Pratiquement, aucun acteur politique, de droite, de gauche ou du centre, ne propose d'introduire la référence à la laïcité dans la Constitution. Qu'on le déplore ou non, la laïcité est encore un thème tabou dans de nombreux pays arabes, y compris en Tunisie. C'est ce qu'a précisé Vincent Geisser, chercheur à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman et à l'Institut français du Proche-Orient. Selon le chercheur, par la victoire d'Ennahda, parti réprimé sous Ben Ali, la nouvelle démocratie semble passer par l'islamisme politique, sans pour autant en arriver à la Charia. Une référence à la religion comme vecteur d'unité et de liberté, à la différence de la Turquie pour laquelle ces notions sont liées à la laïcité. « Nous respecterons les droits de la femme sur la base du code de statut personnel et de l'égalité entre les Tunisiens quels que soient leur religion, leur sexe ou leur appartenance sociale », a réaffirmé Nourreddine Bhiri, membre de la direction du parti, pour tenter d'apaiser les craintes de beaucoup de Tunisiens. En effet, a ajouté Vincent Geisser, dans le camp laïc, on redoute fortement les dérives et le recul du statut des femmes. La Turquie, trait d'union entre l'Orient et l'Occident, a connu, il y a bientôt dix ans, des inquiétudes similaires. Combinant démocratie, laïcité et Islam, la politique à la turque comporte, toutefois, des limites. Prouver que des islamistes modérés dans une société arabo-musulmane peuvent garantir une démocratie où chacun est libre, tel est le défi pour la Tunisie de demain.