En l'espace de quelques jours seulement, deux acteurs de l'espace public ont lancé des appels au meurtre dans l'indifférence et la léthargie suspectes et dangereuses des autres acteurs de la société civile et politique. Rached Khiari, un bloggeur adepte d'un islamisme radical, misogyne, anti démocratique et violent, a annoncé qu'il condamnerait à mort la présidente du PDL, Abir Moussi s'il arrivait un jour au pouvoir. Ce souhait de mettre à mort la présidente du PDL, dépasse la personne de Abir Moussi pour englober toutes les personnes qui partagent avec elles les mêmes idées. Si on se réfère aux derniers sondages, cet appel au meurtre concernerait plusieurs dizaines, sinon plusieurs centaines de milliers de Tunisiens. Aux dires de cet écervelé, ils sont en sursis actuellement en attendant qu'il accède au pouvoir pour mettre son appel au meurtre en exécution et commettre un véritable carnage. Cela s'appelle un génocide en droit humanitaire international. Un autre écervelé, Fayçal Tebbini, député par accident qui s'est inscrit depuis longtemps dans le show parlementaire au point de ne pas hésiter à se donner lui-même en spectacle, a annoncé, avec toute l'assurance que lui donne son immunité parlementaire, à l'adresse du chef du gouvernement Youssef Chahed : « je vous jure que si vous signez cet accord de l'Aleca avec l'Union européenne et si un jour j'arrive au pouvoir je vous condamnerai à mort et je vous exécuterai. Je vous ferai fusiller sur la grande place, à l'avenue Habib Bourguiba, devant tous les Tunisiens ». Voila donc un député qui menace de mort le chef du gouvernement pour un différend, quoiqu'on dise sur sa profondeur et son importance, qui est, somme toute, politique. Allez chercher le débat politique qui est la règle dans toutes les démocraties du monde, dans des annonces pareilles. En vérité, Rached Khiari, et encore moins Fayçal Tebbini, ne veulent pas du débat politique et de la confrontation d'idées. Ils s'inscrivent dans une démarche populiste, idéologique et personnelle. Le premier pense qu'à travers l'appel au meurtre de tous les destouriens du pays, il continue sa guerre sainte dans ce mois de ramadan, mois de prédilection pour la guerre contre les apostats chez les islamistes radicaux. N'ayant pas le courage de suivre les terroristes dans les montagnes, il se contente de terroriser ses adversaires par ses appels au meurtre. Cela lui permet d'un autre côté de se positionner, faire son marketing auprès des islamistes désireux de faire relayer leur discours sans en assumer les conséquences politiques à l'approche des prochaines échéances électorales. Quant à Fayçal Tebbini, son discours haineux lui permet, peu importe la manière, de se positionner dans le brouhaha actuel sous la coupole, de donner l'impression, une impression seulement, qu'il agit pour défendre les intérêts des plus démunis et d'espérer ainsi rempiler au parlement, à un siège qu'il n'aurait jamais dû occuper. Face à ce discours haineux, on est surpris de constater l'indifférence des partis politiques et de la société civile. Hormis quelques réactions éparses, ceux qu'on attendait qu'ils soient naturellement aux premiers rangs pour défendre les principes de la démocratie, du droit à la différence et du vivre ensemble ont brillé par leur silence. Ils commettent ainsi une grave erreur parce que d'une part, les attaques contre leurs adversaires peuvent à tout moment se retourner contre eux, et parce que d'un autre côté, les insanités ne peuvent en aucun cas s'inscrire dans le cadre de la liberté d'expression. En termes clairs : l'appel au meurtre n'est pas une opinion, c'est un crime.