Nous sommes en pleine période d'entre saisons. Le printemps a du mal à faire ses adieux et l'été n'est pas encore prêt pour nous combler par sa canicule. Mi-figue mi-raisin, ou plutôt mi-orange mi-melon, l'approvisionnement en produits agroalimentaires se présente à la fois riche et indécis. A une offre moyenne, panachée entre des fruits et légumes précoces et autres tardifs de deux saisons, correspond une fourchette de prix assez salés; une situation qui rend quelque peu perplexes et les commerçants et les consommateurs. Les prix des viandes, des volailles et des poissons, quant à eux, sont loin d'être rassurants. Au marché central, l'envie d'acheter ne va pas toujours de pair avec l'acte en lui-même. Reportage. Il est 10h00 en ce mardi 18 mai. Bien qu'au beau milieu de la matinée, les clients soient peu nombreux. Le brouhaha qui caractérise le marché central est mis en sourdine. Les quelques clients circulent entre les pavillons, en prenant leur temps d'examiner la qualité de la marchandise proposée et les prix affichés avant de se décider sur le contenu du panier de la ménagère. Un contenu qu'ils souhaitent garni, tout en étant raisonnable. Mais l'équilibre entre l'envie, le besoin, d'une part, et les moyens, de l'autre, est-il toujours évident ? Nous accédons en premier lieu au pavillon des bouchers. Quasiment désert, excepté trois clients, l'ambiance nous donne l'impression que l'activité est suspendue pour une raison ou une autre. Samir Chihi s'applique à détacher la graisse d'un gigot, tout en fumant une cigarette. Il nous confie que l'activité commerciale au marché central va en régressant. «Il est vrai que les prix des viandes rouges ont été augmentés. Le prix du mouton varie entre 12 et 13 dt. La viande de veau importée est à 12 dt ; des prix qui découragent quelque peu les clients. Mais le véritable problème qui influe négativement sur la demande, c'est l'absence d'un lieu de stationnement. Les clients ne trouvent pas où garer leurs voitures. Ils préfèrent donc ne pas se hasarder ici et font leurs courses ailleurs», indique-t-il. Dans le pavillon des volailles, la situation est tout aussi complexe. Certes, les prix des volailles sont nettement moins chers que ceux des viandes rouges. Toutefois, les commerçants eux-mêmes trouvent les prix assez élevés, notamment par rapport au budget moyen. «Le poulet se vend à 4,200dt le kilo et l'escalope à 7,500dt . A des prix pareils, le consommateur à moyen revenu ne peut faire son approvisionnement. Pour ce qui est de mon cas, ma clientèle compte essentiellement des restaurateurs. A l'approche de l'été, notamment la haute saison touristique, ces derniers, tout comme les hôteliers d'ailleurs, feront leur approvisionnement à partir du marché de gros, ce qui ne fera qu'enfoncer davantage le clou. Heureusement, le mois saint pourrait équilibrer la balance avec des prix en chute et une demande en hausse», explique Saïd Gharbi, marchand de volailles depuis 17 ans. Poisson : au gré du vent Le plus inaccessible de tous les produits est sans doute le poisson. Karim Hamrouni met directement le doigt sur le problème : «Les consommateurs moyens n'ont pas assez d'argent pour en acheter, et les prix sont exorbitants», indique-t-il. Pour ce qui est de cette période, il explique qu'elle est marquée par la lune et le vent; deux facteurs décisifs pour la disponibilité du poisson. «Quand il y a la pleine lune, les poissons bleus fuient vers le fond marin. Quant au vent, il fait fuir le poisson blanc. A défaut de quantité suffisante d'offre, les prix augmentent, tout naturellement c'est la loi de l'offre et de la demande», explique-t-il. En effet, les daurades, les soles et le loup sont à 16,800DT. Le grand rouget est à 12,800dt . Quant au marbré «manquous», il est à 18,600dt . Les poissons les moins chers sont le mulet, 5,800dt le kilo; les petits rougets sont à 6,800dt, les poulpes sont à 8 dinars et les chevrettes à 6,800dt. Côté fruits et légumes, l'offre se présente favorable, quoique avec quelques déficiences. En effet, certains légumes tardifs se vendent—ce qui est logique—à des prix élevés. Nous citons à titre d'exemple les petits pois, qui se vendent à 1,700dt; le gombo est à 2,500dt les 100 grammes ; les aubergines et le fenouil sont à 1,500DT. Pour ce qui est des tomates, leur prix a augmenté pour atteindre 1,180dt. «Je trouve que tout est cher, même les fruits et légumes. Les tomates sont à 1,180DT ce qui veut dire que les consommateurs à moyen revenu payeront cher même un plat de salade», fait remarquer Saîda, institutrice à la retraite. De son côté, Ahmed Landolsi, marchand de légumes, justifie ce prix réglementé par le manque flagrant au niveau de l'offre en matière de tomates. «Les tomates disponibles sont le reste du stock des cultures des serres. La tomate estivale n'est pas encore disponible sur le marché», précise-t-il. Faouzi Garfa travaille comme marchand de légumes depuis trois ans. Selon son avis, l'offre présente une panoplie riche en produits agroalimentaires de prix appropriés à chaque bourse. «Pour ce qui est des petits pois, par exemple, je les vend à 1,700DT, c'est la meilleure qualité. Cela n'empêche qu'on peut trouver ces légumes à un dinar seulement le kilo», indique-t-il. Côté fruits, l'offre demeure indécise et pas assez tentante pour les consommateurs moyens. En effet, avec la disponibilité en quantités restreintes des fruits précoces, marquées par des prix exagérés, le client préfère se limiter aux succulentes fraises. Leurs prix varient entre un dinar et 1,400DT le kilo. «Le problème, outre celui des prix élevés, réside dans l'absence de transparence et de crédibilité au niveau des traitements commerciaux. D'où l'indispensable focalisation sur le contrôle économique», pense Hamrouni Mabrouk, consommateur.