Pas de festivals cette année. Les Tunisiens devront attendre l'année prochaine avant de pouvoir de nouveau savourer ces manifestations culturelles qui font le bonheur de plusieurs centaines de personnes. En cause, la pandémie Covid que le pays semble avoir dépassée, de l'avis des officiels, mais dont les répercussions perdurent. De quoi remettre une chape de plomb sur un secteur déjà fragile. « La fracture entre les hauts fonctionnaires et les entrepreneurs privés de ce pays n'a jamais été aussi criante », écrivait Mourad Mathari, créateur d'événements et co-fondateur du Syndicat tunisien libre des producteurs et organisateurs de spectacles (STLPOS), sur sa page Facebook en réaction à l'annonce du report, cette année, des festivals internationaux de Carthage et de Hammamet.
Très attendus cet été, les emblématiques festivals de Carthage et de Hammamet qui devaient apporter un vent d'air frais pour de nombreux Tunisiens - mais aussi touristes - après un confinement qui a duré deux mois, ont été annulés. Le 31 mai, le ministère des Affaires culturelles avait annoncé que les festivals de Carthage et de Hammamet n'auront pas lieu cette année et qu'ils sont reportés à 2021. Une décision qui a été prise à l'issue d'une réunion entre le ministère et la commission scientifique Covid-19. Mais en plus de ces deux festivals à portée internationale, plusieurs autres ont été annulés. « Sawt Al Marâa (la voix de la femme), le festival Ezzeddine Ganoun et le festival Batha sont aussi annulés cet été pour ce citer qu'eux, confie à Business News Tarek Lazhari, cofondateur de l'agence de relations presse La Com' chez vous. « Nous avons fermé nos bureaux depuis mars, date du début du confinement, et nous avons commencé à travailler à distance », ajoute-t-il. Pour les besoins du confinement, son agence a créé l'idée du « festival chez vous », faisant appel à plusieurs artistes qui ont réalisé des vidéos live à partir de chez eux. « Aujourd'hui, nous travaillons sur la création d'une plateforme pour regrouper les CV des artistes tunisiens de différents domaines (chanteurs, acteurs, poètes, plasticiens…) », a-t-il ajouté. Les agences de communication et d'évènementiel, touchées de plein fouet par la pandémie Covid-19, ont dû s'adapter et revoir à la baisse la cadence de leurs activités. « Nous avons repris vers la moitié du mois de ramadan, mais à rythme réduit. L'Etat ne s'est pas intéressé au secteur de l'événementiel, des festivals et autres. Nous allons reprendre le travail avec les moyens du bord. A mon avis, il faudrait que l'Etat se penche sur ce secteur sensible qui est responsable de la survie de plusieurs familles tunisiennes mais aussi générateur de souvenirs et de moments agréables », a confié à Business News aujourd'hui vendredi 5 juin Nibras Derbali, responsable de l'agence éponyme Derbali Events.
« Le secteur culturel est aujourd'hui un secteur à l'arrêt [...] L'avant et l'après Covid ne sera pas le même » a déclaré aujourd'hui la ministre des Affaires culturelles Chiraz Laâtiri. S'exprimant ce matin sur Express Fm, la ministre est revenue sur la première réunion, prévue demain, du Fonds relance Culture, un fonds destiné à l'impulsion de la dynamique culturelle. Un fonds qui est, pour l'instant, alimenté par des dons provenant de fondations comme la fondation Biat pour la Jeunesse, ou la Fondation Rambourg, mais aussi Carrefour, Tunisie Telecom et autres, dans le but de soutenir les artistes.
La Tunisie a annoncé la reprise du tourisme et la réouverture de ses frontières à partir du 27 juin courant. Aussi bien les citoyens tunisiens que les touristes étrangers attendaient impatiemment cette réouverture afin de célébrer, comme il se doit, la fin officielle du confinement.
Aussi, la reprise des activités culturelles, obéira à plusieurs mesures de sécurité sanitaire et se fera en deux étapes. A partir du 14 juin 2020, les espaces culturels fermés pourront reprendre leurs activités à condition que le nombre de personnes présentes ne dépasse pas 30. A partir du 15 juillet, les salles de spectacles en plein air seront de nouveau ouvertes au public à conditions de ne pas dépasser 1.000 présents et de respecter les mesures sanitaires (distanciation sociale, port de masque et répartition des présents en groupes de 30 personnes au maximum).
Dans les rues tunisiennes, le Covid semble être un lointain souvenir. Les bars, restaurants et cafés ont repris leurs services hier, avec une capacité d'accueil de 50%. Une mesure sanitaire qui n'est pas toujours scrupuleusement respectée. Les mosquées ont repris du service aujourd'hui, avec leur première prière hebdomadaire du vendredi depuis plusieurs semaines, au grand bonheur des fidèles qui ont encombré les lieux de culte aujourd'hui. Les festivals et autres manifestations culturelles peinent à reprendre. Le secteur, déjà très sensible, ne retrouve pas encore ses marques.
« Je crois que le seul pays qui souhaite la persistance même à 5% du Corona est le gouvernement tunisien. Il cache leur misère et permet à certains de perdurer et de faire le show. Yezzi faddina [ça suffit nous en avons marre]. Le pays est à l'arrêt », avait écrit le professeur Mohamed Douagi sur sa page officielle. Un appel partagé par de nombreux citoyens et faiseurs d'opinion. Alors que dans le discours officiel, le gouvernement affirme avoir « vaincu la pandémie », un retour à la normale tarde à venir, au grand désarroi de nombreux Tunisiens qui aspirent à un vent d'air frais.