45,2% est le taux de participation au vote enregistré à la clôture des bureaux aujourd'hui, dimanche 15 septembre 2019, contre 62,9 % au premier tour de la présidentielle de 2014. Le désintérêt - pour ne pas dire le dégoût - des Tunisiens s'explique aisément par le résultat de ce premier tour. Nabil Karoui et Kaïs Saïed. Sombre tableau. Un schéma qui donne des sueurs froides à de très nombreux Tunisiens ayant encore foi en la démocratie. Populisme vs conservatisme. Le choix ne sera pas simple et ne se fera pas sans larmes et sans douleur.
Les Tunisiens ont été très peu nombreux à sortir voter aujourd'hui pour élire leur futur président. Le deuxième élu démocratiquement après Béji Caïd Essebsi en 2014. Même en ce premier tour, et alors que 26 candidats se disputaient le titre tant convoité de locataire du palais de Carthage, rares ont été ceux qui ont réussi à créer un mouvement de masse et à fédérer autour d'eux. Quelques candidats se distinguaient et avaient des programmes qui méritaient que l'on s'y intéresse, mais aucun de ces profils n'a mérité de braver l'abstentionnisme, de constituer un vote convaincu ni de se frayer un chemin sûr vers la magistrature suprême. Lorsque, 8 ans après une révolution, et alors que le pays construit – doucement mais sûrement – les bases d'une démocratie solide et pérenne, les citoyens ne trouvent pas de meilleur choix que de se réfugier dans le conservatisme ou le populisme, c'est que quelque chose a forcément foiré. Lorsqu'ils préfèrent se jeter dans les bras de l'inconnu que d'élire une personne qui les a déjà gouvernés, c'est qu'il y a un problème quelque part. C'est qu'une rupture existe et qu'elle est importante.
La démocratie telle qu'on a essayé de la dessiner depuis 2011, dans le sang et les larmes a échoué. Non pas que ses mécanismes ne fonctionnent plus, nous avons encore une constitution digne de ce ce nom, malgré les (nombreuses) lacunes et il n'y a pas lieu de remettre en question la transparence de nos élections. Mais le choix des électeurs fait froid dans le dos. Que le vote vengeance triomphe dans le but de punir certains, est un aveu d'échec sans équivoque. Que les électeurs se reconnaissent dans l'antisystème uniquement pour punir le système en place ; qu'ils préfèrent sanctionner ceux qu'ils connaissent et en qui ils n'ont plus confiance, quitte à choisir des menteurs, des incapables, des personnes à la morale douteuse et des populistes invétérés pour nous gouverner ; qu'ils s'identifient à des candidats comme Lotfi Mraihi, Seifeddine Makhlouf, Safi Saïd…pour au final élire Kaïs Saïed et Nabil Karoui.
L'échec de la démocratie a fait que les citoyens s'intéressent à la politique en grande partie pour sanctionner. Qu'ils élisent un président sans même comprendre ce pourquoi il a été élu et le sens même de son discours. Sans savoir s'il dit vrai ou s'il se fout allégrement de la gueule du monde.
Mais il ne faut certainement pas mettre cet échec sur le dos des citoyens. Il s'agit du naufrage de générations de politiques qui n'arrivent plus à donner confiance, à fédérer et à unir. Sans doute que des candidats comme Youssef Chahed, Mehdi Jomâa, Mohsen Marzouk, Abdelkarim Zbidi, Elyes Fakhfakh ou Saïd Aïdi auraient peut-être pu faire, dans le fond, de bons présidents, mais ils ont clairement échoué. Echoué à devenir les présidents de tous les Tunisiens. Non les Tunisiens ne sont pas stupides, incultes et idiots comme le dirait si bien Moncef Marzouki sur Al Jazeera. Mais oui ils n'ont que les gouvernants qu'ils méritent. Et ils devront les supporter pour 5 ans.