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Dans la Tunisie de Ben Ali, l'étrange culte du chiffre 7
Libération
Publié dans Le Temps le 23 - 01 - 2011

Ne l'appelez plus TV7. L'unique chaîne de télévision publique tunisienne a changé de nom et de logo ce week-end. C'est désormais la «Télévision tunisienne nationale». Le rouge et le blanc, couleurs du drapeau national, ont remplacé le mauve, couleur fétiche du régime de Ben Ali. Et plus aucune référence au chiffre sept, autre symbole d'un véritable culte de la personnalité instauré par le dictateur déchu.
En 23 ans de règne, le sept s'est instillé partout. «Place du 7 novembre, rue du 7, Avenue du 7, Boulevard du 7, Aéroport du 7, Université du 7, Epicerie du 7, Pharmacie du 7, Stade du 7, Café du 7...», recense, dans un groupe Facebook «contre le ridicule culte du chiffre sept», le cybermilitant Hamadi Kaloutcha, de son vrai nom Soufiene Bel Haj.

Marquer le territoire

«Il y a des rues du 7 novembre, des monuments du 7 novembre, dans le moindre petit village. Le pouvoir a utilisé cet emblème pour marquer le territoire, quadriller l'espace», rapporte le sociologue Vincent Geisser, chercheur à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (IREMAN) et coauteur du Syndrome autoritaire: politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali.
Pourquoi le sept? «Il se murmure dans la population que Ben Ali est un superstitieux», souligne Vincent Geisser. Cet homme issu de l'armée est arrivé au pouvoir le 7 novembre 1987 après un coup d'Etat. Ce matin là, sept médecins sont convoqués pour établir un rapport médical attestant de l'incapacité du président Habib Bourguiba, le père de l'indépendance tunisienne, à assumer ses fonctions. La prise du pouvoir par le Premier ministre Ben Ali est alors un espoir pour le peuple tunisien. Le putschiste promet l'ouverture, la démocratie, le multipartisme. On sait ce qu'il adviendra de ces promesses.
Le sept est devenu «l'emblème chiffré du coup d'Etat, que la rhétorique benalienne nomme "le Changement", à partir duquel s'ouvre "l'ère nouvelle"», raconte Vincent Geisser. Pour marquer le changement, les statues de Bourguiba sont détruites, remplacées par des horloges, symbole de ces temps nouveaux.

Billets, timbres, commerces, congés

«Le régime a trouvé avec ce chiffre un substitut plus ou moins subtil aux statues érigées par le despote. Cela traduit une difficulté à assumer le culte de la personnalité. On a voulu marquer la rupture avec les régimes autoritaires de l'après-indépendance, mais c'est bien un culte de la personnalité, qui ne veut pas dire son nom, qui utilise une image euphémisante, mais qui permet l'économie de dire qu'on est revenu à l'ancien régime», explique Vincent Geisser, qui juge les monuments érigés «hideux». «C'était le mauvais goût de Ben Ali dans toute sa splendeur. La vulgarité et le kitsch de ce régime transparaissait à travers ces monuments».
Outre monuments et rues, le sept est imprimé sur les billets de banque, sur des timbres (ici à l'occasion des 20 ans de pouvoir de Ben Ali), au dos des cartes d'identité où volent sept colombes. L'indicatif téléphonique est devenu le 7 au lieu du zéro. Le 7 novembre, qui donne lieu à sept jours de congés, a damé le pion au 20 mars, jour où les Tunisiens célèbrent leur indépendance. Des défilés, des concerts gratuits, des rassemblements sont organisés ce jour-là.

La boucherie du 7 novembre

Les commerces adoptent une enseigne affublée du chiffre sept. «Beaucoup de fleuristes s'appelaient fleuristes du 7 novembre, probablement en reconnaissance de ceux qui leur avaient permis d'obtenir une licence pour exercer le métier, raconte encore Hamadi Kaloutcha. Par excès de zèle, un boucher avait même baptisé son commerce "la boucherie du 7 novembre". Il lui a été demandé de changer l'enseigne». Le blogueur ne tarit pas d'anecdotes significatives, racontant encore comment «quand on doit décorer un rond-point, on y plante sept arbres». Même les multiples intéressent le despote: pour son troisième mandat, une chaîne pour les jeunes est créée, baptisée Canal 21. Ironie du sort, Ben Ali tombera un 14 janvier.
Le culte qui tourne au ridicule est devenu sujet de blagues dans la population bien avant le 14 janvier. «Quand [le système d'exploitation pour PC, ndlr] Windows 7 est arrivé en Tunisie, on s'est dit que même Microsoft s'y mettait!», plaisante Hamadi. Le jeune homme de 28 ans, qui a fait trois jours de prison début janvier pour ses activités de cybermilitant, a créé son groupe Faceboook «contre le ridicule culte du chiffre 7» «parce que certains avaient peur de s'inscrire à mon autre groupe, clairement politique», dit-il, affirmant avoir compté jusqu'à 3500 membres. Le groupe, créé en 2007, a été censuré en 2008.

«Un signe d'allégeance au pouvoir»

Le caricaturiste politique _z_ ne s'y est pas trompé non plus. Dans ses dessins, le blogueur tunisien raille le culte du chiffre sept, et dépeint une Tunisie prise en otage par «les mauves».
Le mauve est un autre élément de la «chorégraphie idéologique et politique» selon Vincent Geisser. Une «couleur présidentielle», dit-il, aux côtés du rouge et blanc tunisiens. Afficher la teinte était devenu «un signe d'allégeance au pouvoir», raconte Hamadi Kaloutcha. «Les barrières des ponts étaient peintes en mauve, des maisons étaient repeintes en mauve. Lors des rassemblements du RCD [l'ex-parti de Ben Ali, ndlr], tout le monde portait des écharpes mauves». «Regardez cette profusion de mauve», nous écrit le jeune homme en faisant suivre un lien vers cette vidéo:
Lors de la révolution, de même que sont retirés des murs des commerces et des administrations les portraits de Ben Ali, de même qu'ont été arrachés les posters géants du dictateur dans les villes (vidéo ici), le sept, symbole d'un pouvoir méprisant, a été attaqué, comme sur cette vidéo tournée à Sousse, le 15 janvier:
La compagnie aérienne Sevenair, baptisée ainsi le 7/07/2007, devrait changer de nom prochainement. Des commerçants ont repeint ou retiré de leur enseigne toute référence au sept. Des plaques des rues du 7 novembre ont été arrachées. D'aucuns (exactement 3778, sur un groupe Facebook) demandent à ce que ces artères soient rebaptisées du nom de Mohamed Bouazizi. Celui qui, en s'immolant par le feu, a déclenché la révolution tunisienne. Tout un symbole.
Par ELODIE AUFFRAY


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