Ce qui s'est passé lors de la séance du lundi matin 16 avril à l'Assemblée nationale constituante est tout simplement ahurissant. Les incidents qui émaillent les « travaux » des élus deviennent récurrents et loin d'envoyer aux Tunisiennes et aux Tunisiens les signaux tant attendus d'optimisme et d'espoir. Ils les replongent invariablement dans le doute, dans l'inquiétude, voire dans la peur de lendemains faits d'incertitudes. Pourtant, l'ordre du jour portait sur un sujet autour duquel l'unanimité pouvait être faite, s'agissant tout bonnement du sort devant être réservé aux martyrs et blessés de la Révolution, qui n'a que trop duré, nous semble-t-il, et qui s'inscrivait dans l'urgence. Cette affaire semble être devenue une pomme de discorde et en tout cas, elle a été une occasion que certains ont encore une fois saisie afin de « régler des comptes ». L'ANC est devenue à l'évidence une foire d'empoigne où l'enjeu principal, voire majeur, semble résider plus que jamais dans un positionnement politique stratégique, plus clairement en une volonté indéniable d'accaparer le pouvoir sans partage. De ce fait, l'hémicycle apparaît aujourd'hui comme un prolongement des scènes de la rue. La similitude est assez frappante, troublante même. C'est que personne n'a besoin de l'autre pour être ridicule et les raisons de tels comportements sont si insignifiantes comparées à la mission pour laquelle tout ce beau monde a été investi et autour de laquelle doivent être concentrés tous les efforts et établis tous les débats. Cependant, chaque jour une preuve supplémentaire nous est administrée du manque de maturité de nos élus qui, par leurs actes consacrent la rupture totale et irrémédiable des canaux de communication entre la Troïka gouvernante et l'opposition. La première est constamment à cran qui voit dans la moindre critique une intention de « renverser » le gouvernement et qui, rejetant toute voix discordante, s'en va crier obsessionnellement à la trahison, dénonçant et accusant de complot les médias, les destouriens, les Benalistes, les gauchisants, les démocrates, les laïcs, les communistes, les trotskistes, les nihilistes…L'opposition, pour sa part, ne semble pas pouvoir -ou vouloir- faire la part des choses en versant invariablement dans la critique facile et systématique du rendement du gouvernement, donnant l'impression qu'elle n'a toujours pas digéré son échec électoral ni dépassé ses contradictions et qu'elle cherche à mettre le gouvernement en réelle difficulté. Mais revenons à l'hémicycle et voyons ce qui cause notre ahurissement. Il y a quelque temps, nous titrions ici même « Y a-t-il un sage dans l'hémicycle ? » La réponse nous est venue du Bardo. Non ! Ou alors s'il y en a une, elle est inaudible, noyée dans une cacophonie ambiante que nos élus semblent avoir amplifiée à l'extrême. Un opposant ouvre-t-il la bouche que des dizaines de voix s'élèvent de l'autre bord pour la lui « boucler ». Le président de l'ANC, appelé à jouer le modérateur, se montre plutôt prompt à alimenter les ressentiments en maniant avec une déconcertante aisance l'interrupteur de son, au grand désespoir de l'intervenant et de ses pairs. M. le président de l'ANC donne l'impression, par ailleurs, d'outrepasser ses attributions en « renvoyant » tout un groupe de parlementaires de la salle de réunion. Il nous semble qu'il devait les rappeler à l'ordre avant de convoquer le fautif dans son bureau. Ce qui nous parvient de l'ANC sont autant d'anomalies que nous déplorons! Nos élus nous donnent davantage de preuves d'irresponsabilité que des signes perceptibles annonciateurs d'une sortie de crise et d'un engagement dans la voie d'une résolution, ou du moins d'un traitement sérieux, des problèmes vécus par un peuple qui, visiblement, commence à montrer des signes d'impatience. Ils doivent se remémorer les raisons qui ont conduit le peuple à les élire et à y œuvrer. A bon entendeur…