L'offre et la demande de poisson semblent connaître plusieurs contraintes. Il est 12h00 en ce mardi 4 août 2015. La poissonnerie du marché central connaît une modeste affluence, contrairement à l'accoutumée. A peine quelques clients visitent les pavillons, examinent les étals. Certains finissent par faire l'acquisition de petites quantités de poisson alors que d'autres, démoralisés sans doute par la hausse des prix, quittent les lieux, les mains vides. De leur côté, les vendeurs ne baissent pas les bras. Ils continuent de vanter leur marchandise. D'autres opèrent des réductions de l'ici-maintenant, dans l'espoir d'attirer les clients et de liquider leurs poissons et fruits de mer. Mehrez propose uniquement de petits rougets dits communément «mange-tout» en raison de leurs arêtes tendres. «Actuellement, les consommateurs demandent essentiellement du poisson blanc, comme le rouget et le merlan. Ces variétés sont moins coûteuses que les poissons de luxe. D'autant plus qu'elles contiennent moins de sang que le poisson bleu et donc plus saines à consommer durant la saison chaude», indique–t-il. En effet, les Tunisiens ont tendance à consommer du poisson bleu en été, comme les sardines et le maquereau. Des poissons pas chers et idéaux pour les plats de fritures et de grillades. Cependant, cette variété bon marché se fait rare sur les étals des commerçants. « Ces derniers jours, l'offre de poisson bleu est timide en raison de la pleine lune. Cette dernière éclaire la surface de la mer et empêche le poisson bleu de quitter le fond», explique Radhouane Ferjani, poissonnier. Son collègue, Mokhtar Chehibi, explique la régression de l'offre autrement. Selon lui, les bateaux de pêche marquent annuellement un repos en août afin de donner un temps de répit à la biodiversité marine et lui permettre de se régénérer. «Avant, nous comptions beaucoup sur le poisson importé de Libye. La production libyenne jouait un rôle important dans la garantie de l'offre durant l'été, mais aussi dans la rationalisation des prix, ce qui n'est plus le cas. Aujourd'hui, et malgré la modeste quantité de poissons et de fruits de mer disponible sur le marché, bon nombre de commerçants se trouvent souvent dans l'obligation de jeter leurs produits à la poubelle, faute de vente», souligne-t-il. Ce commerçant se montre compréhensif. Les Tunisiens ont de plus en plus de mal à arrondir leurs fins de mois. «Ramadan et l'aïd ont eu raison des économies des Tunisiens», indique-t-il désolé. Des réductions de l'ici-maintenant Ramzi rafraîchit ses merlans qu'il propose à 7dt800 le kilo. Il indique que de nombreux clients viennent au marché central et plus précisément à la poissonnerie pour «jeter un coup d'œil» sur les poissons. «Ils ne font que regarder et ressortent les mains vides. Ils trouvent que c'est cher. Pourtant, le merlan est à sept dinars le kilo», indique-t-il, gêné. Son voisin d'étal propose du mulet à 9dt800 le kilo. Il le crie à seulement sept dinars, en vain ! Les consommateurs ont des avis mitigés La fille de Moncef Karchoud est friande de poisson. Ce qui amène ce monsieur à consacrer, journellement, un budget de 5Dt rien que pour le menu de sa fille chérie. Malgré son statut de fidèle client, il trouve que les prix sont inaccessibles pour la classe moyenne. «Le poisson bleu est à 3Dt et à 4Dt le kilo. Cela convient à un couple ou à une famille réduite tout au plus, mais pas au budget d'une famille nombreuse. Les pauvres n'ont-ils plus droit au poisson ?», s'interroge-t-il. Contrairement à Moncef, Youssef est ravi de l'offre et de la fourchette des prix. Ce technicien nabeulien se promène, ainsi que son épouse, entre les pavillons de la poissonnerie. Selon ce jeune couple, le rapport qualité-prix au marché central est rassurant. «Le poisson est nettement moins cher qu'à Nabeul. Cela m'étonne qu'il n'y ait pas beaucoup de clients, d'ailleurs», s'exclame-t-il. Youssef découvre la poissonnerie du marché central et trouve qu'il y a quelques points à prendre aux sérieux. «D'abord, l'odeur est insoutenable. Pour un client qui s'apprête à entrer au marché, il a mille raisons de faire demi-tour. Cela nous donne l'impression que tous les poissons proposés sont pourris. D'un autre côté, poursuit-il, il faudrait encourager les clients, surtout en cette période de canicule, à consommer le poisson. Aussi, les commerçants devraient penser à des techniques pratiques encourageant les clients à acheter du poisson en étant certains qu'il résistera à la chaleur durant le trajet jusqu'à la maison. Il conviendrait, par exemple, de mettre à la disposition des clients des récipients, notamment des seaux en plastique, chargés de glaçons. Ce serait utile».