Les pays du Golfe font-ils la loi en Tunisie ? Khayam Turki, le conseiller politique le plus écouté de Mustapha Ben Jaafar (leader du parti Ettakatol), ne sera pas le ministre des Finances du nouveau gouvernement tunisien. Pourquoi ? Parce qu'il déplaisait aux pays du Golfe? Ce spécialiste de la finance internationale et diplômé de Sciences-Po Paris qui a rejoint Ettakatol au lendemain de la Révolution a tenu, jeudi 22 décembre, une conférence de presse au cours de laquelle il a levé un coin du voile sur son retrait du gouvernement de Hamadi Jebali. En fait, le désistement de dernière minute a fait couler beaucoup d'encre. Certains médias avançaient une fausse explication selon laquelle M. Turki s'est retiré en raison de ses liens de parenté supposés avec le leader d'Ettakatol sur fond de critiques accusant le triumvirat vainqueur des dernières élections de placer leurs proches au gouvernement. D'autres ont évoqué des « interventions étrangères» pour nommer ou dénommer tel membre du nouveau gouvernement. « Quelques heures seulement avant l'annonce de la composition du nouveau gouvernement, qui devait avoir lieu lundi 19 décembre, un ami m'a informé qu'un groupe émirati que j'avais intégré en 2006 avant de le quitter pour des raisons purement techniques deux ans plus tard menaçait d'intenter une action en justice à mon encontre pour des faits que j'ignore pour le moment. J'ai discuté de cette affaire, qui pourrait embarrasser le gouvernement, avec M. Ben Jaâfer, lequel a demandé au Premier ministre un report de l'annonce du gouvernement. Finalement, j'ai préféré me retirer pour ne pas ralentir la formation du gouvernement en cette étape sensible dans l'histoire du pays et pour me consacrer à ma défense », a-t-il précisé. L'ancien analyste financier à la bourse de Londres a indiqué que le groupe émirati qui intenterait une action en justice à son encontre est le fonds d'investissement National Holding, propriété de la famille régnante aux Emirats Arabes Unis Al-Nahyane. Il n'a pas caché sa surprise de voir ce prétendu dossier judiciaire déterré quatre ans après sa démission du groupe émirati et quelques heures seulement avant la présentation du nouveau gouvernement au président de la République. « S'agit-il d'une campagne de dénigrement orchestrée contre ma personne, d'une campagne visant Ettakatol ou encore d'une tentative de déstabilisation de la troïka ? », s'interroge Khayam Turki. Plusieurs questions demeurent en suspens de ce fait. Est-il victime ou fautif ? A-t-il simplement fait les frais de l'application «du principe de précaution», ou y-a-t-il eu ingérence étrangère caractérisée dans la composition du gouvernement tunisien? Difficile d'en savoir plus pour l'instant. Une chose est sûre, la communication des dirigeants d'Ettakatol a été désastreuse de bout en bout. Fidèle à son habitude, Mustapha Ben Jaafar n'a fait aucune déclaration.