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De l'immobilisme suicidaire et de l'inconscience collective
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 07 - 2015

«Pour triompher, le mal n'a besoin que de l'inaction des gens de bien» (Edmund Burke)
Par Hédi Ben Abbes
Je mets en épigraphe cette maxime d'Edmund Burke, écrivain et homme politique irlandais du milieu du 18e siècle pour pousser un cri d'alarme et de ras-le-bol et pour illustrer le mal qui ronge notre système politique et notre société. En effet, jamais tout un peuple et plus particulièrement sa classe politique n'auront fait preuve d'autant d'aphasie, d'inconscience et de volonté nihiliste que ce que nous vivons aujourd'hui en Tunisie.
Je commence par accorder un crédit de bonnes intentions à tous en précisant que les bonnes intentions ne suffisent pas, et comme le dit la sagesse populaire, le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions. Qu'elles peuvent même être nuisibles si elles ne sont pas accompagnées de l'efficacité dans l'action, du courage, de l'abnégation et de la rationalité dans la méthode.
Nous assistons aujourd'hui, médusés, à la mort à petit feu de notre Tunisie et nous sommes tous devenus autistes et aveugles, feignant de ne pas savoir ce qui se déploie devant nos yeux et repoussant toujours à plus tard ce que nous aurions dû faire la veille.
La classe politique dans son ensemble et les partis qui sont aux manettes aujourd'hui sont paralysés par l'ampleur de la catastrophe — et le mot n'est pas assez fort — qui se déroule sous nos yeux et ils n'osent même pas dire la vérité à un peuple qui leur a confié son présent et son avenir. Cette vérité se décline comme suit :
L'actuelle classe dirigeante, la classe politique dans son ensemble, ceux d'aujourd'hui comme ceux d'hier sont tous responsables de la catastrophe que nous vivons aujourd'hui. Pire encore, personne n'a le courage de dire la vérité et de faire des propositions concrètes et réalisables pour tenter de sauver ce qui peut l'être encore.
Je vous accuse tous de vouloir assassiner notre Tunisie, de vouloir, sciemment, ou par naïveté, ou par inconscience et irresponsabilité ou tout à la fois, de laisser notre pays mourir à petit feu sans faire le nécessaire. Les uns souhaitent le pourrissement de la situation pour désigner les nouveaux coupables, les autres s'acharnent sur les responsables d'hier pour leur imputer la responsabilité tout entière de la catastrophe et en attendant, c'est la Tunisie qu'on assassine. Oui j'utilise à dessein le verbe «assassiner» car comment appeler autrement une telle catastrophe, un tel immobilisme, une telle apathie, une telle indifférence, voire de la complicité, dans les dérives irréparables qui nous vivons au quotidien. Aujourd'hui, en Tunisie on assassine au propre comme au figuré !
La vérité est aussi simple que l'irresponsabilité et l'inconscience d'une bonne partie de nos fonctionnaires dont la conscience professionnelle frise la hauteur du caniveau et qui de surcroît estiment que le salaire qu'ils perçoivent est un dû sans contrepartie.
Simple comme le syndicalisme devenu au-dessus des lois et même au-dessus de l'Etat et qui concourt à l'effondrement total de notre économie.
Simple comme une économie exsangue où les maigres ressources naturelles sont en panne car des politiques véreux ont fait croire à un peuple déjà frappé par la paresse et l'esprit de rentier qu'il peut dormir tranquille et attendre la manne de l'Etat pour lui payer sa chicha et son café.
Simple comme un pays dont l'attractivité est devenue négative — excusez cet oxymore. Non seulement la Tunisie n'attire plus personne, elle n'arrive même plus à garder le peu d'investissements qu'elle a et on assiste pétrifiés à l'hémorragie qui continue.
Simple comme un appareil sécuritaire dont les dysfonctionnements relèveraient de la criminalité à une échelle internationale.
Simple comme une société dont la crise identitaire est tellement aiguë que les discours sur l'homogénéité de la société et l'ancrage arabo-musulman sonnent comme un aveu du syndrome de l'autruche ! Quand tous les repères s'effondrent, quand il n'y a plus de projet pour le pays, le recours au conservatisme religieux devient la seule planche de salut. Le suicide d'une nation commence quand une grande partie de sa jeunesse n'aura plus rien à perdre et c'est déjà le cas.
Simple comme être le premier pays pourvoyeur de terroristes dans le monde et le gisement semble être inépuisable.
Simple comme une tendance générale à la tricherie, aux magouilles, à la corruption devenue endémique, à la spoliation des biens publics, à la saleté physique et morale, à l'inversion des valeurs.
Simple comme l'inconscience de celui qui veut tuer sa poule pondeuse pour en faire un festin un jour et mourir de faim le jour qui suit.
Simple comme notre incapacité à comprendre que nous faisons partie d'une civilisation vaincue et que pour renaître, il va falloir consentir d'énormes sacrifices.
Simple comme le fait de ne pas admettre que le sous-développement est d'abord humain avant d'être matériel, et nous sommes en passe de descendre dans les profondeurs abyssales de ce gouffre.
Simple comme le fait de confondre liberté et irresponsabilité et que nous sommes indignes de cette liberté transformée en arme de destruction massive comme le dit Victor Hugo en affirmant que « donner la liberté à un ignorant c'est comme donner une arme à un fou » ! Car la liberté commence là où finit l'ignorance. Dieu seul sait à quel point les 23 ans de Ben Ali ont concouru à faire d'une partie non négligeable de ce peuple des ignorants !
Simple comme l'immobilisme d'un exécutif sans vision, ni programme, ni plan d'action, ni prise de conscience de l'inadéquation entre les mesurettes prises et les énormes défis auxquels nous faisons face. Vous pouvez avoir toutes les bonnes intentions du monde mais les faits sont là et accablants : la formule n'est pas probante et ce n'est pas de la faiblesse que de le reconnaître mais c'est rendre un service au pays en étant prêt à changer de paradigme.
On s'attendait au rétablissement du prestige de l'Etat et à l'application de la loi, à plus d'Etat car la situation était déjà grave après 4 années de transition, on a eu une quasi-anarchie.
On s'attendait à de l'expérience, au courage politique, aux reformes, à l'assainissement de la situation, à de l'ordre dans les affaires publiques, à ne serait-ce que l'amorce d'une prise en main réelle des rouages de l'Etat, à un programme, à une feuille de route, à de projets concrets et chiffrés, on a eu plus d'insécurité, plus de marché parallèle, plus de grèves, plus de saleté, plus de délitement de l'administration, plus de corruption, plus de destruction des fondamentaux même de l'économie.
Vous êtes élus et nous souhaitons vous voir assumer vos responsabilités pleinement, mais la formule est non seulement inadéquate, elle est obsolète et contreproductive. Il faut sauver votre honneur et par là même sauver notre pays. Je souhaite que vous restiez au pouvoir autant que vous autorise la volonté du peuple, mais de grâce ayez la pudeur d'accepter que la voie choisie est non seulement sans issue, mais qu'en plus elle concourt à notre suicide collectif.
Ayez la pudeur de ne plus demander de l'aide étrangère quand vous n'avez ni stratégie, ni plan d'action ni coordination entre les départements ni même un semblant de feuille de route ou de vision politique claire. Aujourd'hui on ne parle pas de tiédeur de l'exécutif ou de mollesse dans la réaction, on est devenus un motif de désolation. On est devenus la risée du monde. Epargnez-nous la honte de voir les étrangers nous dire pudiquement, justement, de mettre de l'ordre dans nos idées et de savoir ce qu'on veut avant de venir les solliciter. Au lieu d'être dans l'action notre exécutif est dans la réaction et une réaction molle et inefficace.
On livre au monde les preuves que nous sommes indignes d'une démocratie. Nous sommes en train de donner raison, à commencer par le dictateur déchu et tous ceux qui ont toujours dit que nous ne sommes pas « mûrs » pour la démocratie et que la démocratie et les Arabes sont antinomiques.
Par notre attitude, nous sommes tous devenus complices des terroristes qui se posent aujourd'hui comme une alternative.
Aujourd'hui, ce sont nos vies qui sont en danger. A tous mes compatriotes je demande : avez-vous conscience du fait que ce qui guette la Tunisie, c'est la guerre civile ? Avez-vous conscience qu'à force de pillage, et de destruction de l'Etat on fait le lit aux ennemis de la Tunisie, aux obscurantistes et à leur macabre projet ? Avez-vous conscience qu'il n'y a plus rien à « gratter », que les caisses sont presque vides, que l'effondrement de l'économie ne relève plus de l'hypothèse mais que la question est plutôt « quand va-t-il arriver » ?
Avez-vous conscience que vous avez déjà consommé le présent de vos enfants et que vous êtes en train de compromettre leur avenir ?
Avez-vous conscience qu'à force de désintéressement des affaires publiques si ce n'est pour piller les maigres ressources de l'Etat, que très bientôt vous n'allez plus être maîtres de vos propres biens ?
Avez-vous conscience que votre irresponsabilité est à l'origine de l'effondrement prochain de tout le système ?
Avez-vous conscience que le temps des miracles est révolu et que seuls, la volonté, le travail, la responsabilité, le sacrifice de soi, le pragmatisme et l'amour du pays peuvent nous donner une chance de nous en sortir ?
Ou alors dois-je me résigner et admettre que je peux toujours me lamenter, la cause est déjà perdue comme le dit le poète Al Moutanabbi : «Man yahon eshoulou el hawenou aleyhi ma lijorhin bimeytin ilemou». «La blessure ne fait aucun mal à celui qui a déjà perdu sa dignité, il est déjà mort »
Dois-je admettre que nous sommes encore un peuple enfant qui a besoin d'être assisté et pris en charge, qui a besoin d'être sous tutelle, qui est inconscient et irresponsable, qu'il faut le prendre par la main et lui montrer ce qui est bien et ce qui est mal, bref refaire son éducation détruite par 23 ans d'un bénalisme ravageur des institutions et des valeurs ?
Aujourd'hui, nous n'avons plus que le choix entre le suicide collectif et la guerre civile d'un côté ou une prise de conscience de la gravité de la situation et l'amorce d'un véritable plan de sauvetage d'une Tunisie déjà sur les genoux. C'est une responsabilité collective qui demande un effort collectif sous la pulsion d'un exécutif digne de ce nom, dans une période où se conjuguent plusieurs guerres. Guerre contre l'obscurantisme destructeur auquel profite pleinement cette situation catastrophique, guerre contre le sous-développement humain, guerre contre l'empilement de plusieurs misères : économique, sociale, culturelle, affective et psychologique.
Je continuerai à m'indigner tant qu'il me reste un brin d'espoir de voir ce peuple recouvrer sa lucidité et réagir en adulte responsable. Un peuple capable de se prendre en charge et d'affronter la réalité sans détourner le regard.


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