Dans cette phase transitoire, nul ne peut s'empêcher de dresser un état des lieux sur le marché financier tunisien, ni prédire l'avenir de la Bourse dans les prochaines années. Des réformes s'imposent aujourd'hui pour pallier certaines faiblesses du marché. Elles peuvent, selon l'étude élaborée récemment par le département Recherches et Etudes de l'intermédiaire boursier Tunisie Valeurs, être regroupées en trois points, à savoir le poids des habitudes et le manque de transparence, la faiblesse de la demande institutionnelle et enfin la rareté de l'offre de qualité. La Tunisie compte plusieurs dizaines de familles qui ont lancé leurs affaires dans les années 1970 et 1980 et qui sont aujourd'hui à la tête de grands conglomérats très diversifiés. Ces entrepreneurs ont construit leur empire grâce notamment au soutien des banques et aucun n'a émergé grâce au marché financier. En perpétuant le financement bancaire, les groupes tunisiens ont continué à croitre avec des niveaux de fonds propres insuffisants. Les conséquences de la prolifération de l'économie d'endettement sont aujourd'hui désolantes, soulignent les analystes de Tunisie Valeurs. En effet, ces groupes affichent un surendettement important, un manque de transparence comptable et surtout un enchevêtrement entre les biens personnels de l'entrepreneur et ceux de son entreprise. Il va sans dire que ce poids des habitudes est un frein au développement du marché financier et empêche de brillantes entreprises de financer leur expansion par la Bourse. A propos de la faiblesse de la demande institutionnelle, force est de constater aujourd'hui que le marché tunisien est en manque structurel de demande institutionnelle surtout si on le compare à des pays voisins comme le Maroc ou l'Egypte. La plupart des assureurs publics et privés tunisiens sont peu présents sur le marché financier, leurs titres obligataires sont généralement détenus jusqu'à échéance et les investissements en actions revêtent plutôt la forme de participations stratégiques. Or, la demande institutionnelle est un ingrédient incontournable pour le développement de tout marché financier et qu'il faudrait la développer davantage aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale. A titre de suggestions, les analystes de l'intermédiaire boursier proposent, entre autres, d'imposer aux compagnies d'assurance et aux caisses de retraite un ratio réglementaire qui les contraint à allouer un pourcentage minimum de leurs provisions mathématiques dans des investissements en portefeuille. Côté rareté de l'offre de qualité, les analystes de Tunisie Valeurs, considèrent que, sur les 57 valeurs cotées, seule une trentaine de titres offrent réellement des possibilités de placement. Pour le reste, l'investisseur se heurte à des handicaps aussi nombreux que diversifiés : un flottant réduit, une faible liquidité, des résultats volatiles, un manque de transparence… Faute de pouvoir radier certaines valeurs du marché, les analystes de l'intermédiaire boursier voient deux gisements importants pour niveler vers le haut l'offre sur le marché tunisien. Dans un premier temps, il serait opportun de remettre sur le marché toutes les entreprises liées à l'ex-président et qui sont placées actuellement sous contrôle judiciaire. En outre, il faudrait inciter les patrons des groupes privés à s'introduire en bourse dans le cadre d'opérations de restructurations. Les conglomérats tunisiens se sont, dans la plupart des cas, développés en dehors de toute logique industrielle. Leur remise sur le marché peut être l'occasion d'engager une réorganisation à un coût fiscal réduit. Pour finir, les analystes de Tunisie Valeurs n'ont pas manqué d'insister sur l'obligation de penser tout particulièrement aux entreprises dans les secteurs des Télécom, des mines, de l'énergie. Ces secteurs pourront offrir des occasions considérables pour le développement à la fois du marché actions et obligataire.