Nos sociétés sont exposées à des approches commerciales qui portent les stigmates de la violence du capitalisme sauvage qui utilise tous les moyens, y compris les addictions : addiction au shoping, addiction au sucre, addiction au jeu, addiction aux smartphones à travers les réseaux sociaux et les jeux, addiction au tabac, addiction à l'alcool, addiction aux médicaments analgésiques centraux, aux antitussifs et aux psychotropes, addiction aux drogues dures (cannabis, cocaïne, héroïne, LSD,…). Les prévisions de croissance du marché des opioïdes entre 2014-2023[1] sont « terriblement » élevées et sont alarmantes en termes de politiques publiques. En Tunisie, la consommation thérapeutique des stupéfiants (drogues licites à visée thérapeutique) a connu une augmentation durant les années 2012, 2013 et 2014. Cette augmentation de la consommation pourrait être expliquée par la guerre en Libye et le traitement des blessés Libyens en Tunisie. Leur consommation a commencé à se normaliser à partir de 2015.
Tableau 1 : Consommation des principaux stupéfiants et consommation calculée, 2011-2015 Source : INTERNATIONAL NARCOTICS CONTROL BOARD, Stupéfiants 2016,p200.
Pour l'utilisation des drogues illicites, le tableau est plus sombre. Il inclut les abus d'utilisation de certains médicaments et le cannabis. Les médicaments constituent la principale cause de décès, plus de 500 000 morts aux Etat-Unis et en Europe en 2014 [1]. Le cannabis, pour sa part, demeure la drogue illicite la plus utilisée au monde. La quantité de cannabis saisie en Tunisie était 7669 kg en 2015[2]. La légalisation de cette drogue a commencé dans plusieurs pays où l'on reconnait ses bénéfices financiers et thérapeutiques beaucoup plus que ses effets toxiques et toxicomanogènes du cannabis. Des études ont été conduites par des chercheurs en vue d'apporter une réponse objective relative à l'utilité ou au dégâts induits par l'utilisation du cannabis, et ce en vue d'éclairer les décideurs quant à son utilisation thérapeutique, sa légalisation et son impact sur la santé publique et les politiques publiques. La banalisation du cannabis et sa large consommation par une strate sociale de plus en plus étendue, affecte tous les genres et démontre des dégâts grandissants altérant le fonctionnement neuropsychologique de manière irréversible. En effet, le déclin neuropsychologique induit par l'utilisation de cannabis est global et persistant. Il touche cinq zones de la fonction mentale (les fonctions exécutives, la mémoire, la vitesse d'exécution, le raisonnement perceptuel et la compréhension verbale). Cette altération est spécifique aux consommateurs persistants de cannabis[3]. Ce déclin neuropsychologique se manifeste par une perte de 8 points du quotient intellectuel (QI) pour un âge compris entre 13 et 38 ans. Cette altération n'est pas réversible après arrêt du cannabis. En d'autres termes le cannabis abrutit et rend stupide. D'où la nécessité de l'interdire si l'on veut préserver nos jeunes. L'interdiction est la seule décision qui permet de déclencher toute la panoplie d'actions nécessaires à concrétiser la prévention contre les méfaits du cannabis. Je suis étonné que nos médias diffusent beaucoup moins ces effets néfastes et dévastateurs du cannabis et ouvrent leurs espaces à des défenseurs de la légalisation du cannabis dont le seul but est de se positionner d'un point de vue narcissique, politique et d'opportunisme affairiste. De l même manière, légaliser le cannabis revient à renier l'importance de la prévention dans l'amélioration de la santé comme on renie le rôle de l'eau potable et de l'hygiène dans la diminution du taux de mortalité humaine à travers les siècles. La légalisation du cannabis est une matérialisation de l'opportunisme économico-politique qui rime avec le cannibalisme ou la nécrophagie. Oui, ces mots sont violents mais décrivent la violence et cynisme des affairistes dont l'objectif est de s'enrichir en tuant la force vive de demain. Pourquoi? Tout simplement pour cristalliser leurs aspirations narcissiques et politiques au détriment de milliers de jeunes mal-compris et malchanceux qui seront asservis et abrutis à vie.
NB : Les opinions exprimées dans la rubrique Tribunes n'engagent pas la rédaction.
*Pharmacien Clinicien, Pharmacoéconomiste, Chercheur en Droit, Consultant et Evaluateur en Bonne Gouvernance auprès de l'OMS et Membre du Conseil de l'INLUCC.
[1] Gøtzsche, Deadly Psychiatry and Organised Denial. ArtPeople, 2015. p378 [2] NARCOTIC DRUGS.2016. p448. [3] « Persistent cannabis users show neuropsychological decline from childhood to midlife » Madeline H. Meier, Avshalom Caspi, Antony Ambler, HonaLee Harrington, Renate Houts, Richard S. E. Keefe, Kay McDonald, Aimee Ward, Richie Poulton, and Terrie E. MoffittPNAS October 2, 2012 109 (40) 15980;