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La sûreté de Tunisair mise en péril par la Cour des comptes
Publié dans Business News le 24 - 12 - 2018

Les déboires de Tunisair se poursuivent malgré les efforts déployés depuis 2010 pour redresser la situation. C'est un coup de massue que vient lui asséner la Cour des comptes, via son rapport annuel, et dans lequel plusieurs défaillances sont pointées, dont une bonne partie révélées par la compagnie. Ceci dit, certains des faits reprochés par la juridiction administrative publique sont très graves puisqu'ils touchent à la sûreté des vols et des passagers. Des accusations totalement réfutées par Tunisair qui assure que la sécurité est une ligne rouge ! Retour sur un rapport qui a enflammé la toile.

Le weekend dernier, les observateurs se sont emballés suite à la publication du 31ème rapport annuel de la Cour des comptes, et en particulier sur la partie du rapport réservée à la compagnie aérienne nationale Tunisair. Cela, bien que le rapport révèle d'autres faits aussi graves pour d'autres programmes et organismes publiques (dettes publiques, l'Hôpital Aziza Ohtmana, la CNRPS, la Star, plusieurs municipalités, etc.).
Il faut avouer que la juridiction administrative publique n'est pas allée de main morte. Le rapport pointe «plusieurs manquements au niveau de l'exploitation de la flotte, des travaux d'entretien, de la qualité des services et la sûreté des vols, et qui ont engendré des pertes énormes et entravé la compétitivité de la compagnie», et ceci pour la période 2014-2017.

La Cour des comptes souligne ainsi que la productivité de la flotte est en berne. Non seulement le nombre d'avions exploité est passé de 32 en 2014 à 28 appareils en 2017. Mais l'âge de la flotte est de 15,5 ans en 2017 contre 10 ans pour des compagnies aériennes africaines. La moyenne d'exploitation est en deçà des moyennes mondiales de 10 heures, notamment pour les Boeing 737 qui font à peine 6 heures de vol par jour. Le taux de remplissage est de 69% contre 78 et 79% pour la moyenne mondiale, pour la même période. Cette situation a engendré des pertes cumulées de l'ordre de 595 millions de dinars (MD) pour les exercices allant de 2012 à 2016.

En outre, la juridiction met en relief ce qu'elle considère comme une «mauvaise gestion» de son personnel navigant et en particulier les pilotes, dont 43% n'ont pas effectué le nombre minimum requis d'heures de vol : 5,74 MD ont été dépensés pour payer des heures de vols qui n'ont pas été opérées alors que d'autres ont dû être payés pour les heures additionnelles réalisées. Elle note une aggravation du phénomène d'absence non justifié chez les pilotes et précise que deux d'entre eux travaillent carrément chez la concurrence sans que la société n'ait engagé envers eux de procédures disciplinaires.
La cour révèle aussi une différence entre les heures de vols déclarées par les pilotes et celles enregistrées sur le système NetLine et qui a couté à la compagnie 3,89 MD entre 2015 et 2017. Elle pointe ce qu'elle considère comme un recours abusif aux autorisations exceptionnelles de vol pour les pilotes qui ont dépassé les heures de vols légales. Elle recense 288 cas en 2016 et 2017, soit 1.736 heures de vols. Elle estime ainsi que la mauvaise gestion des pilotes a non seulement impacté négativement la ponctualité de la flotte mais également eu des répercussions financières sur la compagnie qui a dû louer des avions avec leur équipage, pour un coût de 916.000 dinars.

La Cour des comptes dénonce aussi des problèmes dans le programme annuel d'entretien des appareils, les retards de réalisation ayant atteint 1.812 jours en 2016 contre 106 jours programmés, ce qui a entrainé l'arrêt des appareils pour de longues périodes pour entretien, d'une durée de plus de 300 jours. Elle note les difficultés de la compagnie à financer l'entretien des moteurs des appareils. Elle évoque aussi des problèmes de gestion de stock des pièces détachées et relève que certaines pièces ont été enlevées de certains appareils sans pour autant qu'elles soient montées sur d'autres. 658 cas ont été recensés.
La juridiction souligne aussi une dégradation du service, notamment en ce qui concerne la ponctualité de la compagnie, la propreté, l'état des sièges et la qualité des repas. Ainsi, la compagnie a écopé d'une amende administrative de 35.000 euros (79.100 dinars) de l'Aviation civile française pour la non-prise en charge de passagers. Si tous les passagers européens arrivés en retard entre 2015 et 2017, réclamaient des indemnisations, ceci couterait à la compagnie aérienne 23,9 millions d'euros, a-t-elle précisé.

Tout ceci n'est rien contre les graves faits relatés par la Cour des comptes. Cette dernière affirme que Tunisair aurait permis à des vols de décoller avec des pannes qui auraient causé des accidents chez d'autres compagnies aériennes. La compagnie tunisienne aurait permis en 2016 à des avions de voler avec plus de 5 pannes ! En 2017, 4 pannes liées à la dépressurisation d'appareils auraient été recensées et qui seraient, toujours selon elle, parmi les plus graves pannes et qui arrivent exceptionnellement pour la majorité des compagnies aériennes du monde. Ceci représente selon ses propres termes un «grave indice préoccupant».

Face à ces graves accusations et la polémique qui a suivi, Elyes Mnakbi, le président directeur général de Tunisair, est intervenu, ce lundi 24 décembre 2018, dans les médias pour rassurer les passagers de la compagnie aérienne. Il a assuré : «Je vous certifie que nos avions sont sûrs à 100%, (…) que nos pilotes sont parmi les meilleurs au monde, que nos techniciens sont donnés en exemple. Bien que la cour ait fait son travail, ce rapport porte atteinte à la réputation et à l'image de la compagnie». Et de marteler : «Tunisair est en bonne santé, prenez ses vols et nous serons responsables de votre sécurité !»
M. Mnakbi a souligné ainsi que «le domaine aéronautique est très vaste et qu'il y a des personnes qui sont spécialisées [...] il y a une différence entre anomalie et panne. Les anomalies ne sont pas toutes les mêmes, il y a celles "Go" et celles "No Go"».
«La Cour des Comptes est une institution de premier rang qui fait un travail important pour servir la Tunisie. Mais, il y a des choses que ses agents ne peuvent pas comprendre mieux que les techniciens internationaux. Tunisair est un exemple en termes de sûreté des avions : la compagnie a 70 ans d'âge, et dieu merci, nous n'avons eu aucun incident. Nous sommes parmi les rares compagnies au monde citées comme exemple», a-t-il expliqué ajoutant : «Certes, la flotte a une moyenne de 15 ans, mais la sécurité des vols est une ligne rouge, nous ne pouvons pas voler avec une panne !».

En ce qui concerne les graves pannes susmentionnées, le PDG a indiqué que ce sont de très graves accusations. Il a précisé : «Nous sommes certifiés internationalement par l'IASA et Part 145 outre l'autorisation de vol qu'on reçoit chaque fois par l'Aviation civile». Il a ajouté : «Je ne pense pas qu'il y ait un seul pilote en Tunisie qui accepte de voler si le mécanicien lui dit qu'il y a une grave panne suite à son inspection, mettant en danger de ce fait sa vie et celle des passagers». Il a spécifié qu'«à tout moment, les avions de Tunisair sont soumis à des contrôles approfondis par les organismes internationaux dans les pays visités comme le Safa».
S'agissant des deux pilotes qui ont rejoint une compagnie aérienne saoudite, M. Mnakbi a noté que c'est la compagnie qui les a mis à l'arrêt à cause d'inaptitudes physiques et que c'est elle qui a découvert le pot aux roses et qu'ils avaient rejoint une autre compagnie. Il a assuré qu'ils vont passer prochainement devant le conseil de discipline pour être limogés.

Quelques heures plus tard, la compagnie revient à la charge dans un communiqué : «L'opérationnalité des avions et la sécurité des vols est une ligne rouge qu'on ne peut pas dépasser ! Les procédures nationales et internationales dans ce domaine sont très strictes et on ne peut que s'y soumettre intégralement. En outre, la responsabilité pénale personnelle des techniciens est la plus grande garantie de l'application des régles de sûreté d'une manière stricte, le tout sachant que la compagnie cherche à atteindre une régularité technique de 98% alors que le niveau actuel est de 95%, ce qui est dans les normes internationales».
Il rappele que : «Tunisair est classée parmi les compagnies aériennes les plus sûres dans le monde, elle est soumise à des contrôles et à des inspections d'instances nationales et internationales, européennes et mondiales spécialisées dans la sûreté aérienne, qui n'ont recensé aucun dysfonctionnement ou défaut qui peut toucher à la sûreté des vols ou à l'état de ses appareils».
S'agissant de la gestion des pièces détachés et des ressources humaines, le dossier est en train d'être suivi par les services d'audits de la compagnie ainsi que des structures d'inspection et de contrôle relevant du ministère de tutelle. Les résultats seront publiés dès la fin de l'enquête.
Tunisair souligne que depuis le mois d'avril 2017 elle est parvenue à augmenter son activité commerciale pour le 20ème mois consécutif, malgré les difficultés opérationnelles et financières qu'elle subit depuis 2010. Mieux et à la suite des lacunes diagnostiquées depuis 2017, des réformes garantes de la pérennité de l'entreprise ont été mises en place pour la période 2017-2020, notamment en ce qui concerne la baisse des coûts, l'agrandissement de la flotte, l'amélioration des produits et services et en particulier la ponctualité des dessertes.

D'ailleurs, commentant le rapport de la Cour des comptes, un commandant de bord explique qu'un avion peut voler avec une vingtaine d'anomalies, le plus important c'est que tout soit déclaré dans les rapports et que tout soit fait selon les instructions du fabricant qui permet l'utilisation de l'appareil pour une période déterminée mais en se conformant à des mesures de sécurité supplémentaires. «Tout est écrit dans le manuel du pilote c'est n'est pas de la magie ou une hérésie», a-t-il insisté. Il a souligné que tout est mentionné dans les rapports de sûreté et que si des avions décollent avec de graves pannes comme mentionné dans le rapport de la Cour cela peut être passible de peines de prison pour tous les signataires du rapport, le tout sachant que l'appareil est susceptible d'être l'objet d'un contrôle inopinés partout. Et d'ironiser : «Je ne savais pas que la Cour des comptes recensait le nombre de fois où il ya eu une dépressurisation de l'avion et si les ses experts pouvaient faire une liste des plus graves pannes pour l'utiliser au lieu des manuels qu'on utilise».
Le pilote a martelé que « ce n'est pas le rôle de la juridiction d'entrer dans les détails techniques et que ce n'est pas son rôle d'exprimer sa préoccupation en ce qui concerne les graves pannes des avions car il y a la direction de l'Avion civile ainsi que des autorités concernés par la sûreté qui ont des ingénieurs spécialisés qui contrôle et prends les mesures nécessaire en cas de défaillances».

Pour sa part, le ministère du Transport précise dans sa réponse à la Cour des comptes qu'il a transféré le dossier qui concerne les erreurs de gestion à la Cour de Discipline financière et qu'il a déféré le dossier des pièces détachées devant les instances judicaires pour l'ouverture d'une enquête et la poursuite de tous ceux qui sont impliqués. S'agissant des autorisations de vol, le ministère souligne que cela a été fait en respectant les et les conditions de garantie de la sûreté des vols.
En ce qui concerne l'entretien des appareils, le ministère a souligné que le centre de Tunisair Technics est certifié par les autorités spécialisées relevant de l'Aviation civile. Il note que le fait d'enlever des pièces d'un autre appareil au sol est une pratique mentionnée dans le manuel de la structure d'entretien selon des conditions particulières, notamment le devenir de la pièce. Ceci dit, les services de contrôles de la direction générale de l'aviation civile a relevé certains infractions et a demandé à Tunisair Technics d'y remédier.
D'ailleurs, le ministère rappelle que l'autorisation qui concerne la sûreté des entretiens des appareils n'a été renouvelée que pour quelques mois au lieu de deux ans, Tunisair Technics n'ayant pas réalisé les reformes qui s'imposaient dans les délais requis.

Pointer les défaillances financières est le rôle de la Cour des comptes. Mais est-il de son rôle de pointer des défaillances techniques de la compagnie aérienne nationale? La juridiction administrative publique a-t-elle les outils et les moyens de traiter ce volet ? Ce qui est sûr c'est que le dernier rapport de l'institution a terni l'image de Tunisair, la sûreté étant une des premières données à prendre en compte pour évaluer une compagnie aérienne.


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