Par Abdelhamid Gmati Officiellement la Tunisie est en guerre contre le terrorisme. Le chef de l'Etat l'a répété à plusieurs reprises et d'autres responsables l'ont suivi sur cette voie. On a même décrété l'état d'urgence, mesure extrême lourde de conséquences. Et le chef du gouvernement a été, on ne peut plus explicite, ces derniers jours : « la Patrie est en danger», a-t-il solennellement affirmé à l'Assemblée des représentants du peuple. Implicitement, cela veut dire : « Aux armes, citoyens ! ». Qu'en est-il en réalité ? En fait, cet état de guerre, la Tunisie ne l'a pas choisi : on le lui a imposé, et ce, depuis quelque 4 années, par une Internationale terroriste qui a ses adeptes et ses représentants jusque dans nos murs. Les nombreux attentats qui font de plus en plus de victimes, d'abord parmi nos soldats et nos forces de l'ordre, puis parmi nos hôtes étrangers et nos compatriotes, sont de douloureuses réalités. Si les dirigeants et les secteurs, en première ligne, en sont conscients et crient à la mobilisation, le reste de la population semble vivre dans un monde de spectateurs. Ces jours-ci, les marchés publics et les grandes surfaces ne désemplissent pas et alimentent la grande bouffe ramadanesque et préparent les festivités de l'Aïd. Les fonctionnaires vaquent à leur non-occupation, multipliant les absences et la nonchalance, handicapant les activités du citoyen lambda, obligé de passer par trois fonctionnaires pour une simple signature légalisée. Bref, la foire continue et chacun fait, ou ne fait pas, ce qu'il veut. On est loin de l'image d'un pays en guerre, où l'ennemi ne discute pas, mais fait parler le langage des armes et de la tuerie. Pour le moment, seules les forces de l'ordre et l'armée semblent sur le pied de guerre. D'après le gouvernement, 734 descentes de police et 127 arrestations ont été effectuées, depuis l'attentat de Sousse ; il y a également eu des terroristes tués dans des affrontements avec les forces de sécurité. On nous dit que la lutte se fait sur d'autres plans, en particulier en tarissant les sources de ce terrorisme. 41 mosquées hors contrôle de l'Etat ont été fermées (80 étaient concernées) et plusieurs jardins d'enfants et écoles coraniques ont également été fermées. Soit. Mais c'est loin d'être suffisant. L'Onu s'inquiète de l'activisme des jihadistes tunisiens et, selon un récent rapport, il y aurait 4.000 combattant tunisiens en Syrie, 1000 à 1500 en Libye, 200 en Irak, 60 au Mali et 50 au Yémen. Le gouvernement affirme avoir arrêté 1 000 terroristes et empêché 15 000 jeunes de rejoindre les groupes jihadistes. Un Etat de guerre suppose la mobilisation de toutes les forces vives de la Nation. Le chef du gouvernement l'a encore une fois rappelé : «La situation critique du pays impose à tous les partis politiques, organisations nationales et à l'ensemble des composantes de la société tunisienne de laisser de côté leurs différends, afin de s'unir pour vaincre le terrorisme ». Visiblement, il n'est pas entendu et les critiques continuent, même à l'ARP, supposée être mobilisé en premier lieu, où on ergote sur le bien-fondé de l'état d'urgence. Le député Imed Daïmi, du CPR, affirme que le mur entre la Libye et la Tunisie a nui à l'élevage des chameaux. Tiens donc ! Ce mur, décidé par le gouvernement sera érigé sur une zone désertique et doit entraver le passage, dans les deux sens, de terroristes, de jeunes candidats, de contrebandiers, etc. Et ce mur n'existe pas encore. Mais le député clairvoyant a déjà constaté des dégâts dans l'élevage des chameaux. Et alors que toute la situation catastrophique du pays commande que l'on s'occupe d'économie, dont l'industrie du tourisme se trouve fortement ébranlée à la suite de l'attentat de Sousse, l'UGTT refuse de se mobiliser et défie le gouvernement. Au lieu de la trêve sociale, demandée par le gouvernement et l'organisation patronale, elle campe sur ses positions et prépare d'autres grèves sous prétexte de nouvelles augmentations salariales. Ces syndicalistes sont-ils conscients des pertes que subit la communauté nationale avec cette grave atteinte au tourisme ? On comprend alors le désintérêt pour cette « guerre annoncée » mais ignorée par une partie de la classe politique. On a peur pour les libertés ? Que fera-t-on de ces libertés une fois que le pays sera à terre, sombrant dans le chaos voulu par les terroristes ? En principe, on ne prend conscience d'une conquête que lorsqu'elle est menacée. Eh bien, cette conquête des libertés permise par la révolution, est aujourd'hui menacée. Non pas par l'état d'urgence qui ne dure qu'un mois, mais par ce terrorisme qui veut nous détruire.