L'agression qu'a récemment subie un policier de la circulation à Bizerte a encore une fois rappelé plusieurs incidents de violence similaires. Loin d'être un cas isolé, cette agression vient s'ajouter à un nombre d'assauts visant le corps sécuritaire, les enseignants ainsi que les médecins ou ce qu'on pourrait qualifier de « symboles de l'Etat ». Après l'agression en 2014 du professeur hospitalo-universitaire de l'hôpital de La Rabta, Chokri Gueddour, devant le siège du ministère de la Santé lors d'une manifestation contre la loi sur le travail obligatoire des médecins résidents, des incidents de ce genre se sont succédé. Une jeune médecin interne à l'hôpital Charles Nicolle a été violée 3 ans après, en décembre 2017, et en juillet 2018, les cadres médicaux et paramédicaux du service d'urgence de l'hôpital de Kasserine ont été agressés par des individus suite à l'annonce du décès d'un proche.
Les médecins ne sont, cependant, pas les seuls visés par la violence. Souvent, on entend parler des lycéens voire des élèves qui agressent leurs enseignants dans le milieu scolaire ou ailleurs. En effet, en septembre 2014, des étudiants du Campus d'El Manar, affiliés à l'UGET, ont expulsé leur professeur, Nadhir Ben Ammou, ancien ministre de la Justice, de l'amphithéâtre où il était censé donner un cours. Les étudiants ont insulté le professeur et l'ont traité de « menteur » car il n'a pas tenu ses promesses en tant qu'indépendant étant donné qu'il figurait, à l'époque, sur les listes électorales d'Ennahdha. A cette agression, l'Union des professeurs universitaires chercheurs a rétorqué en qualifiant cet acte de « scandaleux » et « barbare ». Condamnant ce comportement contraire à l'éthique, l'Union a souligné que « la dignité et l'intégrité physique du professeur étaient une ligne rouge à ne pas franchir » appelant les universités à saisir la gravité de la violence exercée sur le corps enseignant.
Suite à cet incident, les violences visant les enseignants ont pris de l'ampleur et 1.100 plaintes ont été déposées en 2016 auprès des autorités judiciaires. En 2017, 14.972 agressions ont également été perpétrées par des élèves à l'encontre de leurs enseignants selon une étude menée par l'Institut tunisien des études stratégiques (Ites) parue en octobre 2017. Les agressions se multiplient, qu'elles soient commises contre les enseignants, les surveillants ou encore les directeurs des établissements scolaires. A cause des décisions disciplinaires prises à l'encontre de certains élèves, ces derniers tentent de se venger de leur enseignant en proférant des insultes en classe et allant jusqu'aux menaces de mort. Les agressions qui bafouent ainsi la sacralité du métier d'éducateur. Face à ce fléau, les professionnels du secteur de l'Education ont exhorté le gouvernement à mettre en œuvre une stratégie nationale pour réduire ces violences, notamment en priorisant la prévention et la lutte contre la violence, en préparant un projet de loi pénalisant les assauts contre le corps enseignant, en mobilisant des forces de l'ordre autour des établissements scolaires ainsi qu'en impliquant davantage les parents, la société civile et les parties concernées.
Les sécuritaires n'ont pas à leur tour été épargnés de ces actes de violence, l'agression récente d'un policier de la circulation par un jeune homme avait rapidement enflammé la toile vu que l'incident a été filmé, déclenchant ainsi une vive polémique. Cette attaque a, d'ailleurs, suscité la compassion des internautes créant par la suite une vague de soutien de la part des syndicats et des différentes institutions qui ont considéré cette attaque comme étant « une attaque pour tout le pays » et non pas que pour la personne du policier.
Quelques jours plus tard, un agent de la police municipale a, lui aussi, été agressé à Tunis par un marchand ambulant. Une agression qui a valu à ce vendeur une arrestation qui dure jusqu'aujourd'hui. Le policier a été transféré à l'hôpital pour recevoir les soins nécessaires. Ces incidents ne sont pas les premiers à avoir lieu. En novembre 2017, 2 policiers ont été agressés à l'arme blanche par un takfiriste devant l'entrée de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). L'opération terroriste a entrainé le décès du 2ème sécuritaire suite à une blessure profonde au niveau du cou. Un ministre a même été victime, à son tour, d'agression. En juillet 2018, Mohamed Trabelsi, ministre des Affaires sociales, a été victime d'une agression physique par un marchand de légumes à Sfax alors qu'il tentait de défendre un jeune ouvrier, malmené par son patron.
Devant tous ces incidents graves qui nuisent à la sûreté et à la sécurité des « symboles de l'Etat », des mesures de sécurité et de protection s'imposent afin d'endiguer le phénomène. A titre d'exemple, les violences perpétrées contre les sécuritaires ont suscité le débat de nouveau sur le projet de loi relatif à la répression des atteintes contre les forces armées. Un projet qui a été soumis à l'ARP par le ministère de l'Intérieur depuis 2015 et demeure à ce jour dans ses tiroirs malgré l'appel de l'actuel ministre de l'Intérieur, Hichem Fourati à accélérer le processus de son traitement ainsi qu'à assurer un cadre légal pour protéger le sécuritaire pendant le service. Le projet vise à renforcer la sécurité des forces armées contre les atteintes menaçant leur vie. Il vise également à réprimer les attaques faites contre les édifices, les établissements et les équipements qui sont mis à leur disposition, protection ou surveillance. Toutefois, le texte de loi comporte plusieurs lacunes et ambiguïtés faisant l'objet d'une contestation grandissante dans la mesure où ces ambivalences mettent en péril la liberté d'expression, pilier fondamental de la démocratie.
Quoiqu'il en soit, la violence ne doit en aucun cas être tolérée surtout quand il s'agit de la souveraineté de l'Etat et de son prestige. Preuve d'incivilité, l'atteinte à ces symboles exige l'intransigeance afin de remédier à ce fléau inextricable. Néanmoins et dans le cas des sécuritaires, cette impunité est controversée. Encore faut-il concilier entre la protection de l'agent et la préservation des libertés dans le but de parvenir à un équilibre de l'équation liberté/sécurité.