Bon ! Oui, il était bon hier Elyes Fakhfakh. Bon, humble, convaincant et assez rassurant. On attend la suite pour confirmer (on l'espère) tout cela et on s'arrête là. Youssef Chahed a aussi été bon à son démarrage et à sa vraie-fausse guerre contre la corruption. N'empêche, il faudrait l'aider et ne pas le laisser seul face aux parasites de l'Assemblée et l'imprévisible de Carthage. En dépit de la virulence de la crise, qui touche la planète entière, la Tunisie (14 décès) s'en tire bien comparativement à ses voisins du nord, l'Italie (13915 décès) et la France (5387 décès) et même ses voisins de l'ouest, l'Algérie (86 décès) et le Maroc (47 décès). Au sud-est, il n'y a même pas de données. L'optimisme est de mise et on doit penser, dès maintenant, à l'après corona-19 et ses conséquences. Quelles leçons tirer de cette crise, que peut-on corriger ? Sur le plan économique, il y a à boire et à manger, on en a parlé des dizaines de fois et on en reparlera certainement en notre qualité de journal orienté politique et business. Sur le plan social, le topo est connu et fait l'objet des sujets de prédilection des tabloïds populaires et hommes politiques populistes. Sur le plan sanitaire, le constat est connu de tous, mais rien n'a été fait depuis des années. En 23 ans de celui qu'on qualifie tout le temps de despote et dictateur Ben Ali, la Tunisie a eu droit à une bonne vingtaine d'hôpitaux, d'hôpitaux militaires et de CHU et des dizaines de dispensaires, sans parler de la réfection de dizaines d'établissements de santé construits sous l'autre « despote » Habib Bourguiba. En dix ans de révolution de la dignité, la Tunisie a eu droit à … zéro hôpital ! Voilà le constat ! Les CPR et autres islamistes qui trouvent du plaisir à nous insulter, nous autres défenseurs d'une République laïque, devraient s'interroger sur ce qu'ils ont fait pour ce pays à part prendre l'argent de la compensation et plomber l'Etat par des milliers de fonctionnaires.
De ce confinement obligatoire et de ce coronavirus, on devrait tirer plein de leçons dont la première est la nécessité urgente de passer au tout numérique à commencer par l'Enseignement, la Justice, l'Intérieur et la Santé. Les établissements liés à l'Etat demeurent moyenâgeux par rapport au privé et c'est eux qui ont pâti le plus de la Révolution. Il faut également donner accès à tous aux technologies, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui. Les établissements scolaires et universitaires ont bien envie aujourd'hui de reprendre les cours, mais ceci leur est impossible à cause des problèmes d'équipement et de connectivité des élèves et étudiants. On peut dire ce qu'on veut de Ben Ali, qu'il a été despote, dictateur, voleur, mais il est impératif de relancer « ses » programmes de l'ordinateur pour tous et de l'internet partout. Il raisonnait en Etat, lui ! Je n'apporte rien de neuf et il est facile de dire « il faut, il faut », surtout quand il s'agit de constats établis par tout un chacun, ce qu'on attend en général d'un chroniqueur, c'est d'établir des constats difficiles à voir et/ou de proposer des solutions concrètes que les politiques ne proposent pas. J'y arrive.
Au cours des 23 ans de Ben Ali (1987-2010), la Tunisie a construit des dizaines d'hôpitaux et établissements de santé contre zéro durant les années révolution (2011-2020). Au cours du dernier trimestre 2019, la Tunisie a vu construire 25 nouveaux lieux de culte (chiffre officiel du ministère des Affaires religieuses). Vingt-cinq ! Certains de ces lieux de culte sont de véritables palais dont l'Etat et le contribuable ont la responsabilité de la prise en charge. Ces moquées et lieux de culte, l'été, consomment des centaines de milliers de dinars en électricité, car les fidèles y crèchent pour profiter de la climatisation gratuite. Certains s'interrogent si ces lieux de culte paient la Steg et je peux vous donner la réponse, elle est négative. Les agents de la Steg courent pour couper l'électricité à un hôtel ou une usine, qui emploie des centaines de personnes, mais jamais un agent de la Steg n'osera couper l'électricité à une mosquée. Il ne s'agit nullement d'un pamphlet anti-religion, loin de là. Nous nous devons d'avoir des mosquées, nous nous devons de protéger l'islam, religion de la majorité de ce peuple, mais nous en faisons trop, trop, trop ! A-t-on vraiment besoin de 1284 lieux de culte et 6099 mosquées (chiffre officiel du ministère des Affaires religieuses arrêté au 31 décembre 2019) dans un pays de dix millions d'habitants ? A-t-on besoin de payer plus de 600 cadres religieux ? Jusqu'en 2010, la Tunisie comptait, pour sensiblement le même nombre d'habitants, 3595 mosquées. Nous avons construit en neuf ans presque autant de mosquées que la période 1900-1999. Oui, je ne blague pas, je vous livre ici les chiffres officiels du ministère tunisien des Affaires religieuses, nous avons construit en neuf ans, depuis la révolution, 2509 mosquées alors que nous avons construit 2710 mosquées en cent ans entre 1900 et 1999.
A quoi servent les mosquées à part réunir des fidèles dont l'objectif est de s'approcher du bon Dieu ? Quelle valeur ajoutée rapportent-elles ? Pourquoi moi contribuable devrai-je mettre de ma poche de l'argent pour que mon compatriote aille au paradis ? Et que moi-même contribuable ne trouve pas d'hôpital digne de ce nom pour soigner mon parent ni d'une université digne de ce nom pour enseigner mon enfant ? Quelle est notre priorité en tant qu'Etat et en tant que peuple ? Une place au paradis pour les pieux parmi nous ou de bons soins et une bonne éducation pour nous tous ? C'est cette priorisation qui fait défaut ces dix dernières années à cause d'une série de gouvernants aux compétences dérisoires et à la vision réduite. On se doit de nous arrêter sur nos priorités au lendemain de cette crise du coronavirus pour nous regarder en face et en tirer les conséquences. Il faut que nos gouvernants disent, « ça suffit avec ces dons pour construire des mosquées, allez plutôt construire des hôpitaux, des hospices et des établissements universitaires ! Il faut que l'on cesse avec le mystique et le spirituel et réfléchir au productif et la valeur ajoutée ! Réfléchissez à l'au-delà tous seuls, nous avons été élus pour réfléchir à l'ici bas ! Nous avons été élus pour votre confort sur terre et non pour vous éviter une place en enfer, nous avons été élus pour les prochaines générations et non pour votre prochaine destination après la mort ! » Aucun homme politique depuis dix ans n'ose dire cela ! Même pas les pseudo-porteurs de l'héritage bourguibiste dont l'essence de la politique est portée par ce discours.