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Abir Moussi, l'opposante qu'on veut éliminer
Publié dans Business News le 17 - 01 - 2020

L'unique femme cheffe de parti en Tunisie, Abir Moussi, n'en finit pas d'être agressée. Elle craint carrément d'être la future victime d'un assassinat politique commis par les islamistes. En cause, sa haine ouvertement déclarée aux islamistes qu'elle veut écarter du pouvoir.

Elle fait tout pour être au cœur de l'actualité et elle réussit. Même en pleine tractations concernant la désignation du futur chef du gouvernement, elle parvient à voler la vedette.
Abir Moussi est seule dans cette jungle politique où il n'y a de place que pour les hommes. Extrémiste, presque radicale, cette opposante farouche fait bien des misères aux islamistes et aux « révolutionnistes », mais aussi au camp dit progressiste et laïc. Clivante à souhait, elle est presque considérée comme une pestiférée, un peu comme les Le Pen en France.
A à peine 44 ans, Abir Moussi traine un lourd héritage de fidèle parmi les fidèles du régime de Ben Ali. Son nom est assimilé à la dictature et la répression de l'ancien régime. Aucune prescription n'est à l'ordre du jour tant qu'elle n'a pas retourné sa veste et fait le dos rond à la révolution, ses martyrs et ses nouveaux dirigeants. Sauf qu'elle ne mange pas de ce pain là, elle fait partie des très rares personnalités politiques à avoir le courage d'assumer cet historique. D'autres, beaucoup d'autres, ont retourné leur veste et ont pu occuper de bonnes places dans des partis dits révolutionnaires. Pas Abir.

Son parcours en tant qu'opposante a commencé en février 2011 au moment de la dissolution du RCD. On est au tribunal et elle était là pour défendre ce qui était considéré comme indéfendable. On essaie tant bien que mal de la dissuader, mais on n'y parvient pas. On tente de l'agresser physiquement, elle se défend avec une bombe d'aérosol et c'est elle qui est condamnée. On passe à la vitesse supérieure et on décide de la radier du barreau, parce qu'elle fait honte aux avocats, une corporation qui a toujours défendu les libertés et la démocratie.
C'est par cette fenêtre qu'elle se défend et qu'elle s'est toujours défendue depuis. Au nom de la liberté, elle a le droit de s'exprimer comme elle l'entend et de défendre qui elle veut. Elle sera suspendue un an. Au même moment, elle est vilipendée dans les médias et les réseaux sociaux, son honneur est souillé, son intégrité physique est menacée. Elle l'est encore. A quelques exceptions près (dont Business News), les médias la dessinaient comme la pestiférée à abattre, la sorcière qu'on doit chasser coûte que coûte. On croyait qu'on allait en finir, après la révolution, avec la justice aux ordres et la répression de l'expression, le cas de Abir Moussi fera déchanter plus d'un, tant elle a subi de violences durant cette période.

Pour beaucoup moins que cela, sous les régimes de Ben Ali et Bourguiba, les islamistes et plusieurs parmi ceux qui se considèrent aujourd'hui comme des opposants-révolutionnaires ont pris le chemin de l'exil ou se sont cachés sous le lit pour se taire jusqu'au 14 janvier 2011. La Tunisie est son pays, elle y reste, elle n'a nulle part où aller. La haine qu'elle suscite et la violence verbale qu'elle subit ont été un carburant pour elle qui l'ont encouragée à créer son propre parti, le Parti destourien libre. Un parti qui ne se distingue pas par sa démocratie interne et attend encore son propre congrès, mais qui a quand même réussi à attirer quelques personnalités. En dépit ou grâce à son discours clivant, frôlant le fascisme, le PDL a brassé bien large parmi tous ceux qui manifestent une haine contre les islamistes et les opportunistes de tous bords qui ont pris le pouvoir et ont mené le pays au chaos d'après les dirigeants du parti.

Aussi discutable qu'elle soit, cette politique extrémiste a réussi à lui faire obtenir 190 mille voix (6,63%) aux dernières législatives. Le PDL, classé cinquième, a réussi à obtenir 17 sur les 217 sièges du parlement.
Abir Moussi se présente pour sa part à la présidentielle, toujours avec son discours clivant frôlant le fascisme. Sa bête noire, c'est les islamistes et elle dit tout haut ce que plusieurs pensent tout bas durant toute sa campagne électorale. En dépit de ses moyens financiers limités, du boycott médiatique et de toute l'animosité qu'elle suscite, elle réussit à collecter 135 mille voix en se classant 9ème. Bien davantage que plusieurs autres personnalités politiques et chefs de parti aux moyens supérieurs dont l'ancien président Moncef Marzouki (100 mille voix), le révolutionnaire Mohamed Abbou (122 mille voix), l'ancien chef du gouvernement Mehdi Jomâa (61 mille voix) ou encore l'opposant de tous temps, le « communiste » Hamma Hammami (23 mille voix).

Le score n'est certes pas très honorable, mais il n'est pas décourageant, elle a la tête à 2024 et s'y prépare déjà. Quelle meilleure tribune pour elle que l'assemblée où elle occupe les premiers rangs ?
Dès le premier jour, le jour de la prestation de serment, elle est agressée gestuellement par le député Al Karama, Zied El Hechmi, au moment où l'on entonnait l'hymne national. Il est carrément fier de cette agression et en fait sa photo de couverture sur sa page Facebook.
Profitant de cette tribune, Abir Moussi joue la provocation à volonté et met les nerfs des islamistes à rude épreuve en les poussant à la faute. Avec grand succès. La première à tomber dans le piège sera Jamila Ksiksi, ancienne encartée RCD et actuelle députée islamiste Ennahdha qui a traité ses collègues du PDL de clochards et bandits. Abir Moussi prend la balle au vol et entame un sit-in jusqu'à ce qu'on lui présente des excuses. Pendant le sit-in, Rached Ghannouchi, président du parlement et d'Ennahdha ordonne de couper l'électricité et le chauffage, mais elle n'en avait cure, les feux des projecteurs médiatiques et des réseaux sociaux étaient suffisants. Elle a piqué la vedette à l'actualité politique (tractations autour du gouvernement Jamli) et a réussi à susciter une vague de sympathie autour d'elle. D'indignation aussi.
Elle obtient les excuses désirées et elle continue de plus belle ses provocations. Les islamistes tentent de prendre l'opinion publique à témoin, mais sans résultat. Abir Moussi a le chic de frôler la frontière séparant la liberté d'expression de l'injure et la parole libre de la diffamation.
Le jour du vote de confiance du gouvernement Habib Jamli, et contrairement à la majorité des députés islamistes, elle ne lit pas un document, elle parle directement comme dans une plaidoirie face à une cour. Son discours factuel séduit et convainc de plus en plus.

Mercredi 15 janvier, son collègue Karim Krifa est empêché de prendre la parole par Rached Ghannouchi qui impose à tout le monde que l'on récite la fatiha à la mémoire des martyrs de la révolution. Un sujet très controversé vu que l'on n'est pas d'accord sur le concept et la définition du mot martyr. Quoi qu'il en soit, Abir Moussi et ses 17 collègues décident de quitter la séance sans que l'on sache si c'était pour protester contre la récitation de la fatiha ou contre la censure de leur collègue. Nouvelle polémique.
De retour au parlement, l'après-midi, et à l'occasion d'une audition de Rached Ghannouchi sur sa visite surprise en Turquie, Abir Moussi dit ses quatre vérités à l'islamiste et le danger qu'il provoque pour le pays avec cette visite non annoncée et non autorisée. Profitant de sa position de président du parlement, Rached Ghannouchi lui coupe le micro à de multiples reprises exigeant le respect. Cela se voit qu'il n'a pas d'idée sur la nature des propos que peuvent mener les députés français, britanniques, américains ou même turcs en plénières. Abir Moussi joue toujours sur les frontières et, encore une fois, les islamistes tombent dans son piège.
Le lendemain, jeudi 16 janvier 2020, une première à l'assemblée. Plusieurs personnes se présentant comme étant des membres des familles de martyrs réussissent à entrer au parlement dans le couloir théoriquement très surveillé, réservé exclusivement aux députés et aux journalistes. Qui les a fait entrer au parlement, comment ont-il pu arriver jusqu'à ce couloir ? Mystère, mais les islamistes et les révolutionnaires d'Al Karama se trouvent, comme toujours, parmi les premiers accusés.
Le groupe d'intrus agresse verbalement et longuement Abir Moussi et les députés PDL. La députée Awatef Kouraïch a carrément reçu un coup de poing d'une voilée se présentant comme membre de famille de martyr.

Dans son intervention quelques heures plus tard, Abir Moussi exige la venue du parquet et l'ouverture immédiate d'une instruction pour identifier les députés ayant fait entrer ces personnes et l'identité des agresseurs. On parie déjà que l'enquête n'aboutira à aucune condamnation.
Dans la foulée de son intervention, Mme Moussi prévient qu'il y a carrément un risque d'assassinat politique contre sa personne, rappelant, à ce titre, l'assassinat des martyrs Chokri Belaïd et du député Mohamed Brahmi en 2013. Abir Moussi ou un député PDL seront-ils les prochaines victimes d'islamistes qui se sont souvent refugié avec le sang pour s'en sortir ? C'est ce que Abir Moussi craint le plus.

En attendant, elle continue encore à occuper les devants de la scène et à susciter le débat. Pour certains, elle fait son show et ne mérite aucun soutien. D'après eux, son insolence, son historique (toujours non prescrit) et ses idées extrémistes devraient lui ôter toute surmédiatisation.
Pour d'autres, elle ne fait que son boulot d'opposante, comme le faisaient avant elle les opposants de Ben Ali, et mérite à ce titre protection et respect afin que l'on ne tombe pas de nouveau dans la dictature. D'après eux, son audace, son courage depuis neuf ans et son idéal de supériorité d'un Etat sans intégristes méritent tout le soutien.


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