Rien ne va plus entre le ministère du Commerce et les hommes d'affaires. Les élections des chambres de commerce et d'industrie à travers la République ont été avortées suite à un jugement en référé du tribunal administratif en date du 09 Décembre 2013. Elles étaient initialement prévues pour la date du 29 décembre prochain d'après les textes de lois parus à cet effet. Il s'agit du décret 2013-1331 du 07 Mars 2013 portant sur l'organisation des ces chambres et le décret 2013-1332 de la même date portant sur les conditions de souscription aux listes électorales. Le décret n° 2013-3762 du 19 septembre 2013, modifiant et complétant le décret n° 2013-1332 du 7 mars 2013 relatif à la fixation des conditions et des procédures relatives à l'inscription sur les listes électorales et finalement l'arrêté du ministre de l'Intérieur et du ministre du Commerce et de l'Artisanat du 23 octobre 2013, relatif à la fixation de la date de déroulement des élections des membres des comités des chambres de commerce et d'industrie. Jusqu'à mars 2013, tout avait l'air de bien fonctionner. Les élections des chambres de commerce et d'industrie ont certes tardé et étaient très attendues... par certains… Elles étaient prévues initialement pour avril 2012 mais les évènements survenus dans le pays et la succession des gouvernements avaient constamment entravés l'évènement. Après l'édition des décrets de mars 2013, les protagonistes de ces élections et notamment hommes d'affaires et autres commerçants et artisans pronostiquaient qu'elles n'allaient plus tarder et se dérouleraient au mois de mai 2013 au plus tard. C'était sans compter sur les arrières pensées politiques et les petits arrangements entre amis… Les chambres de commerce et d'industrie sont des établissements publics d'intérêt économique, dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Placées sous tutelle du ministère de Commerce, elles sont créées sans capital et sans but lucratif et contribuent à la promotion des secteurs du commerce, de l'industrie, de l'artisanat ainsi que les métiers. Les membres de ces chambres sont des patentés faisant partie de ces secteurs. Quand le ministère de tutelle a décidé de lancer ces élections, le ministre Abdelwahab Maatar a entrepris de rencontrer, à plusieurs reprises, des hommes d'affaires indépendants et autres hommes d'affaires appartenant à l'UTICA, la centrale patronale afin de sonder leurs aspirations par rapport aux changements de fonds qu'ils n'arrêtaient pas de demander depuis un moment quant au rôles et prérogatives des dites chambres. Ces rencontres se sont déroulées, entres autres, au CEPEX, et au siège du ministère. Le ministre a alors promis d'apporter des changements radicaux. Mais rien n'a été fait ; après la parution des décrets de mars 2013, les hommes d'affaires ont été déçus. Aucun changement n'a, en effet, eu lieu, et à l'adversité de commencer. Vient par la suite une période de léthargie et d'attentisme et voilà que le ministre du Commerce remet ça et ne trouve pas mieux qu'à faire paraître un nouveau décret modifiant et complétant celui de mars dans lequel il garde le statut-quo et ne tient aucunement compte des critiques et puis d'un arrêté d'octobre relatif à la fixation de la date de déroulement des élections ou il fixe celle-ci au 29 décembre 2013. L'adversité devient défiance. A partir de là, tout s'emballe. Les escarmouches commencent : d'abord dans les bureaux pour se déplacer après vers les plateaux de radio et de télévision. L'UTICA fait paraître un communiqué officiel où elle fustige la date du déroulement du scrutin, entre autres, pour des raisons sécuritaires mais pas seulement. A cette date là, non seulement les conditions sécuritaires ne sont pas réunies mais en plus les hommes d'affaires sont occupés par les travaux de fins d'exercice comptable et ne peuvent pas se libérer pour s'occuper des élections. Quant au ministère du Commerce, plus il parle, moins il convaincre. Les chambres de commerce descendent dans l'arène conflictuelle et la boucle est bouclée. Le conflit prend plus d'ampleur et est porté devant le tribunal administratif. En effet, quelques unes des chambres de commerce, notamment celle de Tunis, forte de sa personnalité morale et de l'autonomie financière décide de se constituer partie civile et faire intervenir la justice notamment sur les points où elle estime que les hommes d'affaires ont été lésés, lesquels sont la non éligibilité des candidats ayant brigué auparavant deux mandats successifs avec effet rétroactif ; autrement dit, tous les élus d'avant la révolution du 14 Janvier 2011. Ce qui semble être plutôt un règlement de comptes qui ne dit pas son nom, dont le but unique est d'instrumentaliser ces élections afin qu'elles ne soient qu'une occasion pour liquider à jamais les comités considérés comme faisant partie de l'ancien régime, piétinant, au passage, le sacro-saint principe général de la non rétroactivité des lois. A cela s'ajoute le caractère unilatéral des décisions ministérielles dans la mesure où les décrets ont été élaborés sans aucune concertation avec les personnes directement concernées à savoir les hommes d'affaires et notamment les membres des chambres. En outre, les décrets et arrêtés de 2013 ont attribués aux directions régionales de commerce les prérogatives de supervision des élections, ce qui écarte les premiers concernés, en l'occurrence, les hommes d'affaires et porte un coup à l'indépendance desdites chambres. Dans les comités de supervision des élections qu'elles soient régionales ou nationale, aucun siège n'est accordé à un observateur indépendant. Tous les membres, en effet, sont des fonctionnaires de différents ministères. De mauvaises langues, affirment même, non sans pertinence, que les textes de lois ont été élaborés sur mesure pour ouvrir la voie à certaines organisations patronales concurrentes à l'UTICA. D'autres disent que c'est faux. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que plusieurs candidatures présentées dans les délais règlementaires et dûment remplies ont été refusées sous prétexte que la présentation de la candidature doit être personnelle. Or, en se rendant dans les sièges d'une des directions régionales du commerce, à la date de 27 novembre 2013, vers 23h (alors que le dernier délai était fixé à minuit) plusieurs hommes d'affaires ont été sommés de confier leurs candidatures à une seule personne qui les représenterait et qui se chargera du dépôt de la totalité des dossiers. Après le dépôt, le responsable a demandé à ce groupe de venir chercher leur récépissé de dépôt le lendemain car il était tard. Le lendemain, la direction régionale du commerce concernée a refusé, tout bonnement, de leur délivrer le récépissé de dépôt sous prétexte que le dépôt n'a pas été entrepris personnellement. Et ce n'est pas un cas isolé : des incidents similaires se sont produits dans d'autres administrations. Quoi qu'il en soit, les élections ont été annulées. Le ministère du Commerce a, d'ores et déjà, annoncé qu'il comptait se soustraire, non sans regrets, à la décision de justice et de reporter les élections à une date ultérieure. Affaire à suivre.