Lorsqu'on parle de l'enseignement, en général, on ne le considère pas comme rentable économiquement. On pense, souvent, à son rendement à long terme avec les promotions de cadres qui vont s'intégrer dans la vie professionnelle L'idée qu'une institution d'enseignement puisse constituer une véritable entreprise économique n'effleure personne. A l'exception de quelques observateurs ou connaisseurs. En effet, la réalité montre clairement que toute institution éducative, aussi petite soit-elle, est à la source d'une certaine dynamique économique. Même la petite école du patelin offre l'occasion à une personne sans emploi de trouver une activité (vendeur de bonbons ou de pop-corn devant les écoles). Ceci sans parler des dizaines et des dizaines d'autres commerces qui ne s'activent qu'en lien direct avec le démarrage des cours dans les établissements scolaires ou universitaires (librairies, locaux réservés aux tirages et aux photocopies, restauration, etc.). Par ailleurs, c'est l'école, dans le sens le plus large, qui représente une réelle dynamo de la vie économique. Il suffit de voir le branle-bas de combat qui s'enclenche à chaque rentrée en matière de dépenses et d'achat de fournitures et autres accessoires nécessaires. Ce sont, alors, des centaines de milliards de nos millimes qui sont injectés dans le marché. Et l'enseignement privé ? Le secteur privé ne fait pas exception à la règle. Tant au niveau du primaire qu'au supérieur en passant par les collèges et les lycées, l'impact n'est pas à négliger. Rien qu'en pensant aux personnels exigés pour le fonctionnement de ces établissements, on mesure à quel point c'est un secteur qui a, vraiment, son importance. Son rôle social, aussi, n'est pas à démontrer. Qu'on en juge. Dans le primaire, c'est plus de 2.500 enseignants dans les 130 écoles primaires privées. En plus du reste du personnel administratif. Dans le secondaire, ce n'est pas moins de 6.000 enseignants à plein temps et 3.000 autres vacataires pour les 300 établissements autorisés. Quant au supérieur, c'est une autre paire de manches. La création et la gestion de ces «entreprises » obéissent à des conditions plus strictes et plus complexes. Depuis la vague de protestation des étudiants ingénieurs au cours de cette année universitaire, les données vont changer avec, notamment, la révision du cahier des charges. Les étudiants en question voulaient protester contre les conditions d'obtention des diplômes dans ces institutions privées et l'instauration de critères objectifs pour leur octroi. Actuellement et selon les dernières statistiques, on dispose de 63 établissements d'enseignement supérieur privé. 28 dispensent une formation en ingénierie, 17 sont des instituts préparatoires, 12 offrent des préparations intégrantes et 9 sont dans le domaine de la médecine et de la santé. L'augmentation du nombre de création de nouvelles institutions est très rapide. Particulièrement au cours de ces quatre dernières années. Ce qui fait dire à certains détracteurs que l'Etat veut privatiser l'enseignement supérieur ! Mais ces personnes oublient que nos universités publiques ne sont pas aussi facilement détrônables. L'enseignement public gratuit n'est pas près de disparaître. Il suffit de voir ce qui se passe aujourd'hui avec la large consultation sur les systèmes éducatifs dans tous les niveaux. Investir dans l'enseignement Il faudrait, néanmoins, reconnaître que pour l'encouragement du secteur privé, il y a des aspects très importants dont il faut tenir compte. L'aspect économique est très évident. En plus du fait qu'il s'agit d'une entreprise à caractère éducatif et académique, toute institution d'enseignement supérieur privé constitue un projet économique à part entière. D'ailleurs, le cahier des charges prévoit des incitations spéciales en cas de création d'un tel projet. Outre les incitations prévues par le code d'incitation aux investissements, des incitations et avantages supplémentaires peuvent être accordés comme l'octroi d'une prime d'investissement ne dépassant pas 25% du coût du projet, la prise en charge par l'Etat d'une partie des salaires payés aux enseignants ou formateurs tunisiens recrutés d'une manière permanente sans dépasser 25% et pour une période ne dépassant pas dix ans. Il y a, également, la prise en charge par l'Etat de la contribution patronale au régime légal de sécurité sociale au titre des salaires payés aux enseignants ou formateurs tunisiens recrutés d'une manière permanente pendant cinq années avec la possibilité de renouvellement une seule fois pour une même période. Et, enfin, la mise à la disposition des investisseurs de terrains dans le cadre d'un contrat de concession conformément à la législation en vigueur. Sans parler de la condition fixée pour l'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur privé. Le cahier des charges précise que le capital de l'établissement ne peut être inférieur à deux millions de dinars. Cela montre, si besoin est, l'intérêt qu'on accorde à ce créneau réellement porteur. La conjoncture actuelle milite, justement, en faveur de nouvelles orientations économiques du pays. Le secteur de l'enseignement supérieur privé pourrait y jouer un grand rôle. Que constate-t-on, en réalité ? Sur les 30.000 étudiants de ce secteur, environ 4.000 sont des étrangers (et plus particulièrement d'Afrique subsaharienne). On peut leur ajouter près de 2.000 autres étudiants dans les facultés publiques. Nous comptons une bonne cinquantaine de nationalités. Se tourner vers l'Afrique Tous ces effectifs impulsent une nouvelle dynamique au secteur économique dans son ensemble et offrent des atouts qu'on peut exploiter. Les observateurs assurent que ces effectifs peuvent doubler, voire tripler dans les toutes prochaines années si une politique bien ciblée est menée en leur faveur. L'Afrique subsaharienne est très attachée à l'enseignement dans notre pays et la renommée de certains établissements a dépassé les frontières. Chaque année, de nouveaux étudiants arrivent et font connaissance avec la Tunisie. D'autres partent et rentrent chez eux en gardant, généralement, de bonnes impressions. Ce sont eux les ambassadeurs qui contribueront à faire mieux connaître notre destination. Quand on sait que chaque étudiant paye des droits de scolarité annuels oscillant entre 4.000 et 7.000 dinars (licence autour de 4.000 dinars et le master autour de 6.500 dinars), on comprend, vraiment, la portée de l'enjeu. Ceci sans parler des dépenses pour la restauration, l'hébergement, le déplacement, etc. Et, n'oublions pas que la durée des études dépend du cursus choisi. C'est-à-dire autant d'années, autant de séjours de l'étudiant. C'est ainsi que pour une licence fondamentale, une licence appliquée ou un diplôme d'ingénieur, la durée est de 3 ans. Pour un master professionnel, un master de recherche ou un cycle préparatoire, il faut 2 ans. Les perspectives d'un développement des flux des étudiants africains seraient prometteuses si on adoptait des mesures plus souples en matière d'octroi des visas et moyennant une offensive de charme en direction des pays qui choisissent notre pays pour terminer leurs études. Pourtant, nous possédons des opportunités qui peuvent être exploitées. L'initiative d'organiser du 4 au 6 août 2015 à Abidjan en Côte d'ivoire, un salon «Campus Tunisie» est plus que louable. Mais elle doit être soutenue par d'autres actions en direction d'autres pays avec qui nous entretenons des relations de coopération étroites. Un autre volet non moins important doit retenir l'attention, et il est grave, c'est celui du racisme. Une grande sensibilisation au niveau des étudiants est nécessaire. De là à affirmer que le créneau de l'enseignement supérieur privé bénéficie d'un statut particulier au même titre que n'importe quel autre investissement économique, il n'y a qu'un pas. Il serait tout aussi important que le tourisme. Ce dernier dépend des crises qui n'ont pas cessé depuis la première guerre du Golfe dans les années 90. Il faudrait penser à diversifier nos moyens afin de garantir nos ressources en devises en comptant beaucoup plus sur l'exportation de nos produits agricoles (les résultats exceptionnels de l'exportation de l'huile d'olive et des dattes sont là), l'industrie extractive (phosphate) et, pourquoi pas, le savoir ? Le tourisme, en tant que tel, n'est plus le filon porteur. Il est, désormais, tributaire d'une conjoncture instable. Il est urgent de se repositionner sur les marchés en proposant d'autres produits. L'enseignement supérieur privé ne sera pas la panacée, mais il aura, tout de même, son mot à dire dans les prochaines années.