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Tunisie Présidentielle 2019 : Pourquoi Nabil Karoui a gagné
Publié dans Business News le 15 - 09 - 2019

Finalement et comme prévu, les instituts tunisiens de sondage n'ont pas démérité, Nabil Karoui est donné deuxième à ce premier tour de la présidentielle. Contrairement à ce que répètent plusieurs de ses adversaires, et une partie de la presse nationale et internationale, ce n'est pas grâce au populisme qu'il est monté. Pas uniquement du moins.

Le vent a tourné, Nabil Karoui a gagné. C'était prévisible pour ceux qui savent déchiffrer le paysage politique tunisien et Business News en fait partie. Prévisible depuis des mois. Février plus exactement, pour ceux qui sont dans les secrets des Dieux, et depuis le mois de mai pour les observateurs moins avisés.
Cela fait trois ans que Nabil Karoui prépare son coup en douceur, en cachette. Au lendemain du décès de son fils unique Khalil, le 21 août 2016, le puissant patron de Nessma TV, première chaîne privée de Tunisie, reçoit l'ensemble des dirigeants politiques, à leur tête le président de la République défunt, Béji Caïd Essebsi, venus lui présenter leurs condoléances. Nabil Karoui avait le visage impassible. Rien ne filtrait, pas une émotion. Son frère Ghazi, lui, était à chaudes larmes. Ce jour-là, Nabil Karoui a bouclé sa stratégie pour entamer l'autoroute menant vers le palais de Carthage. Il ne sera pas le seul à pleurer son fils, ils seront des millions à le faire. Son chagrin, il le cachera pour que d'autres le ressentent pour lui. De Khalil il fera une véritable égérie et tout un programme. Khalil ne sera que l'outil pour exécuter une vieille idée, une vieille ambition.

Cette idée germait dans la tête de Nabil Karoui depuis 2014, voire 2011. Nabil Karoui est convaincu d'une chose : celui qui manipule l'opinion détient le pouvoir. Il l'a dit et répété des dizaines de fois. En 2013, il ambitionnait déjà de devenir chef du gouvernement à la place de Ali Laârayedh. En 2014, il était aux premiers rangs dans la campagne de Béji Caïd Essebsi, il était à l'intérieur même de la machine qui a fait gagner Béji Caïd Essebsi. Alors pourquoi des gens qu'il estime nettement moins compétents réussissent à devenir ministres, députés, conseillers et pas lui ? A vrai dire, Nabil Karoui n'ambitionnait pas de devenir ministre et encore moins conseiller. Nabil Karoui est l'associé de Silvio Berlusconi et celui qui fréquente les plus hauts dirigeants du monde allant de Bill Gates (patron de son époux Salwa Smaoui qui dirige l'antenne régionale de Microsoft) à Hillary Clinton en passant par François Fillon et autres. Du terrain, il sait faire, mais en mieux. Un parti, il sait créer, mais en mieux. C'est bien lui qui était aux premières loges en 2012 à la création de Nidaa. De la politique, il sait faire, mais en mieux. C'est bien lui qui était aux premières loges en 2013 à la conclusion du Pacte de Paris entre Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi. Un pacte qui a fait éviter au pays une petite guerre civile. De la communication, il est tout juste le meilleur. De la télé, il a prouvé qu'il est imbattable. Alors s'il réunit toutes ces compétences, il ne peut que réussir. Il lui reste la stratégie. Elle sera dessinée en 2016.
Tous les chemins mènent à Rome. Sans aucun doute, Nabil Karoui s'est beaucoup inspiré de son associé Silvio Berlusconi, ancien président du conseil italien. Il appliquera la même devise, tous les chemins mènent à Carthage et il choisira les plus éloignés. Comme quelqu'un qui dresse une carte routière des chemins les plus reculés, il est allé où aucun homme politique n'est allé auparavant pour distribuer des vivres et des pâtes aux plus nécessiteux. Un seul slogan, « yarham Khalil » (paix à l'âme de Khalil) fera le tour de la Tunisie. Un slogan répété cent fois par jour sur sa chaîne Nessma depuis le studio « Khalil ». A partir de ce studio, il fait appel aux donateurs pour distribuer des aides aux plus nécessiteux. Tout est filmé. Ceux qui donnent, mais surtout ceux qui reçoivent. Un nécessiteux qui reçoit des vivres, cela se fait partout depuis la nuit des temps. Un nécessiteux qui reçoit des vivres et trouve son problème exposé sur la première chaîne du pays, cela ne s'est jamais fait. Pas avec cette intensité du moins. C'est fait, il a dix millions de Tunisiens qui savent que Khalil est mort et que Nabil est un père inconsolable. Sa sincérité ne laisse aucun doute et on ne peut pas ne pas être sincère. On ne peut pas, non plus, ne pas avoir de l'empathie pour un père dont l'unique fils est mort. Il ne lui restait plus maintenant qu'à séduire une majorité de personnes de telle sorte à ce qu'ils aient de la sympathie pour lui et transforment cette sympathie en intention de vote puis en vote.
Février 2019, Nabil Karoui est à la tête de sondages maintenus confidentiels par les instituts. Mission accomplie. On pourrait dire, jusque là, que le populisme rapporte. C'était sans compter ses détracteurs. Des détracteurs qui n'ont hélas que très peu de culture politique et de culture tout court à leurs compteurs.

Les premiers à s'apercevoir du travail sous-marin de Nabil Karoui sont les Américains. Pas les Américains officiels, mais les cow-boys et yankees de George Soros qui ont mis leur doigt dans la révolution ukrainienne, les remous géorgiens ou encore les manifestations russes. Néo-colonialisme à l'état pur, George Soros charge son antenne tunisienne de faire le sale boulot, sous le slogan de « lutte conte la corruption ». L'antenne s'appelle I Watch, officiellement filiale de Transparency International en Tunisie. Elle dépose dès 2016 une plainte officielle auprès du Pôle judiciaire financier pour fraude fiscale et blanchiment d'argent. Ça reste à prouver, car Nabil Karoui déclare avoir agi en règle en ce qui concerne le blanchiment d'argent et appuie ses dires par des preuves. Il ne sera poursuivi, d'après les éléments en notre possession, que pour la fraude fiscale. Un sport national et on a deux candidats à la présidentielle qui ont été épinglés par les services fiscaux, mais qui n'ont fait l'objet d'aucune plainte, ni par le parquet, ni par I Watch.
Les Tunisiens savent et laissent faire, Nabil Karoui étant le « protégé » de Béji Caïd Essebsi. Seul le chef du gouvernement Youssef Chahed a vu le danger venir et ce fin avril 2018, c'est-à-dire deux mois après la sortie des premiers sondages montrant Karoui premier.
Pour contrer le Lion (le lion étant l'emblème du parti de Nabil Karoui), il met à la disposition de la Haica (Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle) les forces publiques afin d'exécuter, de force, une vieille décision de fermeture de Nessma, la chaîne télévisée de Karoui. La chaîne ferme pour quelques jours, mais rediffuse de nouveau après une très grosse polémique. Youssef Chahed recule et adopte une autre stratégie.
Mai 2019, Nabil Karoui apparait publiquement pour la première fois dans les sondages. Et quand Youssef Chahed a entamé sa deuxième stratégie, il a trouvé une forte opposition de la part d'une partie de l'opinion publique et … du président de la République. Il voulait réformer le code électoral et a rajouté un article à effet rétroactif pour barrer la route à Nabil Karoui. C'est l'effet rétroactif qui scandalise les observateurs jaloux de préserver la démocratie et l'Etat de Droit.
La stratégie tombe à l'eau, Béji Caïd Essebsi refuse de signer la nouvelle loi, la campagne électorale a commencé, les dés sont jetés, rien ne va plus, comme on dit au casino. Surtout, l'affaire est devenue publique, ce qui complique davantage la position de Youssef Chahed qui a brillamment réussi à diviser son camp et sa famille politique et à perdre toute la sympathie durement gagnée tout au long de sa présidence du gouvernement, trois ans durant. Ce dernier point, il ne l'a jamais vu, il était dans le déni absolu. Ceux qui lui conseillent de changer de tactique sont qualifiés de vendus ou d'idiots. Ce déni, il le paiera cher, car ses plus proches amis ont refusé catégoriquement de devenir complices de cette attaque en bonne et due forme du processus démocratique.

Youssef Chahed n'a pas beaucoup de culture politique, ne connait pas grand-chose au casino, mais il ne sait pas lire non plus. D'ailleurs, en ses moments de repos, on ne le voit jamais avec un livre, mais plutôt avec un téléphone portable regardant ce qui se passe sur Facebook. Il est donc difficile de croire qu'il ait un jour lu « L'Art de la guerre » de Sun Tzu, la bible de tout guerrier qui se respecte. Il ignore, de ce fait, qu'un lion tu dois le tuer et non le blesser. Or Youssef Chahed n'a pas tué Nabil Karoui, il l'a juste blessé. Plutôt que d'aller voir ailleurs, il s'est entêté à continuer à le poignarder, alors que tout le monde lui répétait « arrête ! ». Il entame son troisième coup, l'appareil judiciaire, par des moyens qu'on ignore, en faisant bouger la vieille affaire d'I Watch. Le juge d'instruction chargé de l'affaire ne marche pas et prend le risque d'affirmer son indépendance. Il n'inculpe pas Nabil Karoui, il n'émet pas de mandat de dépôt, il se suffit juste de lui interdire le voyage et de lui geler les avoirs. Insuffisant pour Youssef Chahed, il veut plus. Le dossier passe devant une chambre de mises en accusation afin d'être examiné sur demande de la défense. Curieusement, une première d'après les magistrats, au lieu de rejeter la demande de levée de gel et d'interdiction, elle décide d'émettre un mandat de dépôt. D'habitude, ce genre de recours ne peut que mener à des décisions allant dans l'intérêt du prévenu et non l'inverse. Les rumeurs se font florès, dans le milieu des magistrats, on parle de juges non spécialisés qui n'étaient là que pour la permanence et non pour examiner ce type de dossiers.
La suite est juste ridicule, Nabil Karoui est arrêté en pleine autoroute alors qu'il rentrait d'un meeting électoral par des agents de police, des agents de la garde nationale et des agents en civil. C'est juste incohérent par rapport aux règles en la matière, on ne peut pas être arrêté à la fois par la police et la garde nationale. Les journalistes accompagnant le candidat sont empêchés de filmer l'arrestation en violation flagrante du code de la presse. D'après le candidat lui-même dans une lettre envoyée depuis sa prison, l'autoroute aurait été fermée pour assurer cette arrestation et il aurait été agressé verbalement et physiquement, sans qu'on lui présente le mandat de dépôt. Faut-il davantage pour voir la main du chef du gouvernement/candidat dans tout ça ?
Résultat des courses, le lion blessé attire l'empathie de son public original populaire, mais désormais d'un large pan de la société et des observateurs.
Alors qu'il était traité de mafieux jusque là, il est désormais victime. Mieux encore, comme le dit si bien son épouse Salwa Smaoui, il est un prisonnier politique puisqu'il répond à la définition technique du terme. Ce n'est plus une question de sympathie et de défense de la République et de l'Etat de droit, c'est de justice qu'il s'agit. Sans rien faire, juste parce qu'il est victime d'une cabale politico-judiciaire injuste lancée par des Américains et exécutée par le gouvernement tunisien à des fins exclusivement personnelles, Nabil Karoui a réussi à glaner des centaines de milliers de voix ce dimanche 15 septembre 2019.
Youssef Chahed a perdu, il sort par la petite porte. Tout au long de ces derniers mois, il était dans le déni total refusant tous les conseils donnés par ses amis (les vrais), ses conseils (les vrais) et ses proches (les vrais). Youssef Chahed a été frappé par le syndrome du pouvoir, par un ego démesuré et par sa totale déconnexion de la réalité. Il est pour grand-chose dans la victoire de Nabil Karoui ce dimanche ! Il aurait lu Sun Tzu, il n'en serait pas là !


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