L'arrestation du candidat du parti « Au cœur de la Tunisie » à l'élection présidentielle, Nabil Karoui, avait suscité la polémique. Durant cette période, les analystes politiques s'étaient tout simplement contentés de commenter et de critiquer le timing de l'arrestation et avaient tout bonnement oublié d'analyser son programme électoral et ce qu'il pouvait apporter aux Tunisiens, si jamais il gagnait la présidentielle. L'absence de Nabil Karoui dans cette course présidentielle avait été fortement ressentie par les dirigeants et les militants de son parti ainsi que par certains de ses adversaires à cette magistrature suprême. En raison de son incarcération pour les besoins de l'enquête dans une affaire de blanchiment d'argent et de corruption, Nabil Karoui n'avait pas présenté son programme électoral aux Tunisiens en sillonnant tout le pays comme l'avait fait ses adversaires. C'était son équipe de campagne et son épouse Salwa Smaoui qui avaient fait ce boulot à sa place. Et malgré cette absence « ressentie dans les rangs de Au cœur de la Tunisie » comme l'avait affirmé à maintes reprises les dirigeants de ce parti, Nabil Karoui a réussi, au premier tour de la présidentielle, à récolter 525517 voix des électeurs, soit 15,5%, selon les résultats préliminaires annoncés, hier, mardi 17 septembre 2019, par l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie).
Son programme électoral comprend 5 axes : lutte contre la pauvreté, sécurité nationale, diplomatie, initiatives législatives et institutions relevant de la présidence de la République. La lutte contre la pauvreté, affirment les dirigeants de « Au cœur de la Tunisie », est une priorité absolue. Nabil Karoui, une fois qu'il a remporté la présidentielle, prévoit de mettre en place, dans les premiers 90 jours de son mandat présidentiel, un Pacte national contre la pauvreté. Cette initiative législative présidentielle est un plan d'action urgent visant à subvenir aux besoins des plus démunis (nourriture, transport, logement et santé). Les organisations nationales, à savoir l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap) et l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica), seront appelées à élaborer et à signer ce pacte.
En ce qui concerne de la sécurité nationale, le candidat au second tour prévoit de créer un organisme central unifié pour consolider l'information et les renseignements (armée, intérieur, douane) doté d'un comité de commandement unique ainsi que de consolider la coordination avec certains pays dans la lutte contre le terrorisme. Le concept et la stratégie de « Sécurité nationale globale » sera développé en incluant plusieurs secteurs stratégiques (eau, santé, énergie, sécurité alimentaire, savoir, etc) en tant que facteur de cohésion social et de stabilité. Une académie internationale de formation de forces d'élite et de forces antiterroristes sera créée et supervisée par des experts tunisiens au profit des pays arabes et africains.
Selon l'article 77 de la Constitution, le président de la République détermine la politique étrangère de la Tunisie. Pour cela, le candidat Karoui s'engage à ce que la diplomatie économique devienne plus efficace : augmenter le nombre de compétences en économie, commerce et marketing dans l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères ainsi que dans les différentes ambassades et représentations diplomatiques à l'étranger et redéployer la diplomatie économique à travers le rapprochement des différentes structures de représentations économiques à l'étranger. Une initiative internationale pour l'établissement d'une Organisation des Nations Unies pour la lutte contre les inégalités régionales (ONULIR) basée en Tunisie sera créée. Elle contribuera à renforcer le rayonnement de la Tunisie à l'échelle internationale.
La question des libertés individuelles et du statut de la femme a été abordée dans le programme électoral de Nabil Karoui. Ce dernier prévoit, en cas de victoire, de faire appel à des experts en Droit constitutionnel pour mettre en place une initiative législative destinée à harmoniser les lois et les décrets en vigueur tout en respectant les dispositions de la Constitution. L'Institut national de la Statistique (INS) sera renforcé par de nouvelles compétences pluridisciplinaires, son budget sera doublé et son indépendance sera garantie. Idem pour l'Institut d'études quantitatives (ITCEQ). D'ailleurs, dans le programme électoral de ce parti, une structure quantitative par objectifs dont la mission sera d'évaluer les progrès des politiques publiques, des projets et des secteurs stratégiques ainsi que leur conformité aux normes sera mise en place au sein de l'INS. Des unités de recherche et d'études spécialisées dans les nouveaux secteurs, notamment l'intelligence artificielle, l'économie numérique et la cyber sécurité afin de développer des études sectorielles stratégiques à moyen et à long terme utilisables par le gouvernement dans l'élaboration de ses plans et programmes.
Reste à savoir maintenant si la classe politique et particulièrement les candidats à l'élection présidentielle qui ont été évincés au premier tour soutiendront ce programme électoral et appelleront les électeurs à voter en faveur de Nabil Karoui. A l'heure actuelle, quelques dirigeants islamistes et conservateurs ont affiché leur soutien à Kaïs Saïed, notamment Ameur Laârayedh et Ajmi Lourimi. Idem pour Hamadi Jebali, Lotfi Mraihi et Hechmi Hamdi. Nidaa Tounes, dont Nabil Karoui était l'un des fondateurs en 2012 (son groupe Karoui&Karoui avait pris en charge la campagne électorale présidentielle de Béji Caïd Essebsi), ne s'est toujours pas prononcé sur ce sujet. Les anciens dirigeants de ce parti, qui rappelons-le avaient présenté leur candidature à cette élection présidentielle, ne se sont toujours pas prononcés. Une question se pose ici : La famille démocrate va-t-elle soutenir publiquement Nabil Karoui dans le second tour de la présidentielle prévue dans les prochaines semaines ?