Les législatives sont prévues ce dimanche. Plus que 5 jours avant le scrutin fatidique et les Tunisiens se chamaillent encore pour savoir s'ils vont voter Kaïs Saïed ou Nabil Karoui. C'est comme si un tsunami vous fonçait droit dessus alors que vous, vous êtes occupés à épargner pour votre retraite. Dans l'esprit collectif, le Tunisien reste plus émoustillé par la présidentielle que par les législatives. Vestiges d'un temps révolu. Vestiges que certains utilisent encore pour noyer le poisson et faire diversion. Dans 5 jours, on saura qui composera le futur parlement. Qui décidera des lois à voter, qui donnera sa confiance au futur gouvernement et qui composera ce gouvernement et le présidera. Rien que ça. Et pourtant, la campagne pour les législatives se fait timide, le nombre de listes aux noms inconnus et saugrenus bat des records et les électeurs ignorent tout – ou presque – de ce que les futurs députés proposent dans leurs programmes.
Hier, premier jour des débats pour les législatives. Un tirage au sort a fait que la représentativité des candidats participant à la « Route vers le Bardo » n'a pas reflété fidèlement la réalité du paysage politique. Mais qu'importe, les réponses aux questions posées ce jour-là prouvent que, pour nombreux, ce n'était pas vraiment la peine de faire le déplacement. Méconnaissance totale des sujets et même des notions, aucune maîtrise des dossiers et propositions souvent farfelues et dénuées de tout fondement. Les futurs députés semblent, pour une partie d'entre eux du moins, ne pas faire la différence entre un conseil municipal et une assemblée des représentants du peuple. De nombreux futurs députés estiment que ça ne sert à rien de connaitre des notions économiques pourtant basiques, puisqu'il leur suffit d'être « intègres et honnêtes ». Comme si toutes les personnes intègres et honnêtes devaient prétendre à devenir députés. Comme si l'honnêteté était devenue une denrée tellement rare qu'elle permet – à elle seule – de vous ouvrir les portes du parlement. Tout ça pour ça.
Indépendamment des débats qui, pour les législatives, n'intéressent pas grand monde, les candidats qui siègeront au parlement dans quelques semaines ne seront certes pas ceux qui répondront mieux aux questions. Qu'importe ce que les futurs députés pensent de l'accord sur l'Aleca, qu'importe qu'ils sachent ce qu'est la bonne gouvernance ou une balance commerciale. Pourvu qu'ils soient « intègres » et « honnêtes », n'arrêtent-ils pas de clamer. C'est le plus important, au diable les compétences devenues désuètes face à des discours à s'arracher les cheveux de populisme. Intègres et honnêtes, le sont-ils vraiment ? La configuration du prochain parlement est à donner des sueurs froides et des cauchemars aux plus avertis des observateurs politiques. A l'heure actuelle, les anarchistes et autres populistes auront la part du lion. Ou du moins une partie beaucoup trop importante vu ce qu'ils comptent faire de leurs postes de députés. Tous ne sont certes pas blancs comme neige. Tous ne sont pas des citoyens intègres remplis de bonnes intentions et de projets nobles pour le pays. Ces mêmes personnes qui siègeront au parlement sont celles qui veulent cracher sur des partenariats stratégiques que le pays a sué pour conclure depuis des années. Ce sont ceux qui veulent faire de l'économie en se basant uniquement sur « la volonté populaire » et non sur l'avis des experts. Ce sont ceux qui font des promesses abracadabrantesques pour promettre monts et merveilles à des citoyens divisés. Ce sont ceux qui adoptent des discours de vengeance et de division.
Ce sont aussi ces anarchistes qui ne savent pas ce qu'ils font concrètement, mais qui veulent tout simplement prouver que le système, tel qu'on l'a connu, a échoué et que eux, ils peuvent faire mieux. Mieux comment ? On l'ignore. Eux aussi l'ignorent d'ailleurs, et c'est bien là le problème…