Dans pratiquement tous les pays en guerre contre le terrorisme, le ministère de l'Intérieur est flanqué d'un ministère de la sécurité. Pourquoi pas en Tunisie ? Entretemps, Mohamed Ali Aroui s'en va, traînant des mystères dans son sillage Au moment où le terrorisme continue d'assener à la Tunisie des coups, les uns aussi durs que les autres, tout en lui promettant d'autres drames, faut-il blâmer le ministre de l'Intérieur, en tant que gérant de la boîte qui est censé être le premier à assumer la responsabilité d'un échec ? M. Najem Gharsalli a-t-il commis une ou des bourdes ? Etait-il mal conseillé ? De toute façon, le moment est venu où il devra se demander s'il aurait pu mieux faire. Et là, ce rappel pour rafraîchir les mémoires: M. Gharsalli n'a-t-il pas promis avec une absolue clarté, au lendemain de l'attenant du Bardo, qu'il n'y aura pas un remake de cette attaque? N'a-t-il pas annoncé, au mois de mai, avec l'assurance d'un homme qui ne mâche pas ses mots, d'exceptionnelles mesures de sécurité préventives en prévision de la haute saison estivale et des examens de fin d'année? Bref, tous ses propos ont eu pour effet immédiat de cristalliser beaucoup d'espérances, en empêchant le bon peuple de céder au découragement, persuadé qu'il était que l'homme qui lui parlait bénéficiait de pouvoirs quasi illimités et savait sur quel pied danser. Hélas, le carnage de Sousse est venu doucher toutes les ardeurs et a fait voler en éclats tant de promesses. Pour certains observateurs et politiciens, M. Gharsalli n'avait plus, dès lors, qu'à rendre le tablier, ou, faute de quoi, à se faire limoger, comme cela se passe d'ailleurs dans les pays du monde où on ne pardonne pas (jamais ?) des revers de cette ampleur essuyés par le ministère de l'Intérieur. Désengagement inévitable Bien évidemment, nous avons la conviction que chaque attentat donne à M. Gharsalli des maux d'estomac et que ce dernier, bien qu'aujourd'hui exposé au feu des critiques, ne démissionnera que le jour où on lui dira : «Sois gentil, reste chez toi». En attendant et pour le soulager en vue d'une meilleure efficience, pourquoi ne pas créer un ministère de la sécurité nationale en bonne et due forme ? Ce projet est, faut-il le souligner, réalisable, voire inévitable pour moult raisons, à savoir : – Primo : cette structure sera chargée du seul volet sécuritaire et n'aura donc pas d'autres chats à fouetter. – Secundo : face aux menaces de plus en plus sérieuses et alarmantes que ne cesse de développer un ennemi terroriste à la peau aussi coriace que celle d'un rhinocéros, le ministère de l'Intérieur, dans ses composantes et attributions actuelles, ne fera jamais l'affaire. – Tertio : à moins qu'on soit plus civilisés et plus intelligents qu'eux, pourquoi ne pas copier l'exemple des Américains et des Anglais qui ont leur propre ministère de la Sécurité nationale ? Manque à gagner Par ailleurs, il est bizarre de constater que les multiples appels que nous avions lancés sur ces mêmes colonnes depuis 2012 pour la création d'une agence de renseignement et d'un conseil des sages réunissant la chevronnée vieille garde du ministère de l'Intérieur, sont toujours sans lendemain. Et dire que... Daech est déjà parmi nous ! Nouveau porte-parole Ne concluons pas avec le ministère de l'Intérieur sans évoquer le limogeage de son porte-parole, Mohamed Ali Aroui. Survenue dans la foulée d'une grande purge opérée ces jours-ci par Najem Gharsalli à la tête de plusieurs départements (districts, arrondissements, Garde nationale...), cette décision, si elle a surpris certains, était attendue. C'est que l'ex-fougueux porte-parole, outre une surmédiatisation qui, à la longue, a fini par «déranger», n'était pas au-dessus de tout reproche. En témoignent ses relations orageuses avec certains médias qui n'auraient pas été traités sur un pied d'égalité avec d'autres organes de presse. De surcroît, M. Aroui — c'est vérifié — avait maille à partir avec certains de ses collègues qui lui reprochaient un comportement impulsif et, par moments, arrogant. D'où des plaintes élevées contre lui et dont l'une l'a contraint tout récemment à subir une séance d'interrogatoire convoquée précipitamment par un juge d'instruction. Toujours est-il, et pour rendre à César ce qui appartient à César, que M. Aroui est, tout de même, à créditer d'un bon parcours professionnel qui, ô paradoxes, lui a valu, au final, un limogeage précédé de menaces terroristes de liquidation physique. Les risques du métier, quoi. Maintenant qu'il s'en va... à la grande joie de ses détracteurs, M. Aroui sera, apprend-on de sources concordantes et bien informées, remplacé par Wahid Louguini, juriste de carrière et actuel conseiller en communication du ministre de l'Intérieur.