Si cette rentrée parlementaire a été dominée par la question palestinienne, on aurait remarqué une certaine sérénité dans la conduite des débats et une remarquable capacité d'écoute des députés entre eux La rentrée parlementaire a démarré hier par une plénière extraordinaire qui inaugure la seconde session du premier mandat. Le coup d'envoi a été donné par Mohamed Ennaceur au Palais du Bardo, et pour ne rien changer aux habitudes, avec un retard de deux heures. En posant comme référent les acquis de la première République, et ce, dans un souci de continuité, le président de l'Assemblée a choisi dans son discours introductif d'une trentaine de minutes, de se placer sans équivoque aux côtés de ses élus. Il a énuméré les aboutissements heureux de la session parlementaire écoulée ainsi que les rendez-vous du surchargé futur calendrier. Il a inventorié la quantité de travail abattu, le nombre de plénières, plus de cinquante, de séances avec le gouvernement, et de lois adoptées. En rappelant à qui veut bien l'entendre que le parlement demeure l'unique source de législation et insistant sur la nécessité d'amender le règlement intérieur de l'Assemblée nationale pour plus d'efficacité. Dans une interpellation directe au chef du gouvernement, M. Ennaceur a appelé à la création d'une nouvelle fonction de chargé des députés au sein des cabinets ministériels et des structures officielles, y compris régionales. Objectif: faciliter le travail des délégations parlementaires sur le terrain. Et pour lever toute forme de doute quant à leur champ d'action, le président de l'Assemblée rappelle que l'évaluation de l'état d'avancement des programmes de développement ainsi que le contrôle de la gestion de l'argent public rentrent dans le cadre des prérogatives des mandataires du peuple. La diplomatie parlementaire Dans son discours-programme, le président a énuméré brièvement les lois phares en cours de débat et très médiatisées qui devraient être adoptées ; tel le projet de loi portant sur la Cour constitutionnelle, celui sur le partenariat public-privé et sur l'interdiction du trafic et la traite des personnes. «La diplomatie parlementaire est complémentaire de la diplomatie officielle», explique le président. Comprenez, non en compétition, pour défendre, a-t-il encore insisté, les couleurs de la Tunisie sur la scène internationale à travers les groupes d'amitié, et pour lutter contre le terrorisme transfrontalier. Poursuivant son plaidoyer pour l'instance qu'il préside, et du haut du perchoir, M. Ennaceur a rappelé que l'Assemblée des représentants du peuple représente le peuple comme son nom l'indique, mais aussi son élite. Un clin d'œil à ceux qui lui contestent ce droit ou feignent de l'oublier. En guise de conclusion à son discours, Mohamed Ennaceur a choisi de rendre un vibrant hommage aux jeunes, ceux percés par le sentiment d'injustice et les désillusions, en déclamant que ce territoire est également le leur. Une fois n'est pas coutume, il s'est permis quelques réflexions à l'adresse des députés en leur revendiquant davantage de retenue au cours des plénières transmises en live. Les altercations et autres dérives de langage, c'est ce que le spectateur tunisien retiendra, a-t-il prévenu. La question palestinienne L'actualité tragique venant des territoires occupés s'est imposée dans la séance inaugurale. Quelques élus, cherchant peut-être l'effet d'optique, notamment ceux du parti Ennahdha, ont choisi de porter autour du cou des écharpes aux couleurs du keffieh. Le drapeau palestinien cousu à celui de l'étendard national rouge et blanc drapait les murs de la coupole et la tribune. Une course infantile et pour le moins inconvenante a été improvisée pour exprimer à qui mieux mieux sa haine de l'occupant sioniste, sa solidarité envers le peuple palestinien, la grandeur de sa lutte, l'étendue de son sacrifice, le nombre de ses martyrs pour recouvrer la liberté et retrouver la terre perdue. Un député particulièrement impliqué, paraît-il, à la cause a tenu à se faufiler derrière un point-d'ordre en criant, gesticulant et interrompant tout le monde. Raté, non seulement il n'a pu jouer son numéro, en plus le représentant du parti Ennahdha à qui revient le droit de prendre le micro, tout de suite après le président du groupe parlementaire de Nida Tounès, lui a damé sans façon le pion. A travers plusieurs déclamations ont été déroulés les ingrédients consommés jusqu'à la lie, vieux de plus d'un demi-siècle. Toute la rhétorique avec les trémolos dans les voix y est passée. Encore une fois, c'est à se demander, si c'est pour servir sa popularité auprès de ses partisans locaux ou pour un objectif précis et désintéressé que l'on se presse ainsi à exprimer son soutien incommensurable aux frères Palestiniens, et ce dans le confort des travées et devant les caméras. Pour faire court, nous avons beau crier et porter le keffieh, nous ne sommes pas crédibles aux yeux de la communauté internationale ni utiles aux Palestiniens, dont les dirigeants, soit dit en passant, n'ont pas été à même de s'unir en un seul front pour leur cause suprême. Mais c'est une autre histoire. Dans la sérénité Les présidents des groupes parlementaires ont pris à tour de rôle la parole, à travers des discours empathiques à l‘instar de ceux de Badreddine Abdeldéfi d'Ennahdha et Ahmed Seddik du Front populaire, ou concis de circonstance comme celui de Fadhel Ben Omrane, de Nida Tounès, à qui il manquait une idée phare, toutefois. Mohsen Hassen, représentant du parti Union patriotique libre a choisi la facture économique pour son intervention et évoquer les défis des grands équilibres nationaux à relever. Iyed Dahmani, représentant du groupe démocrate de l'opposition, a notamment revendiqué l'autonomie financière et administrative de l'Assemblée nationale. Si cette rentrée a été dominée par la question palestinienne, on aurait remarqué une certaine sérénité dans la conduite des débats et une remarquable capacité d'écoute des députés entre eux, ou pour être précis, ceux qui ont daigné marquer leur présence. Et les travaux parlementaires ne font que commencer.