La jeune génération ne connaît certainement pas l'histoire de la tentative de complot contre Bourguiba, menée par d'anciens résistants et des militaires. La tentative a été éventée en décembre 1962. Le projet a suscité une forte émotion et connu une issue dramatique avec l'exécution de treize des conjurés. Parmi ces derniers figurait Habib H'nini, ancien résistant et chef du groupe de Bizerte. Outre le Groupe de Bizerte, il y avait en fait deux autres : celui de Tunis, dirigé par Amor Bembli et principalement constitué de militaires et celui de Gafsa, mené par Abdelaziz Akremi et qui a regroupé d'anciens fellaghas (maquisards) qui estimaient leur lutte lors de la libération nationale mal récompensée. Le groupe de Bizerte est principalement motivé par le désastre militaire de la crise de juillet 1961 et son lot de conséquences pour les civils de la ville et de la région. Ce groupe formé d'anciens résistants, dont certains sont encore en vie (Ali Ben Salem, Kaddour Ben Yochrot, Med Salah Baratli) projetait un attentat contre Bourguiba dans la ferme de sa femme Wassila à Aïn Ghlel, à quelques kilomètres de Bizerte. Le 19 décembre 1962, le complot est découvert et le 31, vingt-six conjurés sont déférés devant un tribunal militaire pour complot contre la sûreté de l'Etat. Treize prévenus (huit militaires et cinq civils) sont condamnés à mort. La sentence est exécutée le 25 janvier 1963. C'est en signe de réhabilitation de sa mémoire que la délégation Spéciale de Bizerte lui a dédié une place et une rue nouvellement aménagées, à un moment où la Révolution est venue lever nombre d'interdits dont celui d'une simple évocation des noms de ceux qui avaient tenté de changer le cours de l'histoire du pays ou de simplement défendre un droit. Notons que cette tentative de complot contre Bourguiba a marqué un durcissement du régime : les partis politiques d'opposition ont été interdits et leurs publications censurées. La terreur que font naître les procès et les exécutions a contribué à instaurer un régime autoritaire dans le pays.
