Par Abdelhamid GMATI Des familles de terroristes en fuite à l'étranger ou incarcérés dans les prisons perçoivent des aides financières de la part d'une cellule active dans le Grand Tunis. C'est ce qu'affirme le ministère de l'Intérieur dont l'unité nationale d'investigation et de recherche dans les crimes terroristes a démantelé ladite cellule. On a ainsi saisi un carnet d'épargne contenant une somme de 4.500 dinars, des tablettes et des téléphones portables. Il appert que ce sont plus de 150 jeunes recrues, parties en Syrie et en Irak, qui bénéficient mensuellement de quelque 3.000 dollars. Selon le témoignage de l'un des présumés terroristes arrêtés, la cellule démantelée se faisait aider par des imams qui embrigadaient des jeunes dans ces quartiers populaires de la capitale qui arrivaient à convaincre les familles de laisser leurs enfants rejoindre les zones de conflit en Libye, Irak ou Syrie, en leur proposant d'importantes sommes d'argent. Un infirmier a été condamné, il y a dix jours, à deux ans de prison ferme par le tribunal de 1ère instance de Tunis pour son appartenance à Ansar Echaria. L'accusé a avoué avoir adhéré à cette organisation, classée terroriste depuis 2013, et a précisé au juge qu'il a été influencé par un imam radical. « Le même imam qui avait émis une fatwa pour l'assassinat du commissaire de la police Mohamed Sbouï, retrouvé égorgé et défiguré, à Jebel Jeloud (au sud de Tunis), à l'aube du 2 mai 2013 ». Au début de ce mois d'octobre, la police a arrêté trois extrémistes religieux, soupçonnés d'avoir embrigadé les sœurs Chikhaoui et d'avoir participé à leur envoi au jihad. Les suspects étaient des imams non autorisés dans des mosquées, à Sousse, échappant au contrôle de l'Etat. Ils auraient également participé à l'envoi de plusieurs autres jeunes vers la Libye et la Syrie pour le jihad. Les sœurs mineures, Ghofrane (17 ans) et Rahma (16 ans), se trouvent dans un camp de Daech en Libye et sont activement recherchées par le ministère de l'Intérieur tunisien. Il est évident que certains (plusieurs) imams sont impliqués dans l'embrigadement et le recrutement de jeunes tunisiens envoyés au « jihad » en Syrie, en Irak et en Libye. C'est ce qui explique la campagne menée par le gouvernement de fermer provisoirement les mosquées « hors de contrôle » de l'Etat et le licenciement d'imams « takfiristes » autoproclamés et placés par le fameux gouvernement de la Troïka. Mais ces imams « hors-la-loi » n'acceptent pas les décisions gouvernementales et s'en prennent au ministre des Affaires religieuses. Ainsi et pour la deuxième semaine consécutive, le prêche du vendredi n'a pas eu lieu à la mosquée Sidi Lakhmi à Sfax où les forces de l'ordre ont arrêté plusieurs « fidèles » de l'ancien imam de la mosquée, Ridha Jaouadi, révoqué par le ministère des Affaires religieuses. Un grand nombre d'individus, dont plusieurs sont venus par bus en provenance d'autres régions du pays, plus particulièrement de Kairouan, se sont rassemblés aux alentours de la mosquée, et malgré la présence sécuritaire massive sont entrés de force et ont empêché le nouvel imam, Mimoun Karray, de conduire la prière. A noter que parmi les protestataires plusieurs imams licenciés. Pourtant la veille, le ministère des Affaires religieuses avait, dans un communiqué, affirmé que la nomination des cadres des mosquées et leur révocation relèvent de ses seules prérogatives. L'Etat veille sur la gestion du fait religieux dans le pays et les lieux de culte sont ouverts à tous ceux qui désirent prier. L'atteinte à la quiétude des mosquées et la perturbation de la prière du vendredi sont contraires à la loi. Celui qui perturbe la prière du vendredi et rompt le calme des mosquées est passible d'une peine de prison et d'une amende, conformément au code des procédures pénales et à la loi régissant les mosquées ». Il se trouve que le mouvement Ennahdha soutient les réfractaires et plusieurs de ses dirigeants ont critiqué, à plusieurs reprises, la démarche du ministre des Affaires religieuses, et avait dénoncé en septembre dernier « les décisions de licenciement abusif», ayant visé des dizaines d'imams, « connus pour leur modération ». Le ministre, Othman Battikh, a « déclaré que certains appels de l'imam Jaouadi sont considérés comme «extrémistes», ajoutant que ce dernier ne soutient pas la révolution mais un parti politique bien précis et que son limogeage, qui est définitif, n'a rien d‘un règlement de compte ». Il faisait allusion au parti islamiste Ennahdha, dont l'imam Jaouadi est un fervent défenseur et a appelé à soutenir les islamistes notamment lors des dernières élections. A rappeler que 80 députés de différentes sensibilités politiques ont signé les 22 et 23 juillet 2015 une pétition appelant au limogeage de l'imam extrémiste Ridha Jaouadi qui prêche à la mosquée Lakhmi de Sfax. Les députés estimaient que l'imam en question présente un danger pour la sécurité au vu de son discours extrémiste et semant la zizanie, à l'encontre de l'Etat et ses symboles, défiant ainsi ouvertement la loi. A noter aussi que le bureau de coordination du Front populaire de Sfax a confirmé, dans un communiqué publié samedi 17 octobre 2015, sa détermination à poursuivre en justice l'ancien imam de la mosquée Lakhmi, Ridha Jaouadi. Cette décision a été prise suite aux agissements de ce dernier, sous le gouvernement de la Troïka. Deux cents dossiers de plaintes seront déposés à son encontre par des avocats de la région. Le nahdhaoui Imed Hammami s'en est violemment pris au ministre, lors d'une émission de télé, l'accusant d'avoir osé s'en prendre à « ce puits de science » qu'est Noureddine El Khademi, au même titre que Ridha Jaouadi, lui déniant le droit « d'agir ainsi envers un homme qui le dépasse par ses connaissances en matière de théologie ». Il se trouve que le président du jury qui avait décerné son doctorat à Khademi était... Othman Battikh. Et à noter que l'une des thèses de doctorat présentée par l'un de ces « doctorants » portait sur « les règles des ablutions » (kawaed Assalat ». C'est ce qu'on appelle « la science et la connaissance» chez les « takfiristes ». Un célébre écrivain tunisien, Hassouna Mosbahi, assistant, il y a quelques années, à une discussion portant sur les « règles des ablutions », s'écria, outré : « Le but des ablutions n'est-il pas d'être propre au moment de la prière ? Alors prenez une douche, vous vous laverez ainsi tout le corps y compris le bas ventre et le bas du dos et trêve de discussions oiseuses à propos de ces règles». Au fait : dans les mosquées, lieux de culte par excellence, on prie ou on complote ?