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Réforme de l'enseignement supérieur et trappe de la mauvaise gouvernance universitaire en Tunisie (IV)
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 07 - 2015


Par Pr Karim Ben Kahla
I - Des universités en manque d'intelligence
Le constat est clair et sans ambiguïté : notre université vit une crise de performances et d'intelligence. Aussi paradoxal que cela puisse être, alors qu'elles sont supposées produire et transmettre la connaissance du monde, nos institutions universitaires ne connaissent ni leur environnement, ni leurs étudiants, ni leurs diplômés, ni leurs enseignants ni enfin leurs propres administrations. On y traite des numéros, des dossiers et des copies anonymes. Aveugle ou aveuglée, la bureaucratie universitaire est à la traîne et est incapable d'être à l'écoute de son environnement interne et encore moins de celui externe. Il s'ensuit, et à tous les niveaux, de faibles interactions et synergies et une véritable crise d'intelligence dans le double sens d'incapacité de s'adapter et d'apprendre et d'incapacité de créer et d'innover. Cela va des enseignants aux départements, aux établissements, aux universités et jusqu'aux ministères concernés par le développement du capital humain en Tunisie : on ne travaille pas ensemble, on s'ignore et on navigue dans le brouillard, pour ne pas dire le noir. Au-delà de l'explication bureaucratique, plusieurs acteurs dont des décideurs politiques et surtout des universitaires restent prisonniers d'une conception rigide et quasi idéologique de l'université. En bout de course, une panne de l'imagination universitaire, une incapacité de s'adapter et d'imaginer un autre avenir et surtout de faibles innovations institutionnelles, organisationnelles, académiques et pédagogiques condamnant notre enseignement supérieur à l'immobilisme ou alors au plagiat et au suivisme.
Cette crise de la performance et de l'intelligence a deux principales conséquences:
Les «échecs» de l'université aux différentes «épreuves» posées par la société et l'économie tunisienne (créer et diffuser le savoir, créer des compétences susceptibles d'infléchir les attentes des investisseurs/recruteurs et de créer des emplois pour les futurs diplômés, créer des richesses, développer la société, etc.).
Des universités et des établissements universitaires qui fonctionnent comme des machines diplomantes, incapables d'écouter, de communiquer, de connaître, de s'adapter et d'innover.
Or, rien, absolument rien du tout, aucune réforme ni aucun changement ne sera possible sans des organisations capables d'«intelligence» collective et des institutions et des structures «apprenantes».
Six principes ou axes stratégiques d'intervention pourraient contribuer à l'avènement d'une nouvelle gouvernance universitaire et à la résolution ou du moins l'atténuation des méfaits de cette évolution vers des universités en manque d'intelligence. A leur tour, ces axes devraient donner lieu à des décisions et à des actions concrètes qui seraient encadrées par de nouveaux textes réglementaires tout en étant adaptées aux spécificités locales des différentes institutions :
1. Former à tous les niveaux : il est, par exemple, regrettable et étonnant que les responsables élus soient livrés à eux-mêmes et ne reçoivent aucune initiation aux principes du management public ni aux rudiments du leadership.
2. Informer et créer des réseaux : mettre en place des systèmes d'information (internes et externes) et des bases de données sur tous les processus académiques ou administratifs ainsi que sur les «inputs» et les «outputs» de ces deux systèmes.
3. Communiquer/expliquer sur toutes les décisions, apprendre et capitaliser de toutes les actions (surtout des échecs comme le furent certaines réformes. Cette communication suppose un effort de pédagogie envers tous les acteurs à commencer par les enseignants-chercheurs).
4. Démultiplier les interactions et les coopérations en interne et en externe (avec les autres systèmes et ministères en charge de la formation du capital humain et entre les institutions). Il faudrait faire de l'université une «affaire de société» et faciliter l'échange de connaissances, expériences et moyens entre tous (benchmarking, questions transversales, etc.).
5. Généraliser les évaluations (tous les responsables, toutes les structures toutes les politiques sont systématiquement évaluées).
6. Renforcer les capacités d'adaptation et les marges d'autonomie de tous les acteurs, à tous les niveaux.
Voici, à titre simplement indicatif, quelques exemples d'actions qui pourraient être menées à court terme (dans un horizon de trois ans) et qui découlent de ces axes stratégiques de la réforme:
Au niveau des établissements d'enseignement supérieur :
Créer des organigrammes académiques et administratifs (il faudrait notamment remplacer le poste de directeur des études et des stages par une direction des relations avec l'environnement et de l'insertion professionnelle et une direction des études, de l'évaluation et de la qualité).
Relancer les contrats-programmes des établissements.
Former les responsables administratifs des stages pour en faire de véritables conseillers en emploi (un programme pourrait être mis en place avec l'aide du ministère de l'Emploi).
Permettre aux établissements de gérer de façon autonome les ressources développées à partir des prestations fournies à leur environnement.
Créer une instance stratégique d'orientation et d'évaluation pour chaque établissement. Cette instance se réunirait une à deux fois par an et à chaque fois que cela serait nécessaire. Elle serait notamment composée d'acteurs importants de l'environnement socioéconomique et d'anciens de l'établissement en question.
Encourager la création d'associations de promotion de l'innovation et de la qualité au niveau de chaque établissement?
Lancer des modules facultatifs d'évaluation en ligne des enseignements (les universités pourraient être chargées du pilotage des systèmes d'évaluation).
Au niveau des universités :
Revoir les découpages institutionnels des universités et demander à celles-ci un plan pour revoir les découpages institutionnels en leur sein et créer des synergies entre établissements.
Impliquer et responsabiliser les universités dans les questions de développement régional (chaque université devrait avoir une vision et un projet pour sa région).
Faire des universités des centres de synergies, d'évaluations et de développement technologique.
Lancer les observatoires universitaires et créer des observatoires dans chaque établissement.
Autres intervenants :
Encourager les sociétés savantes en les impliquant dans les évaluations et accréditations, en les associant aux commissions sectorielles et en les chargeant d'élaborer des observatoires et des «livres blancs» disciplinaires.
Définir les grands principes pour un fonctionnement harmonieux et équilibré des commissions sectorielles.
Etc.
II - Des universités en manque d'universalité
Par manque d'universalité nous entendons une véritable crise de vocation d'un enseignement supérieur dont les balises éthiques, morales voire idéologiques sont atrophiées. Le mondial s'étant substitué à l'universel, le particulier au général, notre université n'est plus au service de valeurs universelles. Au contraire, et dans les faits, elle aggrave les inégalités, «normalise» l'opportunisme et la corruption, limite les marges de liberté de nos jeunes et produit des frustrations et de l'aliénation avec tout ce que cela charrie comme sentiment d'impuissance, illusion de compétence et enfermement dans des grilles et des représentations théoriques inadaptées. Au lieu de servir par ses discours et ses pratiques des valeurs universelles, l'université sert de plus en plus des intérêts particuliers ou ceux du marché. Le règne de la débrouillardise et de la ruse se substitue à celui de la rigueur et de l'intelligence. Les phénomènes de triche, corruption, plagiat, clientélisme, corporatisme, mandarinat, carriérisme, cours particuliers... sont légion. Les diplômes passent avant les savoirs, la recherche sert moins à produire des connaissances scientifiques que des carrières universitaires et les moyens se substituent aux fins dans une forme de dérive voire de corruption généralisée et normalisée d'un système qui n'est plus au service de ce pourquoi il avait été créé. Très rapidement, le cercle vicieux ou la trappe de la mauvaise gouvernance à tendance à se refermer : plus les «bons» enseignants déserteront l'université, plus celle-ci subira la crise de vocation et sera captée par des carriéristes ou des opportunistes qui pensent à se servir avant de servir.
Or, rien, absolument rien du tout, aucune réforme ni aucun changement ne sera possible sans une vision et des politiques de l'université qui la positionnent comme étant au service de valeurs universelles et de l'intérêt commun. La révolution tant espérée ne touchera pas notre université tant que celle-ci ne saura pas transformer les valeurs de la modernité en des idéaux partagés qui fassent non seulement croire en un monde meilleur, mais espérer y prendre place et y contribuer. L'université devra réenchanter son époque et donner à tous ses acteurs (étudiants, enseignants et administratifs) matière à rêver afin d'éviter de s'écraser sur une réalité médiocre qui fait de la triche le plus court chemin pour grimper.
Six principes ou axes stratégiques d'intervention pourraient contribuer à l'avènement d'une nouvelle gouvernance universitaire et à la résolution ou du moins l'atténuation des méfaits de cette évolution vers des universités en manque d'universalité. A leur tour, ces axes devraient donner lieu à des décisions et à des actions concrètes qui seraient encadrées par de nouveaux textes réglementaires tout en étant adaptées aux spécificités locales des différentes institutions :
1. Transparence à tous les niveaux, sur toutes les décisions et sur les critères de choix de tous les responsables.
2. Redevabilité de tous et sur toutes les actions. Il s'agira notamment de clarifier les fonctions et les missions de tous les intervenants. Pour cela, il faudra notamment revoir l'architecture globale du système, délimiter les zones de pouvoir, élaborer des organigrammes académiques et administratifs, des fiches de fonction, etc.).
3. Participation ouverte et élargie: l'université est une affaire de société et pas uniquement d'universitaires.
4. Evaluations/accréditations réellement indépendantes et impliquant les partenaires sociaux (société civile, société savante, etc.).
5. Bien organiser des contre-pouvoirs réels et des mécanismes de redevabilité à chaque fois qu'on décentralise/responsabilise/donne du pouvoir.
6. Sanctionner clairement et nettement toute dérive opportuniste.
Voici à titre simplement indicatif quelques exemples d'actions qui pourraient être menées à court terme (dans un horizon de trois ans) et qui découlent de ces axes stratégiques de la réforme :
Revenir aux vrais principes du LMD et envisager la possibilité d'introduire (de façon facultative) un diplôme de bachelor (à Bac+4) pour les institutions qui le désirent. Avec l'application biaisée des 25% au baccalauréat, la réduction (pour des raisons de coûts) du LMD au remplacement du Bac+4 et du Bac+6 par un Bac+3 et un Bac+5 (alors que l'un des objectifs du processus de Bologne était de rallonger la durée moyenne des études) a été un véritable crime commis contre la jeunesse de ce pays. Cette révision du LMD et l'éventuelle introduction d'un nouveau niveau de diplomation permettrait:
– De revenir au véritable esprit du LMD (avec notamment une vraie mobilité inter et intra-branches et institutions; la pluri et l'interdisciplinarité, la lisibilité des formations, la formation aux humanités, etc.).
– De rectifier le tir en matière d'horizon académique des jeunes Tunisiens.
– De donner plus de flexibilité au niveau des offres de formation.
– De jeter un pont vers le système éducatif anglo-saxon (aujourd'hui dominant).
– De consacrer la première année de l'enseignement supérieur aux enseignements transversaux et à la construction d'un projet professionnel.
– De généraliser une expérience qui existe déjà (au niveau d'un seul établissement universitaire) !
Lancer des projets de co-diplomations entre des universités du Maghreb et des diplômes universitaires maghrébins.
Elaborer une loi cadre relative à la gouvernance et au fonctionnement démocratique des universités et des établissements d'enseignement supérieur (revoir les textes actuels relatifs aux élections qui consolident le clientélisme au détriment des bilans et des programmes; donner la possibilité aux conseils de retirer leur confiance aux élus; organiser les contre-pouvoirs: conseil scientifique, conseil de département, assemblée générale des enseignants et conseil de l'université).
Revoir le texte régissant l'Instance nationale de l'évaluation, de l'assurance-qualité et de l'accréditation (décret 2012-1718) pour une véritable indépendance de celle-ci (indépendance notamment vis-à-vis des intérêts privés).
Revoir les conditions de passage au statut d'établissements publics à caractère scientifique et technologique.
Remplacer les conseils de discipline pas des conseils de l'éthique et de la déontologie universitaire en leur donnant des prérogatives préventives et curatives élargies.
Encourager l'élaboration de codes de conduite et de chartes éthiques pour tous les intervenants (étudiants, enseignants et administratifs)
Encourager les établissements universitaires à lancer des programmes «nouvelle chance» pour leurs étudiants diplômés et en situation de chômage longue durée ainsi que pour leurs «drop out».
Etc.


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