Des contestataires irréductibles reviennent à leurs premières amours. Ils prêchent la protestation continue contre le mur qui protégera la Tunisie du terrorisme et de la contrebande. Seulement, cette fois, les habitants de Médenine et Tataouine ne marcheront pas dans de tels plans Beaucoup d'observateurs et d'analystes politiques se sont posé une question très importante quand Béji Caïd Essebsi, président de la République, a décrété l'état d'urgence : les partis politiques, principalement ceux de l'opposition et les organisations non gouvernementales (société civile) vont-ils respecter les décisions qui suivront et mettront en pratique l'annonce présidentielle ? En plus clair, ces partis et ces ONG qui ont fait de la critique et de l'opposition systématique à tout ce qu'entreprend le gouvernement Essid leur pain quotidien vont-ils comprendre que l'étape actuelle exige un autre comportement et que la surenchère ne fera qu'accentuer les tensions et les divisions et servir, en fin d'analyse, les intérêts des terroristes dont les visées ne sont un secret pour personne ? Et la construction du mur protégeant les frontières tunisiennes contre l'intrusion de terroristes et de contrebandiers sur le sol national en provenance de la Libye de servir de prétexte idéal pour que s'organisent dans le sud tunisien une campagne de dénigrement de la décision du président Essebsi et un mouvement de protestation organisé par les contestataires allant jusqu'à exiger que les travaux de la construction du mur cessent «tout simplement parce qu'il est contraire aux intérêts des habitants de la région et menace sérieusement leurs sources de revenus qui sont interdépendantes de celles de nos voisins libyens». Un projet à abandonner Et c'est bien Imed Daïmi, secrétaire général du Congrès pour la République et député au nom de la région de Médenine, qui dirige la cabale, soutenu par Ahmed Laâmari, député d'Ennahdha, qui mobilise les habitants de Ben Guerdane et les activistes de la région pour exiger l'abandon du projet du mur de protection des frontières. Dimanche 19 juillet, les deux députés, appuyés par certaines associations de la société civile prétendant parler au nom des gouvernorats de Médenine et Tataouine ont tenu une réunion au cours de laquelle ils ont descendu en miettes le projet. Leur argumentation est on ne peut plus simple et simpliste: «Personne n'a consulté les habitants des deux régions sur l'utilité de l'édification de ce mur. Le gouvernement refuse de dialoguer avec nous et de reconnaître les retombées négatives de ce mur», souligne Imed Daïmi. Quant à Ahmed Laâmari, il précise : «Les députés de la région ont été surpris de voir le gouvernement prendre la décision d'édifier ce mur sans demander leur avis. La faune dans la région est sérieusement menacée outre le fait que le mur affecte nos relations de bon voisinage avec les Libyens et plonge la région dans les tiraillements et les divisions qui règnent en Libye». Un discours qui rompt clairement avec le discours gouvernemental qui appelle à une solidarité effective et à une mobilisation générale pour que la Tunisie puisse affronter avec succès l'hydre terroriste et la contrebande. Ils n'ont pas d'impact profond Est-il acceptable que des politiciens soutenus par certains activistes de la société civile (l'Association de la citoyenneté et du développement a piloté la réunion de Ben Guerdane) se comportent de cette manière en cette période d'état d'urgence ? Le gouvernement est-il obligé de consulter tous les mécontents et de répondre par l'affirmative à tous leurs désirs ? La Presse a sollicité la réaction de Souheïl Alouini, député nidaïste, et de Ahmed Safi, membre de l'Assemblée constituante, devenu analyste politique. Il est inquiétant d'observer qu'à chaque fois que Imed Daïmi se déplace dans le sud, il en résulte un mouvement de protestation. C'est intrigant et il faudrait bien que cette énigme soit élucidée un jour ou l'autre. Est-il en train d'inciter à la désobéissance civile comme certaines parties n'ont pas manqué de l'en accuser. Sur le plan juridique, il faudrait bien prouver que ces accusations sont avérées. Dans ce cas, rien n'empêche que la justice le poursuive. Mais, politiquement, cette hypothèse est à écarter. Dans les conditions actuelles, on n'a pas besoin de créer des héros de pacotille. Le peuple est édifié sur ses véritables intentions». Il ajoute : «La Constitution est claire dans son article 80 accordant au chef de l'Etat la possibilité de décréter l'état d'urgence. Le gouvernement n'est pas tenu de solliciter l'aval de quiconque pour prendre les mesures qu'il faut. Reste maintenant le discours que développent certains députés nahdhaouis en contradiction avec celui que soutient le représentant d'Ennahdha au sein de la coordination appuyant le gouvernement Habib Essid. Je pense qu'Ennahdha est appelé à résoudre ses problèmes intérieurs et à tenir un discours unifié. En tout état de case, au sein de Nida Tounès, nous considérons que le discours officiel d'Ennahdha est bien celui que tient son président». Et c'est bien cette dissonance entre le discours nahdhaoui professé à Tunis par Rached Ghannouchi et celui que proposent certains députés dans leurs régions qui intrigue Ahmed Essafi, membre de l'ANC et analyste politique. «Au sein d'Ennahdha, il y a deux bases : la première est celle qui respecte Ghannouchi et considère qu'il prend toujours les bonnes décisions. La seconde est constituée des salafistes qui ont intégré Ennahdha et qui font tout pour faire monter les enchères», relève-t-il. Imed Daïmi et ce qui reste du CPR peuvent-ils être écoutés ? «Leur comportement constitue une source d'inquiétude mais au fond, ils n'ont aucune présence effective auprès des citoyens qui ont compris que le terrorisme est bien le produit de la politique catastrophique de Marzouki. Je ne pense pas qu'ils ont les moyens de faire bouger la rue mais leur nuisance est à prendre en considération», insiste-t-il.