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Quand stoppera-t-on l'anarchie ?
Kairouan— PATRIMOINE DELAISSE
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 05 - 2018

Le circuit touristique est enlaidi par les poubelles, les déchets provenant de matériaux de construction et les étalages anarchiques.
Kairouan occupe une place privilégiée dans le cœur des Tunisiens après la Mecque et Médine. Héritière du premier campement en Ifriqiya des conquérants musulmans, elle fut capitale, royale puis ville sainte. En outre, Okba Ibn Nafaâ, le conquérant du Maghreb, qui fonda Kairouan en 670, a été tellement inspiré par les prédispositions stratégiques de cette ville sainte qu'il pria Dieu de la bénir et de la préserver jusqu'à la fin des temps.
D'ailleurs, Kairouan fut à son heure de gloire une capitale du savoir vers laquelle se tournaient les savants du Maghreb et du Machreq qui désiraient se perfectionner dans divers domaines, dont la philosophie, la poésie, la médecine et les mathématiques. Et sa consécration comme Capitale de la culture islamique pour l'année 2009 a été l'occasion de lui restituer ses titres de noblesse et de lui revigorer ses fonctions de pôle culturel et islamique.
Et comme la ville figure depuis 1988 sur la liste du patrimoine mondial établi par l'Unesco, plusieurs actions de restauration ont été entreprises pour rénover les monuments historiques et la multitude de coupoles blanches disséminées entre les terrasses et qui signalent des tombeaux de saints musulmans et de zaouias. Et parmi ces grands projets qui ont métamorphosé les monuments, les souks, les maisons et les ruelles qui restent encore un éloquent témoignage du prestigieux passé de Kairouan, on pourrait évoquer celui qui concerne la réhabilitation de tout le circuit touristique au sein de la médina entamé à la mi-2014 et achevée au printemps 2017. D'un coût de 4,8 MD, cette opération a été financée par l'Etat tunisien, l'AFD (Agence française de développement) et la BEI (Banque européenne d'investissement) a concerné les travaux d'infrastructure (enfouissement de 8.000 mètres linéaires de réseau téléphonique et électrique, rénovation de 284 points lumineux, rénovation de voirie sur 28.000 m2 et le ravalement d'environ 20.000 m2 de façades (enduits, éléments de menuiserie harmonisés, auvents, fers forgés aux fenêtres, descentes pluviales).
En outre, le tracé de ce projet couvre une zone à forte attractivité commerciale et touristique surtout à la rue principale du souk et à la place El Bey.
Malheureusement, on constate que le suivi de ce projet et de beaucoup d'autres n'est pas assuré, d'où la déception des citoyens.
Ainsi, tout le circuit touristique est enlaidi par les poubelles, les restes des matériaux de construction et les étalages anarchiques de pacotille, de fripes et de produits made in China. D'ailleurs, des fripiers installés juste à côté de l'école d'Ibn El Jazzar à la Rahba se sont disputés récemment et blessés à l'arme blanche tout en proférant des insultes et des mots grossiers, ce qui a provoqué la panique des élèves, des enseignants et des passants.
D'où le ras-le-bol des citoyens qui souhaiteraient qu'on leur aménage d'autres espaces qui ne soient pas dominés par des foyers de banditisme et d'insécurité.
Témoignages
M. Adel Nagati, professeur et journaliste, a accueilli récemment une délégation d'intellectuels irakiens qui désiraient découvrir les charmes de la vieille ville ayant conservé son cachet arabo-islamique, a dû se contenter de leur faire visiter la grande mosquée Okba, le musée des arts islamiques de Rakkada, les bassins des Aghlabides et la zaouia de Sidi Sahbi. «Franchement, je n'ai pas osé les emmener flâner au sein des souks et du circuit touristique à cause des poubelles, des vieilles boutiques servant de dépôts, des maisons en ruine envahies par les scorpions et les détritus surtout à la placette Jraba. En outre, beaucoup de petites et belles mosquées risquent de s'écrouler à tout moment vu leur vétusté. Enfin, beaucoup de regards sont sans tampons, ce qui représente un vrai danger aussi bien pour les piétons qui peuvent ne pas les voir que pour les automobilistes qui peuvent s'y engouffrer. Ces regards d'un autre âge devraient être bouchés, une fois pour toutes!», nous confie Adel Nagati.
Quant à M. Salah Mabrouk, tisserand depuis 1966 à la placette Jraba, restaurée il y a quelques années pour un budget de 400.000D, il est fatigué de voir l'état de délabrement de la vieille ville : «J'en ai marrée de voir ces tas d'ordures, ces murs enlaidis par les graffitis, ces odeurs nauséabondes dues au manque d'entretien des différentes placettes. Et même la commune qui a démoli une vieille maison qui risquait de sécruler sur les passants, n'a rien fait pour nettoyer l'endroit envahi par toutes sortes d'ordures et de scorpions. Aujourd'hui, à l'âge de 72 ans, je me sens déprimé car même mon fils ne veut pas prendre la relève car il trouve que le tissage dans un endroit aussi sale est équivalent à des travaux forcés!».
M. Slah Ben Yahia, marchand de légumes et de fruits, renchérit : «A cause du laisser-aller des responsables à tous les niveaux, notre vie et notre métier deviennent menacés à cause de ces arcades qui risquent de s'écrouler à tout moment vu leur état de délabrement. En outre, les travaux de revêtement en pierre taillée n'ont pas été bien faits dans ces ruelles, puisqu'ils sont plus hauts que le niveau des maisons. Ce qui fait que dès qu'il pleut, nous sommes envahis par les eaux...»
A quand la fin des travaux de la midha?
Les travaux de construction d'un bâtiment moderne pour les ablutions (midha) juste à côté de la Grande mosquée continuent de traîner pour diverses raisons.
En effet, comme le premier entrepreneur a bâclé les finitions et a utilisé des matériaux de piètre qualité, son contrat a été résilié et on a dû démolir les locaux qu'il a construits et tout refaire de nouveau.
Notons que le coût de cet important complexe s'élève à 420.000D et comprend un rez-de-chaussée avec des locaux séparés pour les femmes et les hommes et un premier étage avec des blocs sanitaires pour hommes et femmes. Or, jusqu'à aujourd'hui, seuls le premier étage et les locaux du rez-du-chaussée pour hommes sont prêts à accueillir les visiteurs et les citoyens nombreux à venir tous les soirs pour les prières des Trawihs.
Quant aux femmes dont les locaux ne sont pas encore réalisés elles seront autorisées à utiliser les blocs sanitaires du premier étage, normalement prévus pour les invités.
Par ailleurs, on attend toujours le démarrage de la restauration de la Grande Mosquée, surtout l'électrification et au niveau des terrasses couvrant une superficie de 4.000m2 et qui connaissent de sérieux problèmes d'infiltration d'eau de pluie au niveau des dalles.
Des souks abandonnés
A Kairouan, il y a de vieux souks qui portent allègrement leurs sept siècles d'existence, chacun semble assailli par les richesses de son passé. Les souks El Majel, pour ne citer que ceux-là, faisaient partie d'une zone marchande et industrielle liée au tannage qui florissait dans la région de Kairouan depuis le XIIIe siècle grâce à l'élevage bovin dans les agglomérations environnantes. Ces souks datent donc de l'époque hafside et ont été construits sur des citernes qui servent à la récupération des eaux de pluie. Cet ensemble architectural, où la fabrication des kobkab avait un grand succès, est tombé dans les années 1900 en désuétude. Depuis, plusieurs restaurations ont été entreprises, ce qui a permis de sauver ces lieux. Et en 2015, 14 boutiques ont été aménagées par l'Isam (Institut supérieur des arts et métiers de Kairouan) pour héberger les diplômés du supérieur, désireux de créer un atelier artistique avant leur installation dans d'autres locaux au sein de la Médina.
Néanmoins, de nos jours, souk El Majel est de nouveau tombé dans l'obscurité et la marginalisation et toutes ses 72 boutiques reliées par des voûtes en berceau sont fermées...
Le mausolée de Sidi Sahnoun mérite plus d'entretien
Ayant connu d'importants travaux de rénovation et de restauration ayant permis de mettre en exergue l'importance de la surélévation du monument menacé par les crues et la montée de la nappe phératique ainsi que l'édification d'une coupole sur trompes, le mausolée Sidi Sahnoun, le plus grand jurisconsulte malékite dans le Maghreb, est visité par de nombreux Tunisiens de différents gouvernorats. Néanmoins, ce mausolée a connu beaucoup de problèmes au niveau de l'électrification défectueuse et des ampoules hors d'usage, de regards débordés et de murs lézardés et suintant d'humidité. C'est pourquoi les agents de l'INP ont entrepris, en 2017, des travaux de rénovation au niveau du premier étage. Espérons que ces travaux intéresseront également le rez-de-chaussée dont l'état laisse à désirer.
A côté de cela, la mosquée El Maâleq, vieille de 700 ans, constitue un inventaire du répertoire décoratif kairouanais avec son aura de majesté. Malheureusement, elle risque de s'écrouler à tout moment vu que les piliers qui la soutenaient au sein des boutiques du rez-de-chaussée ont été démolis par les propriétaires qui voulaient agrandir leurs locaux. Ainsi, de nombreuses fissures sont apparues sur tous les murs de ce beau monument situé en plein souk et au premier étage. Et vu la routine administrative et les expertises techniques très lentes, on a dû fermer cette mosquée au public. Même chose à la mosquée Abou Ghaleb dont les fissures externes et internes sont tellement béantes que les voisins sont pris de panique et voudraient que des mesures urgentes soient prises afin d'éviter une catastrophe. Il paraît que d'importantes fuites d'eau seraient à l'origine de cet état de délabrement, qui a débuté il y a trois mois. Mais là encore, il faut attendre les études et les expertises au risque de mettre la vie des citoyens en danger.
Et beaucoup d'infractions à Sabra El Mansourya
Située à deux kilomètres du centre-ville, Sabra Al Mansourya, la prestigieuse ville édifiée par l'Emir fatimide Al Mansour, n'est plus qu'une vaste étendue de terres où quelques vestiges sont encore visibles et quelques rares fragments de carafes en verre et de plats en argile sont dispersés ça et là.
Le reste de «la ville» qui s'étend sur 50 hectares est encore enseveli; notre souhait est de voir les responsables du patrimoine clôturer ces 50 hectares dans l'attente de l'exploration de leur sous-sol.
En effet, depuis 2011, beaucoup de citoyens indélicats, profitant du chaos de la révolution, n'ont pas hésité à envahir Sabra Al Mansourya pour y construire des logements anarchiques et aujourd'hui encore on continue de construire des villas jouxtant les anciens quartiers qui ont été créés de 2011 à 2017 par d'autres citoyens, encouragés par l'impuissance des responsables à tous les niveaux de prendre les mesures qui s'imposent pour stopper cette hémorragie, sachant que ces intrus ont pu avoir accès à l'eau potable et à l'électricité, alors que la commune avait signifié à leur égard des avis de démolition, mais qui n'ont jamais été exécutés.
C'est ce qui a poussé un citoyen en train de construire un 3e étage, qui a provoqué la colère et l'indignation de ses voisins, à intervenir sur Radio Sabra FM : «Je ne vois pas pourquoi on viendrait démolir mes étages vu que la municipalité n'a pas exécuté ses avis de démolition à l'encontre de plus d'une centaine de citoyens... Donc, chacun fait ce qu'il veut...».
L'ancienne synagogue est envahie par la végétation
Beaucoup de zaouias, de maisons traditionnelles et de lieux de culte, situés en plein centre de la médina de Kairouan, sont tombés en désuétude. D'où la décision du conseil municipal, en 2015, d'élaborer un projet pour leur restauration, et ce, avec la collaboration des institutions du patrimoine et de la mairie de Strasbourg, et ce, dans le cadre d'un protocole de jumelage établi entre les 2 villes. Parmi ces lieux de culte à rénover en vue de leur réaffectation en locaux culturels et associatifs, figure l'ancienne synagogue de Kairouan située rue Salah-Souissi (El Marr) et qui était fréquentée par un grand nombre de juifs qui vivaient en parfaite harmonie avec les Kairouanais, connus pour leur tolérance. Mais après 1967, on a enregistré une vague de départs successifs vers la France. Et le fils du rabbin de ce temple, Georges, qui dispose jusqu'à nos jours d'un domicile au centre-ville qu'il visite de temps en temps, a offert, dans les années 70, aux autorités tunisiennes cet édifice religieux afin d'être exploité comme école coranique. Mais vers les années 2000, ce koutteb n'était plus fonctionnel vu que le plafond de la grande salle s'était effondré. Cela a été suivi plus tard par le vol de meubles, de marbres, de portes et de carreaux de faïence. Seule la porte principale est restée intacte, mais l'intérieur n'est que ruines envahies par la végétation et les scorpions. Espérons que sa restauration ne tardera pas à se concrétiser.
Richesse décorative des maisons kairouanaises
La vieille ville de Kairouan est en train de perdre certaines de ses composantes architecturales, à l'exemple des portes cloutées, des encadrements sculptés et des fenêtres de type zlabia. C'est pourquoi l'ASM, en coopération avec le projet Montada, a entrepris, en 2012-2013, une action qui vise à restaurer certaines portes traditionnelles ou à en réaménager d'autres afin qu'elles retrouvent leur cachet d'antan.
Notons que la rénovation a consisté à dresser des encadrements sculptés qui s'inspirent du répertoire décoratif kairouanais avec des formes géométriques, des rosaces et des décors floraux stylisés dans la pure tradition ispano-mauresque ou ottomane. En outre, certaines portes ont été dotées de battants en bois avec un décor clouté formé d'arcades et de polygones feuilles d'iris. Cette action a concerné surtout l'habitat traditionnel et vise à embellir certains circuits de la médina, à perpétuer des traditions ancestrales et à sensibiliser les citoyens à la richesse décorative des maisons kairounaises.


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