La scène politique tunisienne ne cesse de subir des secousses depuis un bon bout de temps... La guerre ouverte, que mène le clan de Hafedh Caïd Essebsi contre le chef du gouvernement et ses soutiens, impacte négativement le climat politique et continue à vider Nidaa Tounes de ses dirigeants et députés. Le parti vainqueur des dernières élections y survivra-t-il ? Ce n'est un secret pour personne, Nidaa Tounes subit de plein fouet les revers de la guerre des clans que se livrent ses dirigeants. Aux dernières nouvelles, le clan de l'autoproclamé directeur exécutif, Hafedh Caïd Essebsi y a laissé des plumes. Depuis la semaine passée, les défections du bloc parlementaire, qui comptait 86 députés en 2014, s'accélèrent en alimentant les rangs du nouveau groupe de la coalition nationale. Il n'est pas dit que les démissions prennent fin à ce stade, d'autres viendront et les désaveux se multiplient.
Dernier désaveux public en date, celui du dirigeant Nidaa Tounes, Samir Abdelli, pourtant proche du cercle du directeur exécutif. Dans un long statut, il s'est dit contre le gel d'adhésion du chef du gouvernement et contre les agissements de Hafedh Caïd Essebsi. Des agissements qu'il qualifie de dangereux pour le devenir du parti. Abdelli s'élève ainsi contre l'utilisation des structures du parti dans le but de régler des comptes ou des différends, à la limite devenus personnels. « On ne peut mêler, avec une mauvaise foi notoire, le point 64 et la décision du gel d'adhésion de Youssef Chahed ». Ne mâchant pas ses mots, il estime que le gel d'adhésion du chef du gouvernement, n'est autre qu'une grave erreur politique, d'autant plus contraire au règlement intérieur du parti. Selon lui, et il n'est pas le seul à le dire ou le penser parmi les dirigeants de Nidaa, il s'agit d'une décision hasardeuse, « alors que les élections législatives et présidentielle sont à nos portes ». Samir Abdelli affiche donc clairement son soutien à Youssef Chahed, relevant qu'il est un jeune leader qui représente au mieux Nidaa et conclut que les décisions du directeur exécutif ne peuvent qu'être néfastes pour le parti. La déferlante de démissions des députés Nidaa n'a pas attendu le gel d'adhésion du chef du gouvernement Youssef Chahed. Parmi ceux qui ont annoncé leur départ récemment, Zohra Driss qui n'a pas manqué de critiquer les entourloupes du directeur exécutif et ses proches. Elle avait affirmé que les problèmes de Nidaa ont commencé depuis le fameux congrès de Sousse. La députée a décrié les tendances hégémoniques de Hafedh Caïd Essebsi, assurant que les décisions au sein du parti sont toujours prises d'une manière unilatérale. « Hafedh Caïd Essebsi a pris les choses en main, en s'attribuant toute la légitimité. Nidaa Tounes n'est pas une affaire familiale, et même dans une famille on se doit de consulter sa femme et ses enfants. On ne commande pas depuis sa chambre à coucher. Hafedh Caïd Essebsi se croit tout permis en se targuant d'être le propriétaire de la patente! ». Voilà qui est dit!
C'est au lendemain du gel d'adhésion de Youssef Chahed que les démissions ont touché les coordinations régionales de Nidaa. De Siliana, à Ben Arous, en passant par Hammam Lif ou de Sfax, tous désavouent l'actuelle direction du parti, à sa tête le fils du président. Et c'est ainsi que les appels à ce que Hafedh Caïd Essebsi se retire de la direction du parti se sont succédé, à commencer par la porte-parole de Nidaa, Ons Hattab. Il n'y a pas longtemps, l'élue faisait partie du cercle très proche de HCE, mais le vent a tourné. Elle avait ainsi invité les structures du parti et les délégués municipaux à Kairouan à se réunir pour les rallier à sa cause. A quelques heures de la sortie de Ons Hattab, c'est le Conseil régional élargi à Monastir qui a appelé à son tour, le directeur exécutif et le président du bloc parlementaire à se retirer en leur faisant porter la responsabilité de la situation catastrophique au sein du parti. Le conseil estimait également que le gel d'adhésion de Chahed n'était pas une sage décision et ne fera qu'accélérer la dispersion de la famille nidaiste.
Le feuilleton se transforme en saga et les jours à venir devront apporter leur lot de rebondissements. Les Mongi Harbaoui et Khaled Chouket, se sentant acculés, montent au créneau pour donner l'impression que tout va pour le mieux. Un Khaled Chouket qui crie sur tous les toits à la trahison et n'hésite pas à insulter ses anciens compagnons en les qualifiant de rats. Chouket persiste et signe en assurant que la décision du gel d'adhésion de Youssef Chahed est motivée par le comportement du chef du gouvernement et de sa rébellion. Mongi Harbaoui multiplie les publications incendiaires ou propagandistes dans une tentative (vaine?) de resserrer ce qui reste des rangs. La débâcle est actée.
Il est évident que le clan de l'autoproclamé directeur exécutif de Nidaa Tounes est en train de perdre pied, en dépit du soutien de la présidence de la République. Dans ce bras de fer qui s'éternise, les rapports de force semblent s'inverser, d'autant que le bloc parlementaire du parti continue à perdre du poids et que Youssef Chahed peut compter aujourd'hui sur une coalition nationale bien décidée à en découdre…