Roy Ayers, malgré ses imminents 70 ans, a irradié la jeunesse dans le cœur des nuits jazz du festival de Tabarka. Il a succédé à l'Italien Stefano Di Battista pour assurer la deuxième soirée du festival, celle du samedi 7 août. Une soirée de rêve... d'un songe d'été. Les difficultés dont souffre le Tabarka Jazz Festival— réduit au malheur des amateurs du genre et de la manifestation, à 4 jours (du 5 au 8 août), inclus dans le Festival international de Tabarka, avec une animation off et des spectacles de Stefano Di Battista et de Roy Ayers — ont été, le temps d'une soirée, oubliées, comme évincées, grâce à la performance de ce magicien de la musique et de sa bande. C'est le cas de le dire, et pour cause. Aux Etats-Unis, son pays d'origine, Roy Ayers n'est pas moins réputé qu'un James Brown, par esxemple. Ses premiers disques datent de 1963 et le dernier, «Mahogany Vibe», de 2004. De quoi mériter son statut de légende définitivement acquis dans les années 90. Pendant la soirée du 7 août, il l'a démontré, ses chansons ayant enveloppé la scène de la basilique d'une auréole de vrai jazz, de fraîcheur et de bonne humeur. Le seul hic était venu du côté du public, peu nombreux, ce qui constitue un autre problème accablant pour le festival. Heureusement, l'impression de vide s'est vite estompée, tellement le jazzman et ses musiciens ont retenu l'attention de tous et su créer une ambiance du tonnerre. Du haut de son vibraphone, il a salué son auditoire et entamé «I wanna touch you baby». Tout de suite, la magie a opéré. Impossible, pendant deux heures, d'être ailleurs que sur un hamac bercé par la superbe voix de Roy Ayers, ou sur une vague dont le chuchotement ou le grondement était rythmé sur ses chansons. Les titres s'enchaînent, «Baby you got it», «No stranger to love» ou encore «Don't stop the feeling» sur laquelle le clarinettiste et saxophoniste du groupe a offert à l'audience un solo ahurissant, à dos sur scène. La communion qu'il y avait entre les musiciens était pour beaucoup dans la réussite de ce spectacle truffé de moments aussi pleins que les notes émanant de leurs instruments (guitare basse, batterie, clavier…). S'ensuivirent un titre éponyme en hommage à la ville de Brooklyn, «Everybody loves the sunshine», «Searching» et «A night in Tunisia», composée par Dizzy Gillespie en 1942 et devenue, depuis ,un standard de jazz, repris par toutes les pointures du genre, comme Miles Davis, Ella Fitzgerald, qui étaient venus au Tabarka Jazz Festival pendant son âge d'or, et même Stefano di Battista. «Sweet years» a laissé place à une version instrumentale à la Roy Ayers de «My way», la chanson d'Elvis Presley- reprise de «Comme d'habitude» de Claude François, rendue célèbre grâce à l'interprétation de Frank Sinatra, avant de clore sur un air d'improvisation. C'était du jazz, du vrai, celui où, d'un simple refrain, naissait un voyage musical, qui fit vibrer le public de la basilique de Tabarka, samedi dernier. Le genre de musique qui trouve sa place partout : autant dans un bar américain que sur la terrasse d'un café parisien ou sur la scène d'un festival cherchant à renouer avec son prestige. La réussite de cette soirée a permis au comité organisateur de cette édition, qui a pris le train en marche, de caresser le rêve d'un nouveau départ, et du bon pied, pour le festival. Son directeur, M. Jamel Sassi, nous a même parlé de redonner à la manifestation son éclat d'antan, celui des années 70 où son slogan était «je ne veux pas bronzer idiot», où les spectacles étaient complétés par des ateliers, des projections et des débats. Les rêves se font de plus en plus ambitieux et précis. Reste à trouver les moyens de les réaliser. N'est-ce pas?