Le docteur Moncef Marzouki, président de la République, a surpris tout son monde en appelant la Constituante à adopter une loi qui incrimine les auteurs des accusations de blasphème. Cet appel semble avoir été bien accueilli par les élus de la Nation et il y a de fortes chances qu'une telle loi soit édictée. Ce n'est pas très tôt, est-on en droit de dire, car devant le silence assourdissant observé par le gouvernement face au phénomène, les adeptes des libre-pensée, agnostiques et autres incrédules et laïcs avaient bien raison de trembler. Ils avaient surtout intérêt à retenir leurs langues et à taire leurs stylos, tout ce qu'ils diraient pouvant être retenu contre eux. Ils seraient les victimes collatérales d'opérations punitives verbales, précédant probablement des actions plus agressives, car prônant des « idées jugées contraires au bon sens subjectivement religieux.» Ce qui semble avoir inspiré notre président d'entreprendre cette démarche, que d'aucuns jugent tardive, ce sont les déclarations d'un quidam qui s'est présenté comme un pieux « citoyen » et qui n'a pas hésité, sur les ondes, à jeter l'anathème sur une concitoyenne et à la déclarer tout de go impie donc digne de « leurs » pires châtiments terrestres, dans l'attente qu'Allah achève, dans l'au-delà, ce que lui, le juste, et ses pairs auront commencé ici-bas. Depuis que de tels énergumènes s'arrogent le droit de diaboliser ceux qui ne partagent pas leurs points de vue, le pays semble plonger la tête la première dans d'insondables fossés de discorde et de divisions, ce qui est, à n'en point douter, une menace potentielle planant sur la paix sociale proverbiale du Tunisien. La requête présidentielle vient donc dessiller les yeux et ramener les regards sur un véritable danger qui va s'amplifiant devant une inexplicable passivité des pouvoirs face aux comportements de gens souvent ignares et ne possédant aucune attribution ni scientifique, ni religieuse, ni exégétique pour ranger les gens dans des classifications dichotomiques réductrices, imparfaites et erronées. La Tunisie éprise de paix qui a, dans un élan révolutionnaire extraordinaire, balayé les suppôts du despotisme est jalouse de la solidarité de ses enfants, de leur cohésion légendaire, de leur fraternité indéfectible, et elle n'est nullement disposée à laisser ouvrir la porte aux dépositaires de l'ignorance et de l'obscurantisme. Le président de la République a donné l'éveil, au Chef du gouvernement et au président de l'ANC d'annoncer leur position vis-à-vis de ce danger que font courir à notre pays quelques individus d'importance infime mais dont la capacité de nuisance est incommensurable.