Boycottera, boycottera pas ? Alors que dimanche après midi, le Comité Administratif de l'enseignement secondaire, relevant de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) avait annoncé le boycott de la semaine bloquée, nouveau rebondissement survenu hier matin avec les déclarations du ministre de l'Education, qui malgré une situation extrêmement tendue entre son ministère et le syndicat, a promis de trouver des solutions d'urgence pour apaiser les tensions et convaincre les protestataires d'annuler leur mouvement de grève. A l'issue de la visite qu'il a effectuée au lycée secondaire Cité des jardins au quartier Ettahrir qui a failli être incendié durant le week-end, Néji Jalloul a annoncé que des mesures seront prises pour contourner le scénario catastrophe et garantir le bon déroulement des examens du deuxième trimestre. Par ailleurs, il a été décidé de renforcer immédiatement le dispositif sécuritaire et le nombre de patrouilles aux alentours des établissements scolaires durant les heures de cours pour garantir la sécurité de tous ceux qui y sont présents, aussi bien le corps enseignant et administratif que les élèves. Cette solution provisoire vise à rassurer les professeurs, de plus en plus cibles de violences, en attendant la promulgation d'une loi incriminant toute agression à leur encontre. Reste à savoir si ces promesses réussiront à régler le problème et si la semaine bloquée aura bien lieu à la date prévue. Violence accrue et dangereuse Outre les revendications salariales et professionnelles et leur exigence d'une réforme globale du système éducatif, les enseignants demandent plus de garanties pour leur permettre de travailler sans crainte d'une agression morale ou physique. La violence en milieu scolaire, aussi bien dans les lycées que dans les collèges et même parfois au sein des écoles primaires, est un dossier bien épineux qui fait, à chaque incident, couler beaucoup d'encre mais qui n'est pas propre à la Tunisie. Cette problématique enregistre, en effet, une recrudescence sans précédent dans bon nombre d'autre pays dont la France ou les Etats-Unis. Une violence crue, souvent gratuite et irresponsable qui donne lieu à des scènes surréalistes de jeunes malmenant, insultant et agressant leurs enseignants, sans la moindre once de retenue ou de respect. En 2013, les cours avaient été arrêtés suite à l'agression d'un professeur par son élève au lycée Menzeh 6. Pas plus tard que la semaine dernière, pareil incident s'est déroulé dans l'un des collèges de Tunis mais n'a pas eu de suite. Toutefois, la vidéo, tournée en cachette par l'une des élèves en classe avec son Smartphone, a largement circulé sur les réseaux sociaux. On y voit un jeune homme foncer droit vers sa jeune professeur, visiblement apeurée et impressionnée par tant d'agressivité de la part de son élève. Même s'il ne la frappe pas, le jeune homme, portant une casquette, gesticule de tous côtés, la menace et fait mine de vouloir lui asséner un coup de poing. Ses amis font semblant de le repousser, sans toutefois être fermes et sont vite gagnés par un fou rire général. Un spectacle désolant et un supplice de près de cinq minutes qui a suscité l'ire et l'indignation des internautes qui se sont toutefois demandé pourquoi l'enseignante n'a pas immédiatement quitté la salle, aussitôt l'altercation commencée. Des mots et des maux Outre la violence en milieu scolaire, l'enseignement en Tunisie souffre de plusieurs autres maux. A Sousse, un professeur de chimie a été arrêté pour trafic et recel de drogue qu'il espérait revendre à ses élèves et aux étudiants des environs. Lors de son arrestation, il avait en sa possession près de deux kilos et demi de cannabis et a même eu le toupet de soudoyer les policiers pour tenter d'échapper à la prison. Ailleurs, dans une ville avoisinante de Monastir plus précisément, des parents d'élèves ont signé une pétition dénonçant l'attitude dangereuse et anti-pédagogique d'une enseignante de français, qui distribue à ses élèves des tracts contenant des versets coraniques, des hadiths et des messages incitant au jihad. En classe, la maîtresse ne se prive pas également de tenir des discours religieux extrémistes et de citer en exemple les combattants de Daech comme étant de pieux musulmans. Ceci, outre les jardins d'enfants anarchiques qui pullulent et qui ne répondent à aucune norme pédagogique et sans oublier les dérives des cours de soutien imposés de force par bon nombre d'enseignants, faute de quoi les élèves sont soumis à une pression psychologique destructrice. C'est à se demander où va l'enseignement en Tunisie ? Une question qui s'impose sérieusement vu les incidents alarmants qui se déroulent au sein des différents établissements scolaires, des jardins d'enfants aux universités. Au vu de l'actualité, l'enseignement semble inexorablement menacé en Tunisie et d'infimes solutions ont été jusqu'ici proposées pour arrêter ce fléau destructeur. Certes, lors d'un conseil ministériel tenu la semaine dernière, il a été décidé de procéder à la rénovation de 600 écoles primaires de celles qui tombent en ruine dans les régions et qui menacent la sécurité des élèves. Mais est-ce suffisant ? Réparer les murs, réaménager des salles de classes et réparer des installations électriques suffira-t-il à rétablir le courant entre les enseignants et leurs élèves, dont la relation n'a cessé de se dégrader durant la dernière décennie ? Pas sûr ! Pourtant, l'enseignement est le pilier de toute société moderne et civilisée. A l'époque, Victor Hugo disait : « Ouvrir une école, c'est fermer une prison. » En annonçant la construction de nouvelles prisons la semaine dernière pour pallier à la surpopulation en milieu carcéral, le gouvernement Essid aurait-il un autre avis sur la question ?