Je me mets à vraiment aimer la radio tunisienne. La liberté acquise lui offre aujourd'hui des opportunités inouïes de nous divertir de bien différentes manières, toutes aussi subtiles et efficaces les unes que les autres. Une émission me passionne particulièrement parmi toutes celles que l'on nous sert dans le but avoué et clamé haut et fort de nous informer, éduquer, éclairer, divertir. Celle de radio Mosaïque, diffusée entre midi et quatorze heures, animée par le jeune Naoufel Ouertani qui fait un travail vraiment excellent. « Midi Show », en effet, colle à l'actualité quotidienne et tente de procéder à une analyse critique et approfondie des faits sociaux, économiques, politiques…. Il est devenu presque un privilège pour les personnalités invitées de tous bords et de toutes obédiences de se laisser « débriefer » par un animateur dont l'assurance le dispute souvent à une maîtrise du sujet et à une verve malicieuse, parfois polémique. A la grande joie assurément d'auditeurs longtemps sevrés d'intéressantes causeries. Cependant, l'animateur-producteur, grisé par ses succès jaugés à l'audimètre ou peut-être fidèle à certains principes, néglige cette faculté de discernement qui imposerait que l'on fasse le choix difficile certes mais judicieux de ses invités. Qu'il fasse appel à des politologues, à des économistes, à des sociologues…pour faire la lumière sur une question cruciale pour le pays ne saurait souffrir de la moindre contestation. Certains personnages loufoques ont été invités également à cette émission. Leur passage pouvait être mis sur le compte du simple divertissement. Hélas, l'esprit de l'émission voulait qu'elle devienne le rendez-vous de tous les échantillons humains qui viennent d'éclore sous nos cieux à la faveur de la Révolution. Nous avons vu défiler des Boussarsar, des Ellouze, des Abou Yadh, j'en oublie, et pas plus qu'hier, mardi 19 juin, un certain quidam dénommé Laâbidi qui a, du haut d'une chaire et à l'occasion de la prière du vendredi, appelé au meurtre d'artistes-peintres qu'il accuse, par simple ouï-dire, d'avoir offensé le Prophète et porté atteinte à la religion. La question qu'aurait dû se poser M. Ouertani est de savoir s'il fallait inviter le sieur Laâbidi pour lui offrir une nouvelle chance de justifier son appel haineux et criminel. C'était, a posteriori, lui donner l'occasion d'élargir son cercle d'audience et lui permettre de toucher ceux que ses élucubrations n'ont pas encore atteints. Qu'attendait-on d'un individu pareil sinon qu'il allait persister et signer ses méfaits à ce stade verbaux ? Sa sortie d'hier, in live, ses extraordinaires sautes d'humeur, son caractère irascible, ses propos outranciers à la limite de l'offense à l'adresse des plasticiens puis des journalistes et ses promesse, à leur encontre des pires tourments de l'enfer. C'est ce même personnage qui revendique le retour à l'enseignement zitounien d'antan et qui préconise d'y intégrer les enseignements scientifiques. Ne serait-il pas capable de faire fabriquer en « labo de chimie » la bombe qui désintègrerait ces mécréants d'artistes peintres qu'il voue aux gémonies ? Alors, fallait-il lui donner la parole et faut-il continuer à lui ouvrir, ainsi qu'à ses pareils, une tribune médiatique aussi libre pour qu'il puisse distiller ses idées obscurantistes, foncièrement haineuses et criminelles ? La question est posée. D'autant plus sérieusement que bon nombre d'auditeurs, parmi ceux qui se délectent de telles paroles, ne sont point dotés du jugement approprié pour séparer le bon grain de l'ivraie si tant est que dans les divagations et extravagances du sieur Laâbidi, il y ait une seule once d'utilité ou de salut pour les hommes et pour le pays.