elle pour déposer une plainte collective contre la compagnie aérienne, et demander réparation du préjudice et l'humiliation publique qu'elles ont subies. Face à cette humiliation, des associations tunisiennes ont rapidement réagi appelant, d'ailleurs, à un rassemblement de protestation mercredi prochain à 11h devant les locaux de l'ambassade émiratie à Tunis.
Tout a commencé vendredi 22 décembre 2017. Les Tunisiennes qui devaient embarquer sur un vol émirati ont été surprises de ne pas être acceptées à bord, à l'exception de celles détenant un visa de résident ou un passeport diplomatique tunisien, et ceci sans préavis initial. Elles se sont retrouvées devant le fait accompli, qu'elles voyageaient seules ou en famille, vers les Emirats Arabes Unis ou en simple transit ! Même les bébés de sexe féminin ont, elles aussi, été interdits d'accès. A l'origine ce cette triste affaire, une note mystérieuse avec effet immédiat envoyée par les compagnies aériennes émiraties à leurs employés. Cette note signifiait que tous les Tunisiens de sexe féminin sont interdits de voyager aux Emirats Arabes Unis, même en transit, à la demande du gouvernement émirati et plus exactement de l'API-UAE à cause d'une restriction de voyage de haut niveau émise à leur encontre. Ainsi, plusieurs Tunisiennes de par le monde ont été refoulées et bloquées dans des aéroports étrangers à cause de cette décision abusive et qui est contre les lois et conventions internationales. Pire, ni les autorités émiraties, ni les compagnies aériennes n'ont pris la peine d'informer à l'avance les passagères, de les rembourser pour qu'elles puissent se débrouiller autrement ou d'essayer au moins de leur trouver d'autres vols sur d'autres compagnies aériennes, pour celles en transit.
Face à cette situation, l'ambassadeur des Emirats en Tunisie a été convoqué par ministre des Affaires étrangères pour connaitre le fin mot de l'histoire et de cette décision unilatérale. Khemaies Jhinaoui a été sidéré d'apprendre que même l'ambassadeur émirati n'a pas été informé de cette histoire. Il en a été de même pour l'ambassadeur de Tunisie aux Emirats Arabes Unis. Vendredi fin d'après-midi, les Tunisiennes se trouvant à l'aéroport de Tunis-Carthage ont été autorisées à embarquer vers les Emirats. Elles ont eu de la chance : alors qu'on croyait que la crise était finie, il en a été autrement car on continuait à appliquer cette interdiction partout ailleurs. Malgré les multiples annonces de la part des autorités tunisiennes tout au long du weekend affirmant que l'affaire a été résolue, les alertes sur les réseaux sociaux de Tunisiennes, bloquées dans des aéroports internationaux et appelant à l'aide, affluaient. En parallèle, les rumeurs selon lesquelles l'interdiction est due à des réseaux de prostitution ont enflé sur la toile, ce qui a suscité une indignation collective et générale. Les femmes tunisiennes se sentant doublement humiliées par cette histoire.
L'affaire a tellement pris de l'ampleur que le ministre des Affaires étrangères émirati, Anwar Gargash, a réagi dans un tweet posté, dimanche 24 décembre 2017, et dans lequel il expliqué que la décision ponctuelle d'interdire les femmes tunisiennes de voyager vers Emirats arabes unis, a été prise suite à une information sécuritaire ayant imposée des mesures précises et conjoncturelles. «Nous respectons la femme tunisienne ainsi que son expérience exemplaire. Nous devons surmonter, ensemble, toutes les tentatives de manipulation et d'interprétation», a-t-affirmé. En parallèle, la porte-parole de la présidence de la République, Saïda Garrache, a estimé qu'il s'agit d'une décision souveraine des Emirats Arabes Unis et qu'elle ne constitue pas une crise de confiance, encore moins une volonté de nuire aux relations entre les deux pays. «Cela n'a pas empêché la Tunisie de bouger pour protéger les intérêts de ses citoyens. La Tunisie a défendu les intérêts de ses citoyens aussi bien à l'intérieur qu'à l'étranger», a-t-elle indiqué.
Malgré tous les efforts de la diplomatie tunisienne, les EAU ont maintenu leur décision. Suite à quoi, la Tunisie a été dans l'obligation de réagir fermement. Elle a décidé officiellement, dans l'après-midi du dimanche 24 décembre 2017, de suspendre provisoirement les vols de Emirates de et vers la Tunisie jusqu'à ce qu'«elle trouve une solution adéquate pour reprendre son activité conformément aux lois et conventions internationales». Les émiratis assurent, pour leur part, que leur décision est due à de sérieuses menaces terroristes. Les informations qu'ils détiennent faisant état d'un plan terroriste qui devrait être exécuté par une femme détenant un passeport tunisien. «Cependant, nous ne pouvions pas admettre ce comportement, d'où la décision du président de la République pour suspendre les vols des Emirates. Vous savez que les investigations dans ce genre d'affaires prennent du temps, d'où leur décision d'interdiction de voyage pour les femmes tunisiennes, en guise de mesure sécuritaire. Cependant nous ne pouvons accepter un tel traitement envers les femmes tunisiennes», avait expliqué Saïda Garrache ce lundi matin. Ce matin même une réunion s'est tenue entre les Tunisiens et les Emiratis à Tunis pour trouver une solution, mais qui s'est soldée par un échec. La partie tunisienne avait demandé un des excuses officielles de la part des Emirats et une levée claire de l'interdiction.
Il faut dire que cette histoire qui a défrayé la chronique n'est pas anodine. D'ailleurs, le seul précédent récent est celui que l'Ukraine avait imposé l'interdiction d'entrée sur son territoire aux hommes russes de 16 à 60 ans ainsi qu'à ses propres ressortissants hommes âgés de 16 à 60 ans et femmes âgées de 20 à 35 ans domiciliés sur le territoire de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol, à cause d'une crise politique majeure entre les deux pays. Même le président US Donald Trump n'a pas réussi à interdire l'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de 7 pays musulmans, qu'il estimait menaçants pour son pays.
Aucun pays n'a jusque-là interdit l'entrée de son territoire à des ressortissants d'une nationalité en particulier ou d'un sexe particulier, ayant un visa ou en simple transit, sous couvert de lutte contre le terrorisme. Le cas des Emirats Arabes Unis est un grave précédent de discrimination envers les Tunisiennes allant à l'encontre de toutes les lois et conventions internationales.