L'élection de Souad Abderrahim à la tête de la mairie de Tunis avait fait polémique en mai dernier. L'ascension de cette islamiste dans un poste aussi convoité avait fait jaser de nombreux progressistes qui n'ont pas hésité à sortir les arguments religieux pour contester son élection. On l'avait jugée « pas à la hauteur » de sa mission. Pourtant, trois mois après sa prise de pouvoir, Souad Abderrahim fait tout pour clouer le bec aux sceptiques. Elle a été de ceux qui n'ont pas attendu une seconde pour mettre la main à la pâte, parfois un peu trop ostentatoirement selon certains. Souad Abderrahim a voulu lancer un message fort en marquant tout de suite sa présence sur les réseaux sociaux et les médias. Armée de pelles, de tuyaux et de pelleteuses, la mairesse de Tunis a tout fait pour qu'on parle d'elle et le pari fût réussi. Accompagnée de ses photographes, elle est allée à l'avenue Habib-Bourguiba et des rues avoisinantes pour prêter main forte aux ouvriers. A grande eau, Souad Abderrahim rinçait les trottoirs, peignit un mur ou encore un banc et fit la même chose dans le quartier défavorisé d'El Kabbaria, où elle a participé au ramassage des détritus, profitant de la visite pour faire un brin de causette avec les riverains.
Très sollicitée par les médias, la mairesse n'a eu de cesse de présenter son programme, une feuille de route que Souad Abderrahim applique à la lettre comme en témoignent les actions menées un peu partout dans la ville. En ligne de mire, l'avenue Habib-Bourguibe, vitrine de la capitale. « Nous œuvrons à régulariser la situation des cafés et à revoir, éventuellement, à la baisse, les redevances qu'ils payent pour exploiter les trottoirs », a annoncé la mairesse de Tunis, soulignant sa volonté que l'avenue devienne, à terme, piétonne. La page Facebook de la municipalité de Tunis n'a jamais autant abondé de photos de visites et de programmes définis jusqu'au moindre détail pour les actions à mener de nombreux quartiers de la capitale. Chaque jour, les activités de la mairesse y sont annoncées. Ses visites, ses réunions et ses rencontres sont relayées consciencieusement. Et des rencontres, la mairesse en enchainées avec des représentants, ambassadeurs, maires et ministres de différents pays, venus la féliciter et parfois examiner des moyens de coopération entre Tunis et d'autres villes à l'étranger. La dernière rencontre en date a été effectuée avec l'ambassadrice de la Grande-Bretagne à Tunis, qui a exprimé sa volonté d'apporter son aide à la municipalité de Tunis dans le domaine de la propreté et de la lutte contre les déchets en plastique.
La propreté de la ville est d'ailleurs le défi majeur auquel fait face la municipalité de Tunis en plus des étals et des constructions anarchiques, de la préservation de l'environnement et de la réhabilitions du parc du Belvédère. Des défis d'autant plus difficiles que la mairesse a appelé le pouvoir législatif à « prendre les mesures nécessaires » pour que la police environnementale soit, de nouveau, rattachée aux municipalités. Souad Abderrahim n'a pas failli à ses promesses et les campagnes d'assainissement des quartiers de la plus peuplée des municipalités se sont succédé à un rythme effréné. La mairie et les structures locales se sont mobilisées à Sidi El Béchir, El Ouardia, Sijoumi, El Omrane, Jebel Jeloud, Ettahrir, Ezzouhour, Kabbaria, Hrairya, Beb Souika, Beb Bhar l'avenue Habib-Bourguiba et les quartiers avoisinants. Des interventions qui ont fait le bonheur des riverains, selon de nombreux témoignages exprimés par les citoyens.
La surprise fût toutefois bien plus grande ces derniers jours à l'occasion de l'Aïd El Idha, un des évènements les plus « salissants » de l'année. D'habitude, et durant de nombreux jours, plusieurs quartiers empestent le sang et la charogne. Cette année, des mesures ont été annoncées et mises en place et le résultat était bluffant. Parmi ces mesures, on peut citer la mise en place d'espaces dédiés dans les marchés, notamment à Lafayette, au marché central de la cité Ibn Khouldoun, fermés à l'occasion de l'Aïd, pour les habitants d'immeubles afin qu'ils puissent y égorger leurs moutons. D'autres espaces ont été aménagés pour que les citoyens puissent y déposer les peaux de moutons, préalablement passées au sel et placées dans des sacs étanches. Les habitants ont été appelés à sortir leurs déchets avant 13h, pour que les agents municipaux puissent tout ramasser au même moment et que les saletés, qui ont l'habitude de joncher les ruelles pendant l'Aïd, laissent place à la propreté et à l'ordre. Des photos de quartiers immaculés ont d'ailleurs été partagées sur les réseaux sociaux, avec évidemment des commentaires mitigés de ceux qui disent que ce n'est pas suffisant et d'autres qui rappellent que « Rome n'a pas été construite en un jour ». Le débat est constructif et ne peut que donner encore plus d'idées.
Là où le bât blesse en revanche, c'est que la mairesse de Tunis a récemment été accusée de vouloir changer le nom de l'avenue Habib-Bourguiba. Une « rumeur » qu'elle a vite fait de démentir. Pour Mme Abderrahim, cette accusation a été propagées par des individus qui disposent d'une « imagination fertile » et qui visent à « semer la discorde et diviser les Tunisiens ». « Les réussites réalisées par la mairie de Tunis ont provoqué les ennemis du succès qui ont voulu distraire les citoyens de nos accomplissements. Pour moi, Habib Bourguiba reste à jamais un symbole et une fierté pour la Tunisie. Je ne serai pas à la tête de la municipalité de Tunis s'il n'avait pas cette pensée avant-gardiste. Le changement du nom de l'avenue Habib-Bourguiba ne m'a jamais traversé l'esprit, aucun autre nom ne pourrait l'égaler », a-t-elle précisé, lors de son intervention aujourd'hui sur Jawhara FM.
Le cas de Souad Abderrahim n'est pas exceptionnel. Depuis la mise en place des conseils municipaux, les choses ont l'air d'avancer et nombreux sont les nouveaux maires qui font preuve de bonne volonté, il faut l'admettre. La mairesse nahdhaouie en a toutefois surpris plus d'un par sa réactivité et, à l'opposé du maire d'El Kram Fethi Laâyouni, elle s'est penchée sur les priorités au lieu de se ridiculiser en déblatérant des inepties et en violant la loi.