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Sommes-nous racistes ?
Récurrences
Publié dans Le Temps le 01 - 06 - 2011

Durant plus de deux décennies, nous avons été opprimés, réduits au silence, humiliés dans plusieurs aspects de notre vie ; nous n'avions pas le droit de nous exprimer, notre religion était placardée, même notre façon de s'habiller était contrôlée. Nous rêvions d'un jour où nous passerions du statut de sujet à celui de citoyen. Nous espérions qu'un jour viendra où nous serions délivrés de l'injustice dont nous ne pouvions en parler, soit car elle était commise de la part de personnes « hautement placées » ou soit que nous n'osions pas la dénoncer de peur « d'entacher » l'image de la Tunisie.
Plus que les Tunisiens eux-mêmes, l'Etat « se souciait » de son image. Plus que les Tunisiens eux-mêmes, l'Etat « se souciait » du regard que porteraient les Etrangers sur nous.
Aujourd'hui, les jeunes ont fait cette révolution de la dignité et de la fierté. Nous avons réalisé un pas de géant vers la liberté d'expression et les droits fondamentaux. Or, cette fierté, ce respect, cette dignité, deviennent sujet à équation pour une grande majorité de la population tunisienne. La société tunisienne, jadis ouverte et tolérante, sombre peu à peu, sans que l'on se rende compte dans le racisme à la faveur de la loi du silence qui nous était imposée, si ça continue, cela nous empêchera d'être le premier exemple arabe d'Etat de droit auquel nous rêvons.
Une remise en question s'impose et soucieux que nous sommes d'une Tunisie saine, plus ce que d'une image brillante de la Tunisie, nous mettons au grand jour ce sujet.
L'Etat de droit ne se construit pas uniquement dans les coulisses de la politique mais en se basant sur une société croyant en ces droits, et surtout dans l'universalité de ces valeurs. Ne croyons pas que le racisme s'est déclenché après la fuite de l'ancien président et que par le passé, il n'existait pas. Détrompons-nous, il existait, mais il était déguisé grâce à des maquillages sophistiqués.
Il est clair également que la Tunisie ne sera jamais la cité idéale de Platon, aucun pays ne le sera d'ailleurs et il n'existe point de société 0% racisme. Seulement, compter une minorité raciste, et surtout savoir ravaler son racisme, le ménager afin de s'auto imposer le respect de l'autre, même s'il « ne nous plaît pas » est essentiel…
Personne n'est assez bien
Pour commencer, nous ne sommes pas une société homogène. Le régionalisme a toujours déchiré la Tunisie. Chaque région se targue d'avoir les meilleures qualités pour en attribuer les pires aux autres. Cela va même jusqu'à refuser le mariage d'une personne pour son appartenance à une région, ou même le recrutement qui se base sur la région de laquelle est natif le candidat, sans compter, les blagues, les taquineries et la méchanceté parfois qu'on exprime à l'égard de l'autre. Sortons du contexte de la Tunisie, les citoyens des autres pays arabes, ont quant à eux des sobriquets péjoratifs bien précis pour nous. Ils sont ou bêtes, ou sales, ou non civilisés, ou malhonnêtes, ou alors dépourvus de fierté (…).
Les Européens et les Américains sont épargnés bien évidemment, quand bien même on leur reproche « leur racisme et leur manque d'égard envers nous ». Drôle de logique qui fait que nous imposons aux autres ce que nous nous tolérons à nous mêmes…
« Le noir, le singe qui dérange »
Mme Saadia Mosbah témoigne d'une expérience douloureuse vécue par elle. Dans l'un des quartiers les plus chics de la Tunisie – prétendant culture, intellectualisme, bonnes manières et se disant comme supérieurs à d'autres quartiers et régions – Mme Mosbah doit traverser une foule de collégiens déchaînés et applaudissant pour accéder à un salon d'esthétique tenu par des africaines. L'une des filles qui y travaillent l'invite à entrer en vitesse de peur que le salon ne soit envahi par les collégiens. Ainsi, ils n'hésiteraient pas à s'y engouffrer et à y créer le désordre. D'ailleurs et comme elle le dit elle-même « Plus d'un gamin vient se soulager devant la porte du salon et la poubelle à l'extérieur devient un jeu de ballon ». Deux collégiennes ont quand même eu l'audace de demander à entrer, soi-disant pour se faire tresser les cheveux, la vérité est qu'elles voulaient se moquer des dames du salon. Dehors, les collégiens tentaient carrément de défoncer la porte. Se rendant au poste de la police, on la prit à la légère. Il a fallu attendre longtemps pour que deux agents arrivent et convoquent les deux demoiselles qui furent renvoyées chez elles, avec la promesse de ne pas « prévenir les parents » et les autres collégiens ont été simplement priés de déguerpir. Le pire dans l'histoire c'est que la maman de l'une des demoiselles est venue elle-même se venger de ce qu'on « a fait subir à sa fille ». Elle prétendait « qu'elle était chez elle et qu'il n'y avait pas de place pour les noirs »... « Tous dehors sales singes...Rentrez chez vous on ne veut pas de vous ici… » Hurlait-elle sans que personne ne bronche !
Prétendre à un cas isolé serait mentir ou se voiler la face. La majorité des Africains faisant leurs études ici ont été au moins une fois victimes d'un racisme direct, sans compter les personnes croyant qu'elles ne comprenaient pas l'arabe et qui se laissaient aller à des commentaires déplacés et des moqueries à l'encontre des noirs. Entre la méchanceté du racisme direct et « l'innocence » d'une envie de s'amuser aux dépens d'autrui, profitant de leur méconnaissance de la langue arabe, les noirs chez nous, sont forcément ces singes venus du fond de l'Afrique, sentant mauvais et oubliant de se laver… La couleur noire chez beaucoup de Tunisiens est aussi un caractère identitaire stigmatisant… Compliqué, si l'ont veut comprendre si le Tunisien – blanc, brun, ou jaune – en veut à la couleur noire ou à la nationalité des pays du centre et du sud de l'Afrique.
« Les juifs qui sentent mauvais »
La communauté juive tunisienne fut elle aussi longtemps réduite au silence malgré les déclarations et les fausses effusions sentimentales, ne voulant pas quitter la Tunisie comme l'ont fait presque un million de juifs arabes ayant été obligés de fuir leur pays natal, ils ont dû accepter de se taire pour ne pas ternir l'image de la Tunisie contre cette protection policière, qui est aussi surveillance, qui leur a été accordée par l'ancien président.
« A l'école, j'ai toujours été frappé par « les jeunes de mon quartier » simplement parce que je suis juif, j'étais gosse, je ne comprenais pas pourquoi tant de violences à mon égard »… Nous témoigne L. S un jeune de 30 ans. Outre le racisme direct qu'il a subi, il a dû passer sa vie en faisant semblant de ne pas entendre les vexations indirectes de racisme qui échouaient dans ses oreilles de la part de Tunisiens ne connaissant pas sa confession. Il a dû faire avec : « des Juifs que Dieu t'en préserve », « un chien de juif », « un sale juif ». Lui, ses amis, sa communauté ont dû subir cela des centaines de fois dans leur vie et essayé de faire semblant de n'avoir rien entendu. Aujourd'hui eux aussi ils parlent d'un racisme existant depuis l'ère Ben Ali, explosant aujourd'hui.
Avishaï Hattab est un jeune de 19 ans, l'été dernier il était dans un taxi à Hammamet, quand le chauffeur voyant quelques personnes juives – reconnues à la Kippa – lui lança, « tu vois ces juifs, que Dieu t'en préserve – se balader chez nous, qu'ils aillent chez eux ! », Avishaï n'a pas pu s'empêcher de lui dire que Dieu ne peut l'en préserver puisqu'il en est un et qu'ils n'iront nulle part d'autre car la Tunisie est leur pays. Le chauffeur s'est alors énervé demandant à H. pourquoi n'avait-il pas embrassé l'Islam et pourquoi ne rentre-t-il pas chez lui. Inutile d'essayer de le convaincre que chez lui, c'est la Tunisie.
Quant à Y. un autre jeune de confession juive, il s'est même fait attaquer physiquement quand un mec bourré dans une boîte s'est rendu compte qu'il était juif. Lors du mois de mai et avec l'annulation du pèlerinage de la Ghriba nous avons eu l'occasion de constater ce racisme effarant. Là où il y a l'information relative à la Ghriba, l'on peut lire des « juifs, cochons, juif qui pue, juif descendant du singe… » dans des centaines de commentaires.
Nous voulons bien croire que cet antisémitisme est la conséquence de la crise au Moyen-Orient, mais ce que l'on lit ou entend, n'a rien à voir avec un différend politique ou une lutte pour une cause. Les termes utilisés, dépourvus d'argumentation, de recherche de solution et de volonté réelle de participer à résoudre la crise – si vraiment ils pouvaient le faire, or ils sont ici à des milliers de kilomètres – ces termes sont des insultes pures et simples, crachant la haine et le racisme.
Si vraiment les Tunisiens pouvaient résoudre le problème Moyen-Oriental, ce n'est surtout pas en s'en prenant à des concitoyens de confession juive ou alors aux juifs tout court qu'ils le feront.
« La vérité est »
La vérité est que beaucoup de Tunisiens croient dur comme fer que les noirs et les juifs, « puent » qu'ils « sont moches », qu'ils n'ont pas de valeurs ni d'éthiques. Qu'ils sont « des arnaqueurs » et « des libertins »…
Cela est honteux de constater à quel point beaucoup de Tunisiens excellent dans l'art des insultes racistes et a-t-on aussi pensé à quel point c'est blessant de subir cela pour des gens ayant choisi de vivre chez nous comme les Africains, ou alors aimant la Tunisie au point de choisir de subir son racisme au lieu de la quitter pour les juifs ? Comment pouvons-nous prétendre à notre droit au respect et à la dignité si nous les confisquons ainsi aux autres ? Comment osons-nous critiquer un soi-disant racisme européen ou américain sans nous remettre en question nous-mêmes ?
Nous sommes en train de construire une nouvelle Tunisie, sa société a également besoin de se remettre en cause car c'est elle qui nous donnera « l'exemple arabe à suivre ». Le racisme ne devrait plus jamais passer sous silence, que le « pu » sorte et que le débat soit ouvert sur les chaînes de télés et les ondes des radios, afin de cicatriser la plaie et de mettre la première pierre dans l'Etat de droit. Des lois devraient aussi être élaborées contre les racistes et ceux qui incitent à la haine.
Hajer AJROUDI

L'avis du sociologue
Imed Bouaziz : « Aujourd'hui plus ce que jamais le phénomène doit être étudié et le débat ouvert »
« Le racisme en Tunisie, même s'il n'a pas les mêmes formes que dans d'autres pays, comme il l'a été en Afrique de Sud par exemple, existe bel et bien. Seulement, chez nous, le contexte socio-politique existant et le refus d'en parler, ont fait qu'il soit latent. Mais à chaque occasion, le racisme émerge et explose. Notons d'abord que la discrimination dans son sens large existe fortement chez nous, même dans le système scolaire et les institutions de l'Etat.
Nous devons étudier ce problème, c'est le moment de le faire pour parler et construire un Etat de droit. Il n'existe pas d'études qualificatives sur le sujet, or il faut y procéder, ensuite, les médias doivent en débattre et s'impliquer dans la lutte contre le racisme et ses dimensions. L'approche doit être très méthodique.
La dimension la plus courante chez nous est celle du racisme inter religieux, entre le musulman et le non musulman. Or, la Tunisie Civile et Plurielle doit se construire sur de bonnes bases. Le 14 janvier, nous avons fait une Révolution, dont on ne peut cueillir les fruits sans une vraie culture, celle là se base sur la recherche, les études, les débats pour aboutir aux respects de Droits de l'Homme fondamentaux pour un Etat libre et démocratique ».
H.A
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