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Islamisme et fascisme
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 06 - 2011


Par Rafik BEN BENHASSINE*
Dans un article paru dans La Presse du vendredi 3 juin 2011, intitulé " Islamisme et démocratie ", nous avons vu comment et pourquoi les islamistes sont fondamentalement et viscéralement contre la démocratie, même s'ils tentent, aujourd'hui, de nous dire le contraire. Nous avons vu aussi comment, une fois au pouvoir, ils réduisent les femmes, déguisées en fantômes, en quasi-esclaves.
La question que nous examinons aujourd'hui est : y a-t-il un rapport entre islamisme et fascisme ?
Remarques préliminaires
1- Tout d'abord, nous récusons le néologisme " islamo-fascisme ", car il comporte une généralisation et un amalgame dommageable à tous les musulmans. Il a été utilisé, pour la première fois, par G. Bush père pour justifier son agression contre l'Irak, et continue d'être utilisé par certains médias anglo-saxons néo-conservateurs.
2- L'appellation du parti islamiste tunisien " Ennahdha " est une escroquerie, un contresens. En effet, nahdha signifie " renaissance". Le terme renaissance, apparu à la fin du moyen âge, signifie : redécouverte de l'idéal humaniste, politique, philosophique et artistique de l'Antiquité, mouvement de rupture avec le gothique, la pensée médiévale et l'assujettissement à Dieu. La Renaissance installe de nombreux fondements de la pensée moderne et de l'histoire de l'art. Tout le contraire de l'islamisme tunisien.
Comparaison du fascisme et de l'islamisme
Dans ce qui suit, nous donnons, pour chaque caractéristique du fascisme, la caractéristique qui nous semble lui correspondre chez les islamistes.
Le fascisme se caractérise par :
1- La haine du libéralisme, du socialisme, de la démocratie, de l'internationalisme et du régime parlementaire. Les islamistes rejettent toutes ces notions, car ils les considèrent comme des notions étrangères, incompatibles avec notre société musulmane. Par opportunisme, ils les utilisent dans la phase transitoire de conquête du pouvoir. Quand ils disposent d'un parlement, celui-ci est soit monocolore, comme en Iran (majorité islamiste contre minorité islamiste-bis), soit du genre parlement croupion, avec une minorité pour la forme, comme au Soudan.
2- La glorification du pouvoir, de la violence et de la guerre. Pour l'islamiste, le jihad est une obligation, comme nous le rappelle Ibn Khaldoun, dans sa fameuse Muqqadima, (trad. Slane, Paris 1862-1868, t. I, p.469) : " Dans l'islamisme, la guerre contre les infidèles est d'obligation divine, parce que cette religion s'adresse à tous les hommes et qu'ils doivent l'embrasser de gré ou de force. On a donc établi chez les musulmans la souveraineté spirituelle et la souveraineté temporelle, afin que ces deux pouvoirs s'emploient simultanément dans ce double but ". Il ajoute: " Les guerres, sont de 4 sortes. La première est la guerre tribale, telle qu'elle existait parmi les tribus arabes. Deuxièmement, les querelles et les escarmouches (raids) propres aux peuples primitifs. Troisièmement, les guerres prescrites par la Shariâ, i.e. le Jihâd. Quatrièmement, les guerres contre les rebelles (déviationnistes, réformistes, schismatiques insoumis à l'autorité islamique) et les dissidents". Ibn Khaldoun soutient que si les deux premières sont injustifiées, les deux autres sont des guerres justes. Vous remplacez rebelles et dissidents d'alors par opposants et contradicteurs d'aujourd'hui, et vous comprendrez pourquoi leur " jihad " d'aujourd'hui est essentiellement destiné à la masse des musulmans non islamistes. L'Algérie, avec ses 200 mille morts, en plus des attentats quotidiens en Irak, en Afghanistan et au Pakistan sont d'une actualité brûlante (sans jeu de mots).
3- Un nationalisme agressif et une hostilité à l'endroit des autres nations et des autres races. Les islamistes sont pour la Oumma, communauté des croyants, qui va du Maroc à l'Indonésie. Ils sont agressifs vis-à-vis de leurs contradicteurs, leurs opposants, sans parler de leur haine des non musulmans. Par contre, ils ne sont pas racistes vis-à-vis des autres races, pourvu qu'elles soient musulmanes, ou mieux, islamistes.
4- Des rêves de conquête et d'expansion. Ils veulent islamiser toute la société, y compris dans les pays non musulmans.
5- La nostalgie d'un passé prétendument glorieux. Le 7e siècle, époque du premier califat.
6- Des associations paramilitaires. Les milices barbues ici, la police religieuse là-bas, et les gardiens de la révolution ailleurs.
7- Le mythe du chef à qui on attribue des qualités impeccables, voire surhumaines. L'imam ou le calife est le guide suprême qui décide en dernier ressort de tout, qui ne se trompe jamais. C'est le vicaire du prophète sur terre, il est considéré comme la référence infaillible et unique.
8- Le choix opportun d'un bouc émissaire. En général c'est le juif (ou le sioniste). Parfois, c'est le croisé occidental, tenu responsable de tous les maux qui nous écrasent, nous musulmans. Pourtant, en cas de besoin, les islamistes n'hésitent pas à quémander leur protection (GI's américains en Arabie Saoudite, pivot de l'islamisme, gendarmes français sauvant La Mecque contre une rébellion interne saoudienne, chefs islamistes en exil doré chez les " croisés " d'Occident) .
9- Après avoir pris le pouvoir, les partis fascistes suppriment tous les partis d'opposition, interdisent les syndicats indépendants et les grèves, éliminent les médias indépendants, établissent des Etats à parti unique et réorganisent l'industrie selon un système corporatiste. Sans commentaire.
Le comparatif ci-dessus montre beaucoup de points communs entre fascisme et islamisme, mais pas d'identité parfaite.
Principales différences entre fascisme et islamisme
1- Les mouvements islamistes sont souvent transnationaux, et donc bien loin du " nationalisme intégral " qui caractérisa les fascismes européens des années 1930.
2- Le fascisme était, par nature, impérialiste et expansionniste. Or, s'il est vrai que des cellules d'Al-Qaïda opèrent dans de nombreux pays et que certains mouvements islamistes rêvent de la restauration du califat mondial, des formations comme le Hamas, le Hezbollah et les talibans sont en lutte contre des occupations territoriales étrangères.
3- La dimension corporatiste – relation quasi fusionnelle entre l'Etat, les entreprises et les corps de métiers —, inhérente au fascisme, fait également défaut dans l'approche islamiste (la relation étroite, en Iran, entre les commerçants du bazar et le régime ne peut lui être comparée). De plus, les mouvements islamistes ne sont pas, en général, soutenus par le complexe militaro-industriel des pays musulmans, exception faite de l'Iran.
4- Les mouvements islamistes instrumentalisent la religion et cherchent à s'en servir comme d'une idéologie, mais il n'y a pas volonté de créer un" homme nouveau ", comme ce fut le cas en Europe. Il s'agit plus de vieux archaïsmes religieux ou sociétaux que d'une idéologie globale et cohérente. De surcroît, le succès populaire de ces mouvements découle de facteurs autres qu'idéologiques. En revanche, le fascisme et le nazisme, en tant qu'idéologies, ont séduit des intellectuels par milliers, dont certains très éminents. En Tunisie, Ennahdha ne peut se prévaloir que de rares soutiens de cet ordre, et son discours, des plus sommaires, rappelle davantage celui des phénomènes sectaires anciens que celui des régimes fascistes européens. Vous trouveriez difficilement un dirigeant fasciste en train de consulter la Bible pour y trouver comment construire un système bancaire, élaborer un code pénal, ou habiller une fille (voir les menaces envoyées ces jours-ci, sur Internet, à notre jeune championne de tennis, pour tenue " non conforme ", et leurs discussions byzantines sur la longueur de la jupe à autoriser, c'est d'un niveau lamentable).
5- Le fascisme et le nazisme étaient des mouvements de masse, fondés sur une politisation et un consentement des foules, alors que les organisations islamistes, en dépit de tous les éléments propices, comme la crise économique et l'humiliation généralisée, se heurtent dans la plupart des pays musulmans à des sociétés civiles attachées à leurs libertés, comme le démontre, en ce moment, le printemps arabe.
Conclusion
Si le terme générique d'" islamo-fascisme " nous paraît incongru, cela ne signifie pas que l'imprégnation fasciste soit absente chez les islamistes. D'ailleurs, les mondes arabe et musulman comptent encore un nombre considérable de dictatures et de régimes autoritaires, islamistes et non islamistes, que l'on pourrait qualifier de fascisants, souvent alliés des Etats-Unis.
L'idée générale dans le mot "fascisme" — la création d'un état autoritaire centralisé pour assurer l'obéissance à une idéologie réactionnaire globale — correspond bien aux desseins ultimes des islamistes, qui exigent in fine l'application de loi islamique ou Chariâ et le retour au califat panislamique et théocratique.
Il faut maintenant se rendre à l'évidence : tant que les Etats occidentaux seront dépendants de la production de pétrole du Royaume saoudien (le plus rentable du monde), cette " dictature protégée " et obscurantiste qui contrôle les lieux saints de l'Islam et les grandes organisations islamiques du monde entier, qui " wahhabise " l'islam mondial à coups de pétrodollars et de télés satellitaires, et qui joue un double jeu avec l'Europe et les Etats-Unis, des dizaines d'organisations islamistes seront présentes et actives dans nos pays. Dès qu'un peuple baissera la garde, il sera emporté par le tsunami islamiste et se trouvera vite " wahhabisé " ou " talibanisé ".
Il est urgent de se souvenir du cri d'alarme lancé, dès 1931, par l'écrivain américain Aldous Huxley (auteur du "Meilleur des mondes") : "A une époque de technologie avancée, le plus grand danger pour les idées, la culture et l'esprit risque davantage de venir d'un ennemi au visage souriant que d'un adversaire inspirant la terreur et la haine". En effet, devenu maître des symboles, l'islamisme tunisien se présente désormais devant nous avec la bonhomie souriante d'un R. Ghannouchi, plus prestidigitateur que jamais. Avec l'aide d'imams complices, cet hypnotiseur entre par effraction dans la pensée de Tunisiens crédules, mais bons musulmans, et y greffe des idées qui ne sont pas les leurs.
Quant à notre survie en tant que Tunisiens libres, elle découlera de la réponse que nous apporterons à cette question centrale: notre révolution démocratique a-t-elle raison de ne poser aucune limite au pluralisme en ouvrant ses portes à ses pires ennemis. Tôt ou tard s'imposera la décision de refuser la liberté d'action et d'expression aux ennemis de la liberté. Il n'est pas encore trop tard pour mener une lutte légale impitoyable contre les prêcheurs de la haine, et qui sont en train de fanatiser les gens par des discours insanes et d'un autre âge. Le pacte républicain, en cours d'élaboration, doit interdire toute utilisation de l'Islam à des fins politiques ou partisanes, et doit punir sévèrement tout contrevenant, individu ou organisation. En Tunisie, pays d'accueil et de tolérance de longue date, il ne peut y avoir de place pour des gens violents et fascisants.


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