La coalition Al Karama ne se distingue pas par sa compétence, ni par sa pertinence. Même leurs joutes verbales avec leurs opposants et leur sens douteux de l'éthique ont fini par lasser. On ne parlerait même pas d'eux si ce n'était le danger qu'ils représentent au niveau législatif par leurs propositions de loi. Après leur initiative pour faire fermer les bordels, voilà qu'ils présentent une nouvelle proposition pour faire suspendre, puis interdire d'exercice, une certaine catégorie de partis politiques. Ainsi, la bande à Makhlouf propose de punir les partis qui feraient « l'apologie de la dictature, de la tyrannie, de la torture et de la falsification des élections, ou l'insulte à la révolution du peuple tunisien, ou d'insulte aux martyrs et blessés de la révolution ou d'incitation à l'insurrection contre les structures de l'Etat élues démocratiquement ». Attention, il n'est que pur hasard que cette classification englobe les actuels opposants de la coalition, à l'instar du PDL de Abir Moussi. Comme l'a présenté Seif Eddine Makhlouf, c'est uniquement dans le souci d'assainir la scène politique et c'est parce qu'ils ont été désolés de voir qu'il y a 224 partis en Tunisie. C'est entre l'indécent et l'ironique quand on sait que la coalition Al Karama elle-même, n'est pas un parti, et donc ne sera pas soumise aux exigences qu'ils souhaitent imposer aux autres. « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais » porté à une échelle stratosphérique de mauvaise foi politique. Vouloir confisquer le droit d'un autre à exercer ses droits, y compris politiques, et tenter d'imposer par la force, de la loi ou autre, un mode de pensée unique est tout simplement du fascisme. Prenons ce terme dans sa définition Wikipédia, histoire de rendre le concept accessible à tous les électeurs, même ceux des fascistes justement. Le fascisme est un système politique autoritaire qui associe populisme, nationalisme et totalitarisme, au nom d'un idéal collectif suprême. Alors, populisme donc, nous sommes le peuple, on vient du peuple et on combat cette élite voleuse et privilégiée en votre nom, même si parfois on joue dans le parking avec Ghazi Karoui. Nationalisme, ce sont les combats imaginaires sur le sel et le pétrole ou encore une motion demandant des excuses à la France car Al Karama sont des fils de combattants de la liberté et de vrais patriotes. Autoritarisme, c'est quand ils confisquent à certaines minorités leur droit d'exister ou qu'ils souhaitent imposer des lois visant à « moraliser » la société. Tout ça pour dire que politiquement et philosophiquement, les composantes du fascisme dans sa forme la plus bête sont là, dans cette coalition. Sans vouloir faire de parallèle ambitieux, même pour ces fascistes, et comme leur connaissance de l'Histoire est toute relative, il est bon de rappeler un certain épisode. En juillet 1933, un certain Adolf Hitler décide de promulguer une loi appelée « loi contre la formation de nouveaux partis ». Cette loi désignait le parti nazi de l'époque comme parti unique en Allemagne. Selon la même loi, des peines de prison sont prévues pour tous ceux qui tenteraient de créer de nouveaux partis ou qui poursuivraient leurs activités politiques dans des partis, désormais interdits. Encore une fois, il faut tempérer le parallèle, mais toutes proportions gardées, il s'agit du même esprit : promulguer une loi pour interdire certains opposants d'exercice politique. Albert Camus disait : « Toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme ». Ce que la coalition Al Karama présente comme une démarche révolutionnaire et inédite n'est en réalité que la pâle copie de vieilles pratiques rencontrées à plusieurs reprises dans l'Histoire. Le faible niveau de compétence et de connaissance de l'ensemble du personnel politique tunisien, hormis quelques exceptions, a permis que ce genre de pratiques politiques existe et perdure. Il faut dire que cette voie fasciste est facile. Elle permet de se soustraire à une réelle réflexion sur les problèmes économiques et sociaux du pays. C'est une politique vide, et donc très bruyante, basée sur la petite phrase, sur les préjugés et les idées reçues. Grâce à cette politique, on peut faire l'économie d'un vrai programme qui prendrait en considération toutes les subtilités de la société tunisienne et tous les équilibres nationaux et internationaux à respecter. Pourquoi se casseraient-ils la tête à faire cela quand on peut mentir et arnaquer ? Ils ont fait leur campagne sur une supposée proximité avec Kaïs Saïed pour ensuite se mettre à l'insulter quand il a osé s'opposer à Ennahdha. Ils étaient vent debout contre Qalb Tounes et l'ont dénigré pour sa corruption pour ensuite constituer, en compagnie du même parti, une commission pour enquêter…sur des faits de corruption ! Deux choses sont à noter, la première c'est que cette tactique, couplée à la détérioration de l'éducation en Tunisie et à la situation de crise économique, marche toujours. Si en plus, on prend en considération l'abyssale ignorance de l'Histoire qui nous caractérise, on peut dire que le populisme a encore de beaux jours devant lui. La deuxième chose est que ces méthodes ne sont pas exclusives à la coalition Al Karama et d'autres mouvements politiques utilisent les mêmes ressorts et les mêmes leviers pour faire leur chemin. Le plus ironique est que ce sont des courants opposés.