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Aujourd'hui, se taire est une trahison
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 01 - 2000


Par Iman HAJJI
Le 7 janvier 2015, une partie de la rédaction du journal hebdomadaire Charlie Hebdo est assassinée. L'attentat meurtrier prend la vie de douze personnes, dont deux policiers. Les assassins, deux frères islamistes radicaux, prétendent avoir « vengé le Prophète ». Par la suite, quatre citoyens français de confession juive sont également assassinés dans un commerce casher par un islamiste radicalisé. La mobilisation en réponse à cette tragédie est sans précédent. Elle compte près de quatre millions de manifestants dont plusieurs représentants d'autres pays venus exprimer leur solidarité avec la France et leur attachement à la liberté d'expression. Nous n'allons pas nous attarder sur la présence douteuse de certains représentants comme notamment le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ou le Premier ministre turc Davutoglu lors de cette manifestation, ni sur les raisons socioéconomiques qui favorisent la radicalisation des jeunes Français aujourd'hui. Nous laisserons aussi de côté le conflit israélo-palestinien, qui pèse sur les relations entre les mondes de l'Islam et les pays occidentaux dont le soutien inconditionnel à Israël, la « fracture imaginaire » entre un Islam et un Occident présentés comme des entités monolithiques et éternelles, tout comme les impasses de la politique française et des institutions de la République qui défendent, aujourd'hui, une laïcité étriquée et exclusive qui stigmatise une partie de la population contrairement aux principes mêmes de la laïcité. Nous n'allons pas non plus parler d'un trait commun à toutes les religions, et non seulement aux monothéismes, celui qui en fait à la fois une source pour des liens de solidarité et un motif de haine et de destruction. Notre démarche a pour mobile l'obligation de prendre en considération des malaises profonds, des phénomènes accablants et des réalités douloureuses qui frappent, aujourd'hui, les populations de cultures islamiques, en France et dans le monde. « Un jour vient où le silence devient trahison !», proclame contre la guerre du Vietnam l'exergue de la déclaration du comité « Clergy and Laymen Concerned about Vietnam » dont faisait partie Martin Luther King Jr. Aujourd'hui, nous vivons une époque où le silence est une trahison. Nous allons donc parler avec toute humilité et conscience de notre vision limitée. Nous observons chez les musulmans le même réflexe réédité face à la barbarie de l'islamisme radical et aux actes de violence commis au nom de l'Islam. Chaque fois, nous entendons le même discours apologétique : «Ce n'est pas l'Islam !». Et pourtant, ces actes de barbarie sont commis au nom de l'Islam et leurs auteurs trouvent leurs justifications dans les textes sacrés de cette religion. Depuis le 11 septembre 2001, on entend le même discours. On investit beaucoup d'énergie dans l'autodéfense sans oser l'autocritique. Une telle réaction est, peut-être, humainement compréhensible, mais est-elle bénéfique ? Les musulmans sont eux-mêmes la première victime de l'islamisme radical qui émerge dans une forme particulièrement effrayante et qui tue majoritairement des musulmans : l'Etat Islamique ou Boko Haram en donnent tous les jours de nouvelles preuves. La condamnation des actes terroristes en les présentant comme étrangers à l'Islam n'est plus une réponse suffisante. Ce qu'il faut, aujourd'hui, c'est l'exigence de sincérité qui commence par la prise de conscience d'une vérité, certes douloureuse, mais qui s'impose : l'Islam est atteint d'une maladie qui le ronge de l'intérieur, qui lui donne un visage hideux et qui se nourrit de ses fidèles. Cette maladie n'est pas irrémédiable, mais c'est aux musulmans eux-mêmes de la combattre. Il nous faut, aujourd'hui, un débat théologique et intellectuel interislamique qui s'attaque de front à l'extrémisme islamique et qui lui enlève toute sa légitimité. Il existe dans la théologie musulmane des positions fanatiques, belliqueuses et violentes. Le défi est de comprendre pourquoi certains se référent plutôt à ces positions héritées d'une tradition islamique largement obsolète. La deuxième phrase que l'on entend souvent à propos des divers terroristes est, dans le même esprit apologétique : «Ce ne sont pas des musulmans». Une telle affirmation est aussi insensée que prétentieuse. Plus clairement, personne n'a le droit ni les moyens de juger si quelqu'un est musulman ou non musulman, croyant ou non croyant. C'est d'autant plus paradoxal que c'est une façon de condamner l'islamisme en reproduisant sa logique d'anathème qui consiste à accuser d'apostasie celui avec qui on n'est pas d'accord. Pour rompre avec cette logique, il faut admettre comme musulman tout un chacun qui se présente comme tel et admettre que l'Islam, comme toutes les religions, se prête aux interprétations qui nous plaisent comme à celles qui nous déplaisent, sans le réduire à celles-ci. Pour ce qui est de la France, suite à l'attentat sur Charlie Hebdo, nous avons observé une consternation générale et une réaction à la hauteur du drame. Les représentants musulmans se sont prononcés pour condamner l'assassinat meurtrier et pour affirmer leur attachement à la liberté d'expression et aux valeurs de la République. Nous avons ressenti un réflexe d'unité citoyenne, une volonté de dire haut et fort que face à un tel danger, nous sommes « tous ensemble». Cependant, ces premières impressions ont vite été démenties par une vague d'actes de violence visant des citoyens de confession musulmane et leurs lieux de culte, mais aussi par la tendance de certains musulmans à relativiser, voire à justifier les actes terroristes. Nous ne pouvons pas sous-estimer la gravité des propos de jeunes musulmans français osant dire : « C'est bien fait pour eux ; ils ont insulté le prophète ! », « Ils l'ont cherché ». Nous ne pouvons pas non plus ignorer les nombreux hashtags « #JesuisCoulibaly ». Coulibaly, qui, nous rappelons, a tué quatre citoyens juifs pour leur appartenance religieuse. D'où viennent ces dérives ? Pourquoi de jeunes musulmans croient aujourd'hui, qu'il pourrait être justifié de tuer ces dessinateurs ou encore ces juifs ou de tuer tout court ? De son vivant, le Prophète Mohamed fut, comme chaque prophète, critiqué et insulté sans que personne n'eût à redouter une riposte de sa part ou de la part de ses compagnons. Le Coran stipule explicitement: « Ne prête pas attention à ce qu'ils disent, Dieu te suffit comme défenseur ». Il est également important de souligner qu'aucune prétendue interdiction de représenter le prophète n'est mentionné dans le Coran, ni même au sein des enseignements prophétiques, et que de nombreuses représentations du Prophète de l'Islam ont même existé dans la culture musulmane. Or, comme précise la chercheuse Vanessa Van Renterghem, « la question de la représentation figurée en général, et de celle du prophète de l'Islam en particulier, a été diversement tranchée selon les périodes et les milieux. Si elle a parfois déclenché des débats animés, elle ne semble pas avoir posé un problème majeur ou permanent aux croyants musulmans ni à leurs juristes ». En effet, des artistes musulmans médiévaux ont fait de nombreuses représentations du prophète de l'Islam, le montrant en intégralité dans leurs dessins. D'autres artistes ont préféré ne pas représenter sa figure. Le débat sur cette interdiction ne s'est pas manifesté avant le 16ème siècle. Cependant, s'il est légitime et respectable de refuser la représentation du prophète par piété, cette vision ne peut être imposée et généralisée. Le pluralisme que nous offre la France de nos jours ne pose pas de problème à la communauté musulmane. Pourquoi est-il si différent au regard du pluralisme intellectuel ? Pourquoi, face à de tels drames, comme les récents attentats, certains se montrent identitaires et se perdent dans la victimisation, se souvenant de toutes les injustices, réelles ou imaginaires, qui ont pu être commises à leur égard ? Les blessures sont-elles si profondes ? Faut-il citer « Les identités meurtrières » d'Amin Maalouf, notamment quand il dit : « À toutes les époques, il s'est trouvé des gens pour considérer qu'il y avait une seule appartenance majeure, tellement supérieure aux autres en toutes circonstances qu'on pouvait légitimement l'appeler « identité ». Pour les uns, la nation, pour d'autres la religion, ou la classe. Mais il suffit de promener son regard sur les différents conflits qui se déroulent à travers le monde pour se rendre compte qu'aucune appartenance ne prévaut de manière absolue. Là où les gens se sentent menacés dans leur foi, c'est l'appartenance religieuse qui semble résumer leur identité entière. Mais si c'est leur langue maternelle et leur groupe ethnique qui sont menacés, alors ils se battent farouchement contre leurs propres coreligionnaires ». L'islam n'a pas besoin d'être défendu, il a surtout besoin d'être compris. Il existe aujourd'hui en France un « islam populaire », un « islam des cités ». Ceci n'est pas le fantasme d'une classe politique islamophobe, mais une réalité. Certes, la classe politique ne prend pas les mesures nécessaires pour répondre à cette problématique, mais ne manque pas de s'en souvenir pendant des campagnes électorales. Ce n'est pas pour autant qu'il faut nier la réalité. Il est indispensable de réintroduire les cours d'arabe dans les collèges qui ont été supprimés sous prétexte qu'ils favoriseraient le communautarisme. Pourquoi forcer une partie de la population à renoncer à une partie de son identité, comme leur langue maternelle ou la langue d'origine, et pousser les parents à envoyer leurs enfants apprendre l'arabe dans des mosquées ou des écoles associatives plus que douteuses et favoriser ainsi ce qu'on prétend combattre ? Ceci nous semble d'autant plus important, puisque la maîtrise de la langue arabe permet l'accès à la culture arabo-musulmane, à la tradition islamique et à l‘Islam tout court. La polysémie de la langue arabe fait que chaque traduction du Coran est forcément une interprétation.
Pour comprendre le Coran, il faut pouvoir le lire en arabe ou dans des traductions rendant compte de toutes les significations possibles. Avoir profonde connaissance de sa religion et de son patrimoine permet d'être confirmé dans son identité religieuse et culturelle, d'éveiller sa confiance en soi, et par conséquent d'être moins sensible à la manipulation. Faut-il raconter aux collégiens, qui ont refusé de participer à la minute de silence en hommage aux victimes des attentats, qu'un jour, le Prophète Mohamed se leva lors du passage d'un convoi funéraire d'un juif. A l'interrogation étonnée de ses Compagnons sur le fait qu'il se soit levé, il répondit : « N'est-ce pas un être humain ? ». Faut-il leur parler de l' « Epitre du pardon » d'Abû-l-‘Alâ al-Ma'arrî, grand poète syrien, une parodie de l'au-delà, composée bien avant la « Comédie divine » de Dante ? Faut-il leur expliquer également que nous avons tous les moyens pour dénoncer l'injustice et le racisme de façon démocratique, pour nous investir dans la société civile et pour militer en tant que citoyens à part entière, en tant que citoyens responsables, pour faire connaître nos valeurs et nos principes au lieu de nous retirer et de nous auto-exclure ? Oui, il faut rappeler toutes ces évidences et nous rappeler tous que nous sommes avant tout des humains, avec la même dignité, les mêmes droits et devoirs même si ce qui est sacré aux yeux des uns ne l'est pas aux yeux de tous. Nous devons tous apprendre à balayer chacun devant sa propre porte au lieu de ne voir que les torts des autres.


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