Il y a quelque temps, une photo a circulé sur facebook, assez cocasse en vérité mais quelque peu vexante pour les Arabes que nous sommes. Elle représente un Japonais et un personnage de type occidental sensé incarner un Arabe. En phylactère, l'appréciation de chacun du concept de travail. Je vous en livre la teneur et vous en laisse juges. Le Japonais dit à ce propos : « Si quelqu'un peut le faire, je peux le faire ; si personne ne peut le faire, je dois le faire. » L'Arabe, pour sa part, déclare sans rire : « Si quelqu'un peut le faire, qu'on le laisse faire ; si personne ne peut le faire, comment voulez-vous que, moi, je puisse le faire ? ». Cela m'a fait sourire…jaune. Un sourire qui cache bien mal le malaise qui m'a saisi en pensant à l'estime dans laquelle l'on nous tient. Mais surtout à notre passivité face à ces clichés qui nous collent à la peau et que des générations entières et successives ont accepté de s'en accommoder sans chercher à détromper ceux qui y croient. Une telle facétie prêterait à rire si elle ne contenait une bonne dose de vérité, hélas ! Tout d'abord, le fait de comparer un Japonais et un Arabe est en lui-même une antinomie, car la comparaison ne vaut pas. Le Japonais est synonyme de sacrifice, de sens du devoir, du travail acharné et bien accompli. L'Arabe est généralement assimilé au désintérêt, au laxisme, à la paresse et au farniente. Et ce ne sont pas que des euphémismes. Pensez donc au travail arabe et la connotation péjorative dont on a voulu charger cette expression : on comprend plus volontiers qu'il est bien plus bâclé que bien fait. Pourtant, il fut un temps où le « travail arabe » était représentatif de qualité et de beauté -l'Alhambra de Grenade en Espagne, construit entre le XIIIe et le XVe siècle, en est un bel exemple, parmi de nombreux autres-. Et puis la colonisation de nos contrées et le racisme anti Arabes de l'époque est passé par là. Ce racisme a participé à la dévalorisation de toute notre culture. Daniel Lefevre, dans « Chère Algérie » écrit : « Les évaluations de la main-d'œuvre par le patronat et l'encadrement placent régulièrement au dernier rang les Algériens quant à la compétence, l'assiduité et la discipline ». Avec de tels jugements, il n'en fallait pas plus pour que le travail effectué par un Arabe soit, par généralisation, considéré d'office comme bâclé. Et ce stéréotype a fini par prévaloir et par s'imposer dans les esprits, des décennies après que la décolonisation a été réalisée. Fait-on ce qu'il faut pour effacer cette image dévalorisante et insultante ? La réponse nous la voulons…mitigée et nuancée. Que l'on se souvienne ! Il y a peu, on a bien voulu flatter notre ego en présentant notre pays comme étant le Dragon de l'Afrique. Ces affirmations, cachant une volonté évidente de nous dissimuler certaines vérités nous a quasiment aveuglés. La Révolution est venue à point pour dessiller nos yeux sur ces fabulations. Cependant, une conscience s'est faite que le travail c'est la dignité retrouvée. Et tous de réclamer un emploi. Soit ! Certains épisodes de tous les jours confirment que la valeur travail chez nous n'est nullement comparable à celle qui anime les gens sous d'autres cieux : pour nous, en général, c'est pour vivoter ; pour eux, c'est pour contribuer à la promotion de tout ce qui fait une bonne existence, par les créations, par les innovations, par les recherches et découvertes dans tous les domaines de la connaissance. Quant à nous, nous nous contentons, d'être des consommateurs des biens créés par les autres. Et, pour notre malheur, de le rester. Dans notre microcosme tunisien, les exemples de travail arabe -dans son acception péjorative !- sont plus qu'il est possible d'en citer. Par ailleurs, des gens exigent du travail, d'autres en refusent, en un moment où précisément, l'heure est au labeur. Non point pour égaler les Japonais et autres Sud-Coréens mais juste pour ramener à la surface une économie dont la tête se trouve immergée et qui est en train de suffoquer. C'est le moment de se dire que si nos prédécesseurs n'ont pas su le faire, c'est maintenant que nous devons le faire ! MOHAMED BELLAKHAL