Les élections municipales auront lieu le 6 mai 2018. Cette décision prise de concert entre l'ISIE (Instance supérieure indépendance pour les élections) et les autorités a mis longtemps à venir. Aujourd'hui, les dés sont jetés, les 210 partis (ou plus) présents sur la scène entrent dans la dernière phase de préparation alors qu'une imposante coalition est en train de voir le jour. Sur quelles bases a-t-elle été bâtie ? Le 18 décembre 2017 au soir, l'ISIE annonce la date des élections municipales. Le lendemain, Béji Caïd Essebsi signe le décret présidentiel convoquant les électeurs tunisiens au scrutin, sellant ainsi définitivement le sort de la course au contrôle des municipalités, tant attendue et tant de fois reportée. Phase indispensable pour l'encrage de la démocratie locale, ces élections municipales ont été maintes fois différées, ce qui permet aujourd'hui à la plus part des partis de se déclarer prompts pour la « bataille ». Plus que prompts, les grands partis progressistes, ont même annoncé qu'ils conjugueront leurs efforts en présentant des listes communes. Le tant attendu bloc progressiste voit le jour, une semaine après l'annonce de l'ISIE. Une alternative crédible au partis régnants, que beaucoup de citoyens attendent depuis maintenant 7ans.
Au total, 10 partis ont, à ce jour, rejoint la coalition. Tounes Awalan, Afek Tounes, le parti du travail national démocratique, Al Badil Ettounsi, Machrouû Tounes, Al Moustakbal, la Rencontre démocratique, Al Moubadra, Al Massar et Al Joumhouri, ont annoncé le 26 décembre dans un communiqué qu'ils présenteront des listes communes qui seront « basées sur des normes objectives garantissant un large espace pour les compétences partisanes, les indépendants et les composantes de la société civile ». Pour en parler, le porte-parole d'Al Badil Ettounsi, Mohamed Ali Toumi, était ce mercredi 27 décembre sur Express FM, où il a déclaré : « Je considère que nous appartenons à la même famille politique, nous partageons aussi les mêmes valeurs et la même vision de l'Etat. En ce qui nous concerne, nous sommes un parti pragmatique qui évolue hors des sentiers idéologiques ». Le responsable a, dans son discours, également appelé à : « discuter au plus vite le code des collectivités locales afin que personne ne puisse trouver à redire quant à la validité du scrutin et son impact positif sur le quotidien des citoyens ». « Il faut faire en sorte que ces élections soient une réussite ! » a-t-il martelé.
Cette large coalition se veut également ouverte, selon ses instigateurs. « Beni Watani ne fait pas partie de la liste des partis, mais celle-ci restera ouverte pour quiconque veuille bien y apporter un plus ! » a en outre, révélé M. Toumi lors de son intervention. Une manière de capter le maximum de compétences afin de bien engager le scrutin. De plus, les listes communes permettront à chacun de ces partis, pas forcément présents dans toutes les localités du pays, d'être présent dans les zones où il est le plus fort, où il dispose de plus d'hommes. Une stratégie forcément gagnante vu leur nombre. Théoriquement, ces élections que beaucoup qualifient d'historiques favoriseront l'émergence de nouveaux mécanismes permettant l'autogestion effective de l'espace public par les citadins, qu'ils soient dans une petite localité ou dans une grande ville. Concrètement, elles représenteraient la fin d'un système pyramidal, dépassé et dont les répercussions sur le quotidien ont été désastreuses pendant de longues décennies.
Sur la scène politique, cette coalition naissante fait peur ! Chez Nidaa Tounes, on qualifie la chose de « menace dangereuse portée au gouvernement d'union nationale ». Dans une déclaration successive à l'annonce, le porte-parole de Nidaa Tounes, Mongi Harbaoui, a rappelé que la plus part des partis, dont cette alliance est composée, ont signé l'Accord de Carthage. Ce constat fait, Nidaa Tounes considère qu'il s'agit d'une coalition parallèle à l'Accord et qui le vide de tout sens. Les coalisés ont même été accusés d'entraver le travail du gouvernement, avant même que les discussions entre les dix, ne commencent.
Face à la critique Jounaidi Abdeljawed, dirigeant au sein d'Al Massar, défend l'idée déclarant : « Cette coalition aura plus de sens lors des élections de 2019, étant donné la vision politique commune. Cette nouvelle coalition, présentera de nouveau visages aux mains propres ! Elle jouera aussi son rôle lors des municipales car qu'on le veuille ou pas, la vision politique a aussi un impact sur la gouvernance locale ! ». Il a aussi ajouté : « Le ciment qui va rendre cette coalition plus solide se sont, les candidats indépendants », avant de tempérer : « Il ne faut pas se leurrer par rapport à la coalition, nous sommes aussi attaché à l'Accord de Carthage ». En réponse à Mongi Harbaoui qui a presque accusé les coalisés de haute trahison, M. Abdeljawed, a conseillé au responsable de Nidaa Tounes de se regarder dans une glace tout en se remémorant la nouvelle Troïka : Nida Tounes, Ennahdha et l'UPL (Union Patriotique Libre).
À peine néen la nouvelle coalition essuie déjà ses premières attaques ce qui est en soit une preuve de sa pertinence. Cependant, lorsqu'il a été interrogé sur sa force, M. Abdeljawed, a préféré rester prudent, car il sait pertinemment qu'en matière de politique tunisienne, les revirements sont rapides. On peut néanmoins dire que cette nouvelle qui tombe en fin d'année est un beau cadeau pour les progressistes et démocrates de tous bords. Reste à savoir ce qu'elle donnera dans les faits...